[STRICTEMENT PERSONNEL] Procès ad Hanounam
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Le couperet est tombé. Juge suprême des litiges entre les particuliers et l’administration, le Conseil d’État a tranché le fil de l’épée de Damoclès suspendue depuis des mois au-dessus de C8 (et de NRJ 12) par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (Arcom), instance comme on le sait légitime, en tout cas légitimée (mais par qui ?) et indépendante (mais indépendante de qui ?). Le 28 février, C8 aura cessé d’émettre et, de ce fait, les instances compétentes croient peut-être avoir mis Cyril Hanouna hors d’état de nuire (à qui ?). Quoi qu’il en advienne, cette date limite n’est pas à marquer d’une pierre blanche mais bien d’un caillou noir dans la longue et tumultueuse histoire des relations entre les détenteurs successifs des différents pouvoirs et les moyens d’information, les médias.
« L’imprimerie et la librairie sont libres »
Longtemps, les autorisations préalables, les cautionnements, la publication même des journaux, la censure, les saisies, les procès, la comparution, l’incarcération, la condamnation des journalistes ont donné une coloration très particulière à ces relations, notamment, au XIXe siècle, sous la monarchie comme sous les deux Empires français. Époque heureusement révolue. C’est la fameuse loi de 1881 sur la presse. Article premier : « L’imprimerie et la librairie sont libres. » En conséquence de quoi journaux et journalistes, même s’il existe une chambre correctionnelle spécialisée dans les affaires de presse, sont justiciables des mêmes tribunaux, des mêmes accusations et des mêmes condamnations que le tout-venant, notamment en cas de diffamation, d’injures, d’appels à la violence, à la haine et au meurtre, etc.
De fait, il faut bien reconnaître que la République fiche une paix - faut-il dire royale - aux diverses publications imprimées. Les optimistes y verront la preuve que nous vivons sous un régime réellement démocratique, les sceptiques et les historiens proposeront peut-être une autre explication. Le déclin de la presse papier a créé une situation nouvelle et s’est tellement accéléré qu’elle n’a plus ni l’exclusivité de l’information, ni les tirages, ni l’influence qu’elle avait autrefois. Ce qu’il en reste inquiète d’autant moins le pouvoir politique qu’elle est largement aux mains de grands patrons dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne constituent pas une menace révolutionnaire pour la société. Toujours est-il que les dernières saisies d’organes de presse remontent aux temps troublés de la guerre d’Algérie et que nous assistons et même contribuons, pour la plupart, à l’agonie, prélude à son extinction, de cette région de la galaxie Gutenberg. La puissance se concentre encore pour quelque temps dans les moyens audiovisuels et le basculement se précipite en faveur des réseaux sociaux. D’où l’attention très vigilante que leur prêtent - et les soins attentifs qu’en prennent - ceux qui nous dirigent (vers où ?).
L'Arcom, indépendante... et étatique
Imagine-t-on aujourd’hui, comme ce put être le cas dans certaines circonstances – guerre et pénuries -, un média imprimé qui se verrait refuser les allocations et les quantités de papier dont il estime avoir besoin ? Impensable. Il n’en est pas de même, ni dans l’audiovisuel ni sur le Web. Des raisons techniques expliquent, nous dit-on, que pour avoir droit à posséder et à diriger une chaîne de télévision - nous y revoilà -, il faut obtenir l’attribution d’une fréquence, accepter un cahier des charges et que, pour conserver ou se voir renouveler cette licence, il faut avoir et garder l’agrément de la très indépendante Arcom. Nous y revoilà.
Touche pas à mon poste ! Tel était, comme on sait, l’intitulé de l’émission phare de Cyril Hanouna. Ils ont touché à son poste. Ils ont blacklisté la chaîne, condamnée à mort pour avoir lâché la bride sur le cou puis défendu jusqu’au bout son animateur vedette. La sentence prononcée est de toute évidence politique et personnelle. Elle punit les neuf millions d’auditeurs quotidiens de C8. Pour atteindre Bolloré et fragiliser le groupe qu’il possède et qu’il a orienté dans une direction qui déplaît à certains, haut placés, la farouchement indépendante Arcom, approuvée par le Conseil d’État, a abattu Hanouna en plein vol. Attaque ad Hanounam, attaque ad hominem.
L’État, je le rappelais, à travers la très indépendante agence qui surveille et contrôle notre paysage audiovisuel, dispose d’une arme absolue. Ayant la maîtrise des tuyaux, il se conduit comme un plombier qui aurait installé chez vous l’eau courante et qui, parce que votre tête ne lui convient pas, fermerait les robinets.
Pourquoi Hanouna et pas Barthès ?
L’avouerai-je sans détour ? Quel que soit le talent d’animateur et de bonimenteur, indéniable, de M. Hanouna, son émission n’est pas ma tasse de thé, comme on dit. Il ne prétend, du reste, pas tenir un salon mais, plutôt, faire le zouave, en compagnie de pitres complaisants, au zinc d’un café-bar PMU. Dans le genre, c’est une réussite, que l’on pourrait réduire à trois mots : « Liberté, grossièreté, vulgarité. » Et alors ?
Des trois mots de ce triptyque, je ne retiens aujourd’hui que le premier, et je ferai observer qu’à l’aune des raisons invoquées pour ostraciser Hanouna, il ne serait pas difficile de dénicher, dans le PAF, d’autres stations dont le principe, d’autres émissions et d’autres animateurs dont les performances sont un défi permanent et ancien à leur cahier des charges. Le très amusant Quotidien où Yann Barthès, avec talent lui aussi, ne cache rien de ses partis pris et de ses antipathies. L’humoriste belge dont le nom ne me revient décidément pas. Et, bien sûr, la première radio de France, établissement public, propriété et coûteuse danseuse de tous les Français en même temps que pied de nez permanent à la tolérance, à l’équité, au pluralisme et à la démocratie. Mais ceci, comme dit Kipling, est une autre histoire.
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7 commentaires
La fermeture de cette chaîne est, bien entendu, un grand scandale pour la liberté d’expression en France. Tout a été dit, et très bien dit par un grand nombre d’entre vous. C’est pourquoi je voudrais apporter mon opinion en l’orientant sur un angle qui n’a pas été évoqué, à ma connaissance. En effet, bien que n’étant pas une télespectatrice assidue de cette chaîne et de l’émission TPMP, j’avais pu noter que Cyril Hanouna recevait, par le passé dans son public, des jeunes femmes voilées (ce que je trouvais pour ma part dérangeant, mais c’est son choix et sa liberté, après tout). Or, il m’avait semblé qu’à partir du 7 octobre 2023, il n’y avait plus de femmes voilées dans le public… Aujourd’hui, à l’aune de cette décision du Conseil d’Etat, je me pose la question suivante : la décision de fermeture aurait-elle été la même s’il y avait eu encore dans le public de Cyril Hanouna des manifestations des signes ostentatoires que certaines de nos institutions affectionnent particulièrement ??? Mais peut-être m’égaré-je… Très respectueusement.
Je suis en grande partie d’accord avec vous, Monsieur Jamet, mais pas totalement car le livre (fort heureusement) reste, encore de nos jours, un moyen peu coûteux (en France du moins) permettant à chacun de voyager à travers de nombreux sujets. Faut-il rappeler que, même là, certains font obstruction pour que des auteurs ne puissent pas bénéficier de publicité dans des lieux comme des Maisons de la Presse ou des bibliothèques, simplement parce qu’ils ne leur plaisent pas. J’en veux pour preuve le livre de Jordan Bardella « Ce que je cherche ». La SNCF (de gauche assurément) par l’intermédiaire de son syndicat puissant, la mairie de Paris, certains endroits prévus pour dédicacer, et j’en passe, tout ce petit monde, dis-je, s’est outré qu’on puisse afficher la date de parution et la présentation du livre sur des emplacements pourtant mis à disposition à cet effet. Partout la liberté d’expression est malmenée par une caste qui sévit en France et qui rend de plus en plus l’air irrespirable. Là réside la vraie pollution intellectuelle. Aujourd’hui, on vient sciemment d’étouffer C8 en la bâillonnant malgré l’intérêt qu’elle suscite chez beaucoup et peu importe qui ils sont.
Réduire au silence C8 ne sert plus à rien. Grâce à Zemmour et les suivants la parole s est libérée. Nous bâillonner est une erreur monumentale qui ne fait que grossir les rangs des mécontents, des complotistes , des septiques etc. En fait c’est comme pour les attentats et les meurtres à la machette c’est malheureux, terrible même mais tellement libérateur sur le plan des opinions politiques et donc par conséquent des votes à venir.
Il reste encore 18 mois. A ce rythme un tsunami patriote identitaire semble inévitable.
Cette émission n’est pas ma tasse de thé (ni de café!) mais les quelques fois où je l’ai regardée, j’y ai vu comme invités les vrais gens du peuple avec leurs vrais problèmes qui pouvaient être les miens. Les critiques sont émission de bas caniveau, mais alors que dire de toutes ces émissions de « télé réalité » qui n’ont de réalité que le nom, de tous ces « artistes » qui viennent nous dire que faire et que penser pendant qu’ils vivent dans leur quartier privilégié bien souvent à l’étranger. Et les autres émissions de C8? Il semblerait que l’animateur vedette retombera sur ses pattes, mais tous les autres salariés? Qui aura le courage de créer une nouvelle chaine avec tous ces laisser pour compte!
Après avoir tout détruit en France, il restait une chose à détruire en France : la liberté d’expression. Maintenant c’est fait. Macron peut être content de lui. Il ne lui reste plus qu’à se détruire lui-même.
La France n’est pas une dictature, mais en prend le chemin.
Ce qui vient de se passer est inédit et très grave. C’est une censure et un violent coup de sabre à la liberté.
Il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir. Prochaine cible: CNEWS bien évidemment, car son vrai pluralisme et sa liberté de ton dérangent, horripilent, et sont insupportables à ceux qui se prétendent faussement comme le camp du bien.
Il est vrais que quotidien est une émission a oublier, maintenant touche a mon poste n’est pas ma tasse de thé mais on est en démocratie (enfin je le croyais) et la libre expression c’est pour tous. D’ailleurs ce Barthes est pire que hanouna, je n’ai pas tenue 2 minutes de cette tambouille immonde.