[STRICTEMENT PERSONNEL] Soleil était son nom

Le joli visage du petit Émile rayonnait de beauté, de malice et d’intelligence.
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Marc Dutroux, Michel Fourniret, Émile Louis, Guy Georges, Francis Heaulme… Dans le modeste cadre de cet article, nous n’aborderons que le domaine dit du droit commun. La sévérité, très relative, des condamnations que le bras séculier de la société, autrement dit les cours d’assises, a infligées à ces grands criminels récidivistes, les uns déjà morts, les autres encore vivants, dont les noms et les forfaits sont connus de tous, me laisse froid. L’avouerai-je, je suis de ceux qui tiennent que la peine capitale, officiellement abolie en France depuis 1981, était la mieux adaptée et la plus justement proportionnée aux agissements monstrueux, délibérés, prémédités et répétés d’êtres nés humains qui, aussi longtemps qu’ils ont été libres de leurs actes, ont consacré consciemment, lucidement et délibérément le plus clair de leur vie à assassiner leurs semblables.

On n’évoquera ici qu’au passage ceux qui, modestement, n’ont défrayé qu’une fois la chronique du crime. Un Jonathann Daval, par exemple, dont on n’a pas encore oublié le remarquable talent, employé mal à propos, de comédien et de menteur. Ou un Cédric Jubillar, dont l’obstination granitique à marteler depuis bientôt cinq ans qu’il ignore totalement où peut bien être passée sa femme, disparue corps et âme en 2020, mériterait presque l’admiration s’il n’était apparemment le mieux placé pour le savoir parfaitement.

Les grands faits divers, ceux dont le souvenir persiste et se perpétue pendant des décennies, voire de génération en génération, ne sont pas forcément les plus sanglants - œuvre barbare et meurtrière, étalée sur des années - de tueurs en série plus ou moins détraqués, mais ceux qui trouvent d’emblée et éveillent longtemps encore une caisse de résonance durable dans le plus large public. Parce qu’ils nous parlent, souvent parce qu’ils recèlent une part plus ou moins substantielle de mystère, d’énigme quant aux faits, à l’identité des coupables et des complices. Plus généralement parce que, fût-ce à l’insu des mis en cause (on remarquera, au passage, que la Justice, les médias puis la mémoire collective retiennent indifféremment, pour désigner les affaires les plus célèbres, le nom du ou des criminels, de leurs victimes ou des lieux concernés), ils ont une dimension humaine, sociologique, voire affective qui les arrache à l’éphémère et les préserve de l’oubli.

Ainsi de la désormais lointaine et toujours légendaire affaire Dominici. Cruellement punis de la mauvaise idée qu’ils avaient eue de camper sur un terrain dépendant de leur ferme, dite la Grand’Terre, un touriste britannique et fortuné, sir Jack Drummond, son épouse et leur jeune fille y furent sauvagement assassinés, comme des bêtes, à coups de fusil, dans la nuit du 4 au 5 août 1952. On ne sut jamais, malgré des années d’enquêtes, de reportages, de procès et de détention, comment les rôles s’étaient répartis entre Gaston, le « patriarche », Gustave et Clovis, ses fils, son petit-fils, quelle part y avaient eu la colère, la cupidité, la sexualité, le hasard. Gaston finit par s’avouer coupable sans que l’on puisse décider s’il l’était vraiment, s’il s’était sacrifié pour épargner les véritable auteurs ou si, compte tenu de son âge, il comptait sur l’indulgence du tribunal ou sur une grâce - dont il bénéficia, en effet. La tuerie s’était déroulée près de Lurs, non loin de Manosque, sur ces terres de Haute-Provence qui étaient aussi et d’abord celles qu’avait chantées tout au long de sa vie et de son œuvre Jean Giono. Envoyé spécial du journal Arts lors du procès, le grand romancier ne sut, pas plus que les juges, le jury, la police et la presse, y voir clair au travers de l’écheveau de mensonges, de rumeurs, d’approximations et de fausses pistes à quoi se résumait le dossier, mais il fit mieux en analysant et en décrivant la rencontre entre deux mondes, deux civilisations et deux âges intraduisibles l’un par l’autre qui constituait le fond de tableau du drame.

Au début des années 1970, la France entière se passionna et se déchira autour du viol et de l’assassinat d’une jeune fille, Brigitte Dewèvre, à Bruay-en-Artois. C’est qu’au-delà (et en dehors) du caractère particulier et hélas relativement banal de ce meurtre, certains y virent et exploitèrent l’occasion d’en dénoncer le fond social. Le jeune quotidien Libération, qui faisait alors (un demi-siècle avant la vague puritaine déclenchée par MeToo) de la sexualité libérée une grande cause révolutionnaire et de ses petites annonces coquines, libertines, échangistes et pansexuelles l’une de ses sources de recettes, chercha et trouva, avec l’aide du « petit juge » Pascal, un coupable idéal en la personne du notaire Pierre Leroy, un Dominique Strauss-Kahn local avant l’heure, autrement dit un représentant symptomatique et emblématique de la dépravation inhérente à la classe bourgeoise. Un petit voyou du cru s’étant soudain dénoncé comme le véritable meurtrier, l’affaire cessait d’être exploitable par le camp du Bien. La blessure n’en reste pas moins encore vive, dans les Hauts-de-France, à telle enseigne que, s’estimant salie par le torrent de boue et d’immondices qui s’était déversé sur elle, Bruay-en-Artois a préféré changer d’identité en 1987, histoire de se faire oublier pour la faire oublier et sort dorénavant dans le monde sous le nom plus présentable de Bruay-la-Bussière.

Laissons l’enquête progresser

Tous les ingrédients étaient réunis, dès l’origine, en octobre 1984, pour faire de l’affaire Grégory, significativement baptisée dans un premier temps « affaire Villemin », une affaire sensationnelle, dont le souvenir reste en effet presque aussi vif qu’au premier jour : le meurtre d’un innocent jeté, comme au temps des sacrifices humains, dans une innocente rivière, la Vologne, bientôt dépeinte elle-même comme un fleuve noir baignant une petite ville rongée par la haine, les querelles, les complots et les brouilles d’un cercle familial décrit comme un nœud de vipères, sur lequel planait l’ombre maléfique d’un corbeau. À quoi s’ajoutèrent les incroyables cafouillages d’une enquête policière infructueuse et, de surcroît, remise en question par un juge d’instruction débutant et imbu de lui-même, l’erreur fatale de Jean-Marie Villemin qui, en abattant son cousin Bernard Laroche, pensait venger son enfant et a définitivement fermé une bouche qui aurait eu beaucoup à dire. Et, pour finir, tel le bouquet d’un feu d’artifice, les élucubrations de la grande Marguerite Duras désignant, inspirée par l’impudence qui faisait croire à son génie, une mère infortunée comme « sublime, forcément sublime » et donc coupable, forcément coupable.

Cette histoire désormais classique aura-t-elle pour une fois servi de leçon ? L’ensemble des médias a, jusqu’à présent, évité, à propos de la mort du petit Émile, dans le hameau du Haut-Vernet, de céder à la tentation des amalgames, des hypothèses loufoques et des constructions hasardeuses dont elle n’a cessé d’accompagner l’interminable instruction, toujours en cours, de l’affaire Grégory. Les progrès de la police scientifique, une enquête menée et poursuivie à l’écart des foules, des photographes, des magazines et des démagogues, vient d’établir, sans grand risque de contestation, que la disparition du petit garçon était bien due à un homicide. Volontaire ? Involontaire ? On ne peut encore en décider. Commis par un proche ? On ne peut l’exclure. Laissons l’enquête progresser et souhaitons qu’elle aboutisse sans être polluée par les commentaires, les insinuations et les désinformations qui se préparent dans la pénombre. Si rien ne peut les faire revenir parmi nous, que rien non plus ne vienne souiller l’image de deux enfants souriant pour l’éternité aux promesses de l’aube. Grégory était un bel enfant, plus avancé que son âge. Le joli visage du petit Émile rayonnait de beauté, de malice et d’intelligence. Soleil était son nom.

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Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

47 commentaires

  1. Terrible pour sa maman et son papa..pour ke moment nous ne savons rien,et ça ne nous regarde en rien…la presse mainstream, une fois de plus en fait sa une..tous les journaleux et experts de plateau nous saoulent avec leurs  » pronostics » …. » en meme temps  » o éteint la nouvelle dépense du guignol de 2miliards pour l’ukraine, les assassinats d’innocents dans nos rues,les non lieus obtenus par leurs assassins,les mesures de financement d’une guerre qui n’est pas la nôtre.. etc etc…sans parler de quasi accusations du grand père parcequ’il a éduqué correctement ses 6 enfants dans la foi..honteux !

    • Dès le début de l’enquête, les grands parents ont été montrés du doigt..parcequ’ils sont Catholiques pratiquants..et aiment la messe en latin.
      La messe en latin est universelle..à Londres….à Madrid….à New-York…à Jérusalem..partout dans le monde on peut la suivre facilement…
      La messe en Français…ça n’a pas la même valeur…( pour moi..Catholique).
      Cela ne signifie pas qu’on soit intégriste…

  2. Il n’y a qu’en France qu’on puisse bousiller aussi complètement l’enquête et le processus juridique attachés à certains meurtres d’enfants (ou d’adultes), de sorte que les faits ne sont jamais clairement établis, les coupables jamais identifiés et punis – tout en ravageant les familles des victimes, voire des enquêteurs et des juges. En dehors de scandales du type Sarah Halimi, bien entendu.

  3. Un fait divers qui ne met pas en cause une personne d’origine étrangère et pratiquant une religion dite de paix et d’amour , donc on peut en parler sans entrave , et tous les médias en profitent , pendant qu’on occupe l’espace médiatique avec, on peut ignorer d’autres faits et d’autres problèmes .

  4. Ça commence à faire! cet acharnement médiatique sur ce qui reste un fait divers!
    BFMTV-Macron fait ses soirées entières de diversion, sur la mort -accidentelle ou non- du jeune enfant, laissez la police scientifique fait son travail.
    La responsabilité des grands parents, qui avaient la garde de l’enfant, est engagée, au niveau de leur vigilance. On ne laisse pas un enfant de deux ans divaguer seul sur une route!
    Pour le reste, la police ou la gendarmerie finiront par retrouver le chauffard qui a tué le petit garçon.
    C’est la conviction intime des grands parents.

  5. En effet, les siècles sont jalonnés de grandes affaires…
    Alain Decaux en son temps se fit
    en quelque sorte le chroniqueur de ces temps ancien. Il était très suivi. L’affaire dite du Courrier de Lyon qui se conclua sans doute par l’exécution d’un innocent reste encore de nos jours une énigme.
    Il y a un peu plus de 40 ans l’Affaire Gregory remplissait les gazettes ;elle n’a jamais Été résolue, et ne le sera probablement jamais.
    La mort du Petit Émile risque de suivre le même chemin.

  6. On peut aussi ajouter l’affaire de la Josacine empoisonnée, pour laquelle JM DEPERROIS a exécuté 12 ans de prison après une condamnation sans preuves réelles, alors que cet entrepreneur – de formation scientifique – ne pouvait empoisonner un médicament pour enfant à l’intention de tuer un adulte… fut-ce le mari de sa maîtresse!

    • C’est déjà fait, certains bien intentionnés appuient avec bien trop d’insistance sur la religion de cette famille, leur façon discrèrte de vivre, ou le fait d’être une famille nombreuse. Toute chose devant être dénoncée car non conforme aux dictâtes du camp du bien.

      • Mais nous ne jugerons pas d’après ces critères..
        Même si certains médias se frottent les mains en espérant…
        Pouvoir faire leur choux gras de ce grand malheur.

  7. Vous avez écrit cet article avant qu’une émission consacrée à Emile hier sur une chaîne d’info ne montre que, malheureusement, vos souhaits ne se sont pas réalisés. On y présentait le père comme un ex-facho, le grand père comme un monstre autoritaire et violent, les catholiques traditionnalistes (les seuls qui vont encore à la messe) comme des sectaires nauséabonds, etc, etc…. et cela sans contradiction. A chaque époque ses journalistes que Mitterand aurait appelé des chiens qui chassent en meute. Comme quoi la personne humaine (l’Homme d’autrefois) n’apprends rien de ses erreurs.

    • QUELLE CHAÎNE D’INFO ??
      Pour les médias nauséabonds de gauche ( puisque médias publics )
      être Français..blancs.. Catholique.. (qui plus est pratiquant ) avec plus de deux enfants….C’EST DOUTEUX…
      FRANCHEMENT…TOUT CELA EST PITOYABLE

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