[STRICTEMENT PERSONNEL] USA : introduction à la vie des votes

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Les enquêtes d’opinion, les instituts de sondage, les envoyés spéciaux sur le terrain, les éditorialistes de derrière les bureaux nous l’avaient annoncé, confirmé, assené, martelé : ce serait serré, très serré. Tout dépendrait, finalement, des sept État pivots où les deux candidats, au coude-à-coude, étaient tour à tour donnés vainqueurs et perdants, au demi-point près. Même si l’élan de curiosité sympathique qu’avait suscité la candidature surprise de Kamala Harris était quelque peu retombé, même si Donald Trump poursuivait imperturbablement sa campagne au volant de son bulldozer et, à l’occasion, de son camion-poubelle, l’avantage restait, de l’avis général, à sa concurrente. La vice-présidente n’était-elle pas jeune – au moins relativement –, noire - en tout cas métisse – et femme – incontestablement ? Cependant, à l’approche du jour fatidique, les mises en garde se multipliaient, de plus en plus inquiétantes. Trump, second et donc battu, refuserait de reconnaître sa défaite. Il faudrait attendre des semaines - qui sait -, des mois pour connaître les résultats définitifs, après comptages et recomptages, appel aux tribunaux et, surtout, intervention des milices à la solde du milliardaire, émeutes, pillages, incendies, l’Amérique coupée en deux, la démocratie mise à mal, la guerre civile… On allait voir ce qu’on allait voir !

On a vu. La victoire, spectaculaire, nette, sans bavures, de Donald Trump. Victoire, en fait, de grands électeurs. Victoire en nombre de voix. Grand chelem dans les sept swing states. Majorité au Sénat. Majorité à la Chambre des représentants. Du coup, le nouveau Mussolini, le Führer réincarné, l’ex-mauvais joueur et mauvais perdant de 2020, n’avait vraiment aucune raison de ruer dans les brancards, encore moins d’appeler à l’insurrection. Bien mieux : passée et digérée, l’amertume de la défaite, Joe Biden et Kamala Harris s’engageaient, élégamment, sportivement, démocratiquement, à organiser avec le vainqueur la transmission du pouvoir. Happy end. La République était sauve. Avait-elle jamais été en péril ? Les augures de tout niveau et de tout genre s’étaient mis et nous avaient mis le doigt dans l’œil. Ce sont des choses qui arrivent quand, nos partis pris altérant notre lucidité, on se laisse aller à peindre l’avenir aux couleurs de nos préférences.

Les célébrités et les urnes

Un sondage – un de plus – nous rappelait en revanche, dès le lendemain de l’élection présidentielle américaine, que Donald Trump déplaît, plus ou moins fortement, à plus de 70 % des Français. Si l’on se réfère à la manière dont nos médias ont suivi et commenté la campagne du « milliardaire », la proportion passe à 90 %. Et ce n’est rien, encore, au regard des sentiments que nourrissent les élites d’outre-Atlantique à l’égard de Trump. La liste des vedettes de la chanson, du cinéma ou des écrivains qui ont publiquement et violemment pris parti contre le candidat du Grand Old Party est impressionnante. Taylor Swift, bien sûr. Mais aussi Beyoncé. Et George Clooney, Robert De Niro, Leonardo DiCaprio, Jennifer Lopez, Scarlett Johansson, Julia Roberts. Et Douglas Kennedy ? Colum McCann… Quelle affiche ! Quel générique ! Que de talents ! Quelle accumulation de célébrités s’était mobilisée contre la personne, la personnalité, la grossièreté, la vulgarité, les outrances, les turpitudes, la malhonnêteté financière, fiscale, intellectuelle, les écarts, les violences, les mensonges de l’ancien et du nouveau chef de la première puissance mondiale… Il ne fait pas de doute, si les Français avaient le droit de vote aux États-Unis ou si le sort de Trump était soumis à référendum dans les studios de Hollywood, que Kamala Harris l’aurait emporté haut la main sur son adversaire.

Mais les Français ne sont pas électeurs outre-Atlantique. Mais ce n’est pas au box-office que s’est jouée l’élection, le 5 novembre. Et ce n’est pas sur les restrictions au droit à l’avortement, la composition de la Cour suprême, les revendications des lobbies LGBTQ ou le libre accès des personnes transgenres aux toilettes des garçons, des filles et des sexes indéterminés que s’est faite la différence entre Donald et Kamala. Outre l’erreur tactique initiale qui a conduit les démocrates à investir bien imprudemment Joe Biden, puis à le débrancher bien tardivement, outre la faiblesse du discours de la vice-présidente, sur la forme et dans le fond, les électeurs ont plus fait confiance à Trump qu’à Mme Harris, associée, volens nolens, à Biden, pour lutter contre la vie chère, pour défendre le niveau de vie des classes moyennes et défavorisées, pour juguler le flux migratoire qui menace la cohésion, l’équilibre ethnique et le respect des valeurs traditionnelles sur lesquelles se sont fondés les États-Unis, pour rendre au pays sa grandeur et sa confiance en lui-même.

La politique étrangère tout aussi déterminante

Un sujet qui n’est pourtant pas apparu au premier plan de la campagne a implicitement joué un rôle décisif dans le succès de Trump. Pour reprendre une image familière au monde anglo-saxon, il y avait un éléphant dans la pièce, et cet éléphant était républicain. Les intentions et les choix que l’on prête à Donald Trump en matière de politique étrangère ont été déterminants. Alors que Biden et son parti se sont avérés incapables d’imposer la paix en Ukraine, de calmer Netanyahou au Proche-Orient et de faire baisser la tension avec la Chine autour de Taïwan, Trump semble de taille à rétablir la paix aux confins de l’Europe, à ramener Israël à la raison, à borner les hostilités avec la Chine au domaine économique. En d’autres termes, à barrer la route à la menace d’une troisième et dernière guerre mondiale que son successeur et désormais prédécesseur n’a pas su endiguer.

Les résultats de l’élection américaine à peine connus, de bons esprits voyaient dans le triomphe de l’homme au complet bleu l’effet de la prédominance des majorités mal éclairées sur les minorités diplômées et ne craignaient pas de colporter sur les réseaux sociaux leur nostalgie d’un suffrage restreint, non sur la base des revenus, comme au temps de Louis-Philippe et de Guizot, mais sur celle de l’instruction. Outre qu’il y a là quelque hypocrisie - car le niveau des rémunérations recoupe, en grande partie, celui de l’éducation -, cette proposition a le petit défaut de revenir sur un principe fondateur des démocraties selon lequel, tous les hommes naissant et demeurant libres et égaux en droits, la voix d’un redneck du Michigan vaut celle d’un milliardaire toxicomane de la Silicon Valley, et vice versa.

Résolument optimiste et viscéralement démocrate, le philosophe Alain a écrit, un jour, que « le peuple est merveilleux pour choisir ». Nous saurons très vite si, le 5 novembre, le peuple américain a fait le bon choix.

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Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

21 commentaires

  1. 80% des médias US ont appelé à voter contre Trump. En France 99% des médias étaient anti-Trump. .
    Cette dictature des médias, qui est d’abord une dictature sur les médias, est très certainement le phénomène le plus inquiétant quant à l’état de la démocratie en Occident.
    Cet unanimisme médiatique est un score proche (USA) ou équivalent (France) de celui des pays dits totalitaires. C’est un miracle que le peuple américain ait pu imposer son choix contre cette tyrannie de prétendus « éclairés ». Cela n’aurait pas pu se produire en France. Il va falloir mettre en place les mécanismes politiques, économiques, financiers, sociaux et avant tout médiatiques qui fassent obstacle à la Manipulation. Sinon ce sera « Le Meilleur des Mondes », sous économie de tendance capitaliste. Le capitalisme, même « de Gauche », n’est en rien une garantie contre l’absolutisme.

  2. On ne saura jamais réellement si le choix des électeurs a été bon.
    Si cela se passe mal avec Trump, cela ne veut pas dire que le choix a été mauvais , puisque cela n’ exclut pas l’hypothèse que cela aurait pu être pire avec Harris, et de même, si cela se passe bien avec Trump, cela aurait pu peut être encore mieux avec Harris.
    Par ailleurs les américains ont sûrement choisi pour eux, non pour les français, et ce qui peut être un bon choix pour les américains peut être mauvais pour les français et réciproquement.
    Au moins le choix est fait, plus clairement qu’il il y a 4 et 8 ans, et c’est déjà probablement une bonne chose.

  3. Que connait on effectivement des USA.? Hollywood et ses millionnaires voir milliardaires que nous montrent à longueur d’années les médias mainstream. Le rêve américain se résume a cela pour nombre de français . Mais la réalité est toute autre et le peuple d’en bas américain a choisi celui qui incarne son seul espoir. Comme en France d’ailleurs mais dont ici on l’a privé par des magouilles. Les temps changent les cocus aussi changent de camp.

  4. N’oubliez pas que le rôle du président n’est pas de ruiner son pays. Voyez en Norvège, bourrée de centrales hydroélectriques, le passage à 90 % des ventes de voitures électriques n’a fait baisser que de 10% les émissions de co2. Faut il ruiner l’Occident au seul profit de la Chine pour diminuer de10% les quelques % que représente l’Occident ?

  5. En fait, ce qui dérange l’opinion, c’est qu’on est plutôt d’accord avec les idées de Donald TRUMP, mais on n’aime pas l’homme, on n’aime pas le personnage, ses attitudes, sa posture. Là aussi, Dominique JAMET, on aurait voulu peindre le candidat aux couleurs de nos préférences…

  6. Hier Pascal Praud faisait remarquer que le candidat Trump, au delà de son image outrancière, avait tout au long de sa campagne développé des idées propres à séduite n’importe quel électeur Français. Redonner des raisons de fierté nationale à chacun, protéger l’économie du pays pour la renforcer, et pouvoir augmenter le pouvoir d’achat, établir des frontières protectrices mais les ouvrir à ceux des immigrants que nous souhaitons accueillir… qui est contre, demandait Praud ? Les électeurs américains ont répondu.

  7. « calmer Netanyahou », « ramener Israël à la raison » sont votre propre vision des choses (celle de Trump ?). Et lorsque vous nous dites:  » Ce sont des choses qui arrivent quand, nos partis pris altérant notre lucidité, on se laisse aller à peindre l’avenir aux couleurs de nos préférences. », vous faîtes preuve d’une grande lucidité sur vous même.

  8. 70 % des français hostiles à Trump ? Ça correspond donc aux résultats des élections ici. Ça n’est pas étonnant car la plupart ne s’informent pas et crient avec les loups leur rejet de Trump sans savoir pourquoi d’ailleurs. J’en ai entendu dire une qui plaignait désormais les femmes aux Etats Unis comme si Trump allaient les persécuter.Nous avons encore une majorité de gens stupides dans ce pays.

  9. Les gauchos sont l’illustration de la chanson de Graeme Allwright : « on avait de l’eau jusqu’au cou mais le capitaine a dit d’avancer… ».

  10. Sans parler de l’élection en elle-même, on ne peut que souligner la manière dont à été traité toute cette campagne et à quel point les médias et les instituts de sondages se sont trompés.

    Élection serrée, décomptage très long, menaces de milices de « Républicains », mensonges en tout genre, etc. comment interpréter tout ce qu’on dit les médias depuis quelques mois ?

    Incompétence, ce serait le moindre mal, mais ça voudrait dire qu’on ne peut plus leur faire confiance sur les analyses des grands événements.

    Volonté délibérée de tromper les gens et, dans ce cas, c’est très grave et des enquêtes devraient être diligentées pour diffusion de fausses nouvelles.

    Dans tous les cas de figure, les grands médias et les instituts de sondage se sont plantés dans les grandes largeurs et dans tous les cas, il ne faut jamais perdre espoir, mais continuer à se battre pour ses idées.

  11. Trump déplaît à 70 % des bobos des villes, pour beaucoup discuter dans les milieux ouvrier, ce serait plutôt l’inverse et pour moi ce sondage est une fausse nouvelle orienté pour faire croire que les français n’aiment pas Trump alors que dans les faits, ils l’apprécient bien plus qu’Harris.

  12. « Trump déplaît fortement à 70% de Français », encore un sondage bidon comme ce fut le cas pour Harris/Trump, beaucoup de Français sont pour Trump comme ils le sont pour Poutine, car ils défendent les intérêts de leur pays contrairement à notre président le plus stupide de l’Histoire, n’en déplaise à certains.

  13. « Ce sont des choses qui arrivent quand, nos partis-pris altérant notre lucidité, on se laisse aller à peindre l’avenir aux couleurs de nos préférences. »
    C’est bien Dominique, vous êtes bon perdant ! Heureusement pour Donald que vous n’ayez pas participé à la votation US… Merci aussi d’avoir repris à votre compte tous les poncifs sur Kamala et sur Trump ! L’électeur américain a eu une vision différente. Franchement, je le trouve gonflé d’avoir un avis différent de celui de notre penseur voltairien !

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