Sujets de l’épreuve de philo du bac 2019, ou comment faire de l’idéologie à bon compte
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L’épreuve de philosophie du baccalauréat général 2019 a, comme à l’accoutumée, réservé son lot de sujets orientés idéologiquement. Comme ses prédécesseurs, l’actuel ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, reste fidèle à la ligne droit-de-l’hommiste et libérale-libertaire, ligne selon laquelle la jeunesse française ne doit avoir d’attention que pour la morale, la liberté et la pluralité des cultures. En d’autres termes, l’enseignement de la philosophie n’est que l’instrument de cette idéologie.
Les sujets proposés aux terminales scientifiques sont éloquents en la matière. D’abord, on a : « La pluralité des cultures fait-elle obstacle à l’unité du genre humain ? » Gare à celui qui ne défendra pas une perspective multiculturaliste !
Difficile de ne pas évoquer les thèses de Lévi-Strauss dans Race et histoire : « L’unique tare qui puisse affliger un groupe humain, c’est d’être seul », voire « Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie » (1968).
En outre, il ne faudrait pas passer à côté de l’occasion de se montrer rousseauiste en répondant à la question : « Reconnaître ses devoirs, est-ce renoncer à sa liberté ? » Dans Du contrat social (1762), le philosophe genevois avait écrit clairement : « Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. ». Alors, « c’est à la loi seule que les hommes doivent la justice et la liberté ». En effet, il ne peut y avoir de liberté si ce n’est sous la forme de l’autodétermination.
Précisément, il est suggéré aux terminales économiques et sociales de se déterminer selon les Fondements de la métaphysique des mœurs de Kant : « La morale est-elle la meilleure des politiques ? » Attention ! Le candidat doit connaître ses mantras : « Tu dois, donc tu peux. Une volonté libre et une volonté soumise à des lois morales sont une seule et même chose. »/« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. » En définitive, la politique amorale serait barbare parce qu’inhumaine. Dans ce cas, pourquoi ne pas se sortir de l’ornière pédagogiste en réinvestissant le champ du travail (sujet n° 2 pour les TES) ? Seulement, ce dernier, n’étant plus « vivant, individuel et subjectif » (Marx) dans une nouvelle chaîne – cette fois-ci infinie – d’efforts vains et démonétisés (par exemple, les livraisons), ne permet plus à l’homme de réaliser pleinement sa nature.
Seuls les sujets de dissertation soumis aux terminales littéraires sauvent la mise : « Est-il possible d’échapper au temps ? »/« À quoi bon expliquer une œuvre d’art ? »
Il serait enfin possible d’être contemplatif comme Schopenhauer, ou d’avoir le sens du tragique à l’instar de Nietzsche. Il reste, malgré tout, difficile pour notre jeunesse d’explorer, entre autres, les idées contre-révolutionnaires de Joseph de Maistre, l’antihumanisme de Michel Foucault et le situationnisme de Guy Debord. Sans oublier le fait qu’aucune philosophie n’est un système dogmatique. Par exemple, Lévi-Strauss développait (à sa manière) une thèse hostile à l’humanisme : « Le but dernier des sciences humaines n’est pas de constituer l’homme, mais de le dissoudre », dans La Pensée sauvage (1962).
La première tâche du professeur de philosophie n’est-elle pas d’initier à l’ouverture d’esprit ? Douter ne serait plus penser.
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