Suppression de la taxe d’habitation : un trompe-l’œil fiscal

argent

Oyez, bonne gens ! Oyez la bonne nouvelle : à en croire une note publiée, le 27 mai, par le député Jean-René Cazeneuve, rapporteur général du Budget à l’Assemblée nationale, les impôts locaux ont diminué drastiquement depuis 2017 par la grâce d’Emmanuel Macron. Hélas, les apparences peuvent être trompeuses…

Selon cette note, la pression fiscale locale sur les ménages a baissé de 18,4 % entre 1017 et 2023 grâce à la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale, représentant 17 milliards d’euros d’impôts. Les Français s'approcheraient du paradis fiscal... Cette baisse compenserait largement la hausse de l’ensemble des prélèvements locaux subsistants, comme la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (+26,5 %) et ceux qui frappent encore les propriétaires : taxe d’habitation sur les résidences secondaires (+40,1 %), taxe foncière sur les propriétés bâties (+30,1 %) et non bâties (+13,4 %). En fin de compte, les impôts locaux payés par les ménages français (1.200 euros, en moyenne) ont diminué de 22 % en euros courants, en 2023. Et les particuliers ne sont pas les seuls à en avoir profité, les entreprises n’ont pas été oubliées (13,2 % de baisse depuis 2017). Sauf à être un mauvais coucheur fieffé, il faudrait donc chanter les louanges d’Emmanuel Macron.

Mais quel est le prix de ces « cadeaux » et qui en fera les frais ?

Pour les collectivités locales, la suppression de certaines taxes locales – dont la taxe d’habitation – a eu pour conséquence un manque à gagner de 53 milliards d’euros, partiellement compensé par des dotations de l’État. Or, le niveau des prélèvements obligatoires est resté stable, passant de 45 milliards d’euros, en 2022, à 43,5 milliards d’euros, en 2023. « Autrement dit, on a baissé les impôts locaux, mais le niveau d’imposition global est resté le même », remarque Emmanuel Sallaberry, maire de Talence et co-président de la commission des finances de l’Association des maires de France (AMF). Qu’il soit local ou national, l’impôt sort, en effet, de la poche du même contribuable… L’Association des maires de France souligne que cette « politique de suppression par la nationalisation des impôts locaux affaiblit la démocratie locale », le remplacement des impôts locaux par des dotations conduisant « à priver les collectivités de leur liberté et de leur responsabilité fiscale, et éloigner encore davantage la décision du citoyen ». Le consentement à l’impôt en devient aussi plus incertain.

En outre, ces dotations de l’État aux collectivités locales ne sont pas financées seulement par l’impôt, mais aussi par l’emprunt – ce qui constitue un report de dépense, vieux tour de passe-passe démagogique. « Il reviendra aux générations futures de supporter le coût de la taxe d’habitation que les contribuables actuels ne paient plus », poursuit Emmanuel Sallaberry. La dette publique dépasse, aujourd’hui, 3.100 milliards d’euros, ce qui n’a pas empêché Emmanuel Macron de déclarer, dans un entretien publié le 16 mai dans L’Express, que, « hormis une dérive des dépenses initialement prévues qui est du fait des collectivités territoriales, il n’y a pas de dérapage de la dépense de l’État » ! Cette sortie a été mal reçue par les maires de France, qui ont rappelé à juste titre que les communes sont tenues au respect de la règle d’or leur interdisant de voter un budget en déficit, alors que celui de l’État n’est plus en équilibre depuis 1978.

L'autonomie des collectivités locales mise à mal

L’Association des maires de France (AMF) a fait valoir que l’augmentation des dépenses locales résulte de l’inflation et du transfert des charges de l’État vers les collectivités. La centralisation fiscale est viciée : l’État délègue de plus en plus ses compétences aux collectivités locales sans que le financement ne suive toujours. Les collectivités locales, et les communes au premier chef, sont ainsi placées en situation de dépendance par rapport au pouvoir politique « alors que l’autonomie des collectivités locales est constitutionnelle », rappelle Emmanuel Sallaberry.

Selon l’AMF, les dotations globales de fonctionnement aux collectivités ont diminué de 71 milliards d’euros depuis 2010 et il manque, en outre, un milliard d’euros de compensation annuelle pour la taxe d’habitation et 750 millions d’euros pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Certaines décisions gouvernementales, non financées ni compensées, ont également des conséquences importantes sur le budget des communes, comme celle, l’an dernier, d’augmenter de près de 5 % le traitement des fonctionnaires. « Cette situation entrave la capacité d'investissement public, supporté à 70 % par les collectivités locales », regrette l’AMF. Avec des conséquences prévisibles sur les services publics, la rénovation des écoles, des routes ou des bâtiments, entre autres. Comme l'éléphant, la fiscalité macroniste trompe énormément...

Éric Letty
Éric Letty
Journaliste

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17 commentaires

  1. La suppression de la taxe d’habitation est révélateur de l’esprit de nos dirigeants , symbole d’une France qui disparait, diluée dans l’Europe, et qui bientôt ne saura plus où elle habite . Davos veut une population migrante, nomade, déracinée, et dépendante d’une oligarchie qui la méprise !

  2. Absolument d’accord avec ce point de vue ! Pourquoi ? Parce que la suppression de la taxe d’habitation, à provoquer une forte augmentation de la taxe foncière pour compenser la perte de la taxe d’habitation ! Il aurait fallut supprimer les deux taxes, afin de faire de vrais économies d’échelles aux niveaux des dépenses ! Malheureusement ca déplait profondément aux collectivités locales et territoriales qui n’aiment pas réduire leurs dépenses ! Malgré la baisse générale de nos ressources, qui sont en lien directe avec notre désindustrialisation ! Un pays ne peux pas durablement dépenser plus, alors qu’il gagne moins ! Hervé de Néoules !

  3. Les Finances publiques sont un jeu de vases communicants , quand on réduit ou supprime un impôt , à moins de réduire d’autant les dépenses , il faut augmenter un autre impôt, ou créer un nouvel impôt.

  4. Le monde a l envers. Les propriétaires ont dépensé gros en achetant appartement ou maison en construisant en donnant du travail aux entreprises et sont en plus les seuls à participer au budget communal. C est la taxe foncière qui aurait dû être supprimée. Ou est l égalité de l impôt ? Heureux locataires qui profitent gratuitement des infrastructures de leur village ou ville.

    • Malheureux locataires qui se ruinent en payant un loyer pour enrichir le propriétaire . Il vaut mieux payer un emprunt que payer un loyer , mais certains ne peuvent pas emprunter .

  5. Et comme l’état s’est très désengagé du maintien en état des routes, ce sont aux communes, départements et régions qu’incombe le travail; c’est à dire sur leurs parts des taxes foncières. Autrement dit, tout pour la « gueule » des propriétaires. Bruno le Maire, l’homme qui pleure de joie devant son miroir, oublie de nous dire bien des choses.

  6. Ces « dotations d’état » sont aussi un excellent moyen pour obliger certains maires à « rentrer dans le rang « Si tu ne files pas droit, je te sucre ta dotation ». Voir l’épaisseurs des dossiers des plaintes déposées par des maires contre leur Président de Région… Aussi bien de gauche que de droite, d’ailleurs…

  7. Evidemment, c’était un « attrape-nigauds » : faire payer encore plus pour les « cassoss » ! ni vu ni connu ( dans un premier temps ), j’t’embrouille…

  8. Cette suppression de taxe promise en 2017 par Macron était cyniquement électorale et l’a aidé à accéder au 2 ème tour de la présidentielle.
    C’était un impôt payé par la plupart des français et n ‘etait pas contesté.
    Même Mélenchon n’ avait pas pensé à sa suppression et ne la réclamait pas ,c’est dire..

    Avec ses conséquences désastreuses très bien décrites par M Letty.

  9. Si vous voulez « comprendre » la lâcheté de quelques maires, plus nombreux qu’il peut sembler », allez voir le « parcours » de Karl OLIVE ! …
    Le fracas des communes est aussi une « trouvaille » de tous ces coucous poly-tocards du genre de « Flamby » qui a encore plus « empilé » des strates de « petits hommes gris » en regroupant des régions … Au fait, qui était le « sinistre des finances » à cette époque ? … Les « regroupements des régions », les « Communautés de Communes sont à nos communes ce qu’est l’UE à la FRANCE : la corde qui dit à son pendu : « je suis ton seul soutien … »

  10. De la com..toujours de la com..comme pour la taxe sur l’audiovisuel public..on la supprime mais on continue de subventionner l’audiovisuel public à hauteur de 4 milliards…avec nos impôts.. .Dans ma commune la taxe foncière à pris 15% cette année et les poubelles 20%.. par contre on fait passer la  » flamme dans deux villages » pour 36000 euros plus toute l' » organisation ».. bus,défilés,panneaux..réunions préparatoires avec apero dînatoire etc etc…

  11. A quand un « maire de France » qui secoue le cocotier, en menant tous ses collègues à agir conformément aux intérêts de chaque commune, au lieu d’être les béni-oui-oui du gouvernement ? c’est pourtant d’eux que peut venir une réaction démocratique, instaurée par le peuple, directement

  12. C’est toute la macronie qui trompe le peuple . Supprimer la taxe d’habitation a encore favorisé certaines populations qui profitent de toutes les structures sans participer à leur financement et entretien et vous oubliez que beaucoup de communes ont fortement augmenté la taxe foncière pour compenser les pertes de la taxe d’habitation . Une injustice sociale de plus .

  13. Et que dire des petits propriétaires qui ont vu bondir leur taxe foncière ? Il suffit de 3 mois impayés pour être dans le rouge. De plus, en résumé c’est le propriétaire qui paie pour le ramassage des ordures de ses locataires. Les fous sont lâchés.

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