Suppressions de postes dans l’enseignement: la goutte qui fait déborder le vase

Capture d'écran
Capture d'écran

Quand on apprend qu'une intersyndicale menace d'entreprendre une grève pour protester contre la suppression de 4000 postes prévue dans le projet de loi de finances, on pourrait se demander si les syndicats en question, majoritairement de gauche, ne veulent pas surtout fragiliser un gouvernement qui peine à asseoir sa légitimité. Mais, à y regarder de plus près, on s'aperçoit que cet appel général dépasse largement les frontières de la gauchosphère et constitue un nouveau cri d'alarme sur l'état désastreux de l'enseignement en France.

« Alerte sociale »

Les organisations syndicales signataires de l'appel ont déposé une « alerte sociale » et demandé d'être reçues d'urgence au ministère par Anne Genetet. Elles s'accordent sur le fait que « les dernières réformes malmènent l'école ». Elles estiment notamment qu'« une ligne rouge est franchie : au moment où l'école publique va mal, la seule réponse du gouvernement est de fermer des postes et donc de maintenir l'illusion qu'on peut faire mieux avec moins ». Il est vrai que « la baisse de la démographie scolaire », invoquée par le gouvernement pour justifier les suppressions, aurait pu être l'occasion d'alléger les effectifs.

Sans doute objectera-t-on qu'en période de crise il faut bien que chaque service public se serre un peu la ceinture. On pourrait même avancer, si l'on a une dent contre la gent professorale, que les enseignants ne sont pas les plus à plaindre. Tout cela peut s'entendre. Il reste qu'on est bien obligé de constater l'état de délabrement de l'enseignement, dont la responsabilité incombe, non aux professeurs, mais aux politiques éducatives des gouvernements successifs. Dans ces conditions, l'annonce de nouvelles suppressions de postes est la goutte d'eau qui fait déborder un vase déjà bien rempli.

Malgré la pénurie d'enseignants

Le manque de professeurs est patent, les remplacements ne peuvent pas toujours être assurés. Les conditions de travail s'aggravent de jour en jour. Et que dire des réformes entreprises ? La réforme du collège, avec la mise en place de « groupes de niveaux » ou « de besoins », n'a pu se faire efficacement, faute de moyens supplémentaires, ou s'est faite au détriment d'options de langues anciennes, de disciplines artistiques ou d'autres dispositifs pédagogiques.

Pour pallier la pénurie d'enseignants et sous prétexte d'accroître l'attractivité du métier, la réforme de la formation initiale et du recrutement, ajournée après la démission de l'ancien gouvernement, pourrait être reprise par le nouveau. Le recrutement par concours se ferait, à partir de 2026, en troisième année de licence, soit à bac + 2,5. Nul doute que c'est en abaissant le niveau d'exigence disciplinaire qu'on s'assurera de former de futurs enseignants qualifiés et qu'on rehaussera le niveau des élèves ! De qui se moque-t-on ?

Les gouvernements successifs ont beau répéter que l'enseignement est une « priorité nationale », ils le considèrent, non comme un investissement pour l'avenir, mais comme une variable d'ajustement. Leur objectif véritable, qu'ils se gardent de mettre en avant, est de former pour le marché une masse d'exécutants dociles. Une école au rabais sera toujours suffisante pour les enfants du peuple, tandis que nos élites autoproclamées se réservent quelques établissements prestigieux, publics ou privés.

Des grèves après la Toussaint ?

Au train où vont les choses, il est probable qu'après les vacances de la Toussaint les établissements scolaires connaîtront de nouvelles grèves. Sans doute parmi les grévistes trouvera-t-on des accros à la grève, mais beaucoup de professeurs, qui croient encore aux vertus de l'instruction et qui défendent un enseignement exigeant, les accompagneront. Ce n'est pas supprimer des postes qu'il faut faire, mais recruter des professeurs – et de bons professeurs. Il y va du salut de nos enfants, du salut de l'intelligence, du salut de la France.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

4 commentaires

  1. Comment comprendre qu’il faille supprimer 4000 enseignants quand dans certains établissements il y a pénurie de profs. Un de mes petits enfants en classe de 4eme au collège , sans professeur de mathématiques pendant plus de 3 semaines , il a fallu combler ce manquement en faisant un rattrapage forcené par nombres d’heures dans cette matière sur une semaine , et comme me le dit mon petit-fils si ce professeur n’annule pas au dernier moment sa présence (puisqu’il enseigne également sur un autre établissement) et l’administration ne sait pas si cet enseignant pourra dispenser ses cours dès la rentrée des vacances de Toussaint. M’étonne pas la chute vertigineuse dans notre éducation nationale.

    • Beaucoup de profs ne voient pas ou plus d’élève…utilisés dans des commissions à s’imaginer dans un monde qu’ils rêvent..inventant des  » methodes ».ou détachés auprès de syndicats ou partis politiques..un peu comme l’hôpital ou seulement un peu plus de 60% du personnel est face à des patirbts

  2. Parlons des profs détachés qui glandent dans les syndicats…
    Ou ceux qui sont rattachés a l’administration centrale , bien planqués.
    Pour pondre des rapports qui finissent au panier .
    On pourrait les faire bosser dans de vraies classes

Laisser un commentaire

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois