Sur Europe 1, on nous dit que « le fascisme s’est régénéré sous la forme du populisme »

Mussolini

À l'occasion du centenaire de la naissance du fascisme italien, on a entendu, samedi, sur Europe 1, un éditorialiste expliquer doctement que "le fascisme italien s'est régénéré sous la forme du populisme". Ce genre de raccourci semble relever plus d'un parti pris que d'une analyse objective de la réalité.

Établir un lien entre l'accession au pouvoir de Mussolini et la situation actuelle de l'Italie, voir dans l'alliance entre Luigi Di Maio et Matteo Salvini un héritage du fascisme est plus qu'une caricature : c'est une aberration. Quand le journaliste déclare que "le fascisme, [...] c’est aujourd’hui un outil qui banalise la virilité de l’homme fort et la brutalité du simplisme", ajoutant : "Et, oui, les démocraties peuvent en mourir, à petit feu ou d’une seule flambée", on se demande pourquoi il crie au loup et si ce n'est pas lui qui opère un raisonnement simpliste.

Quand Mussolini, marchant sur Rome en 1922, annonçait vouloir créer "l’Italien nouveau, un Italien qui ne ressemblera pas à celui d’hier", puis que "viendront les générations de ceux que nous éduquons aujourd’hui et créons à notre image", on pouvait s'inquiéter, à juste titre, de ses visées totalitaires. Mais les zélateurs de la pensée unique, même s'ils emploient des moyens moins violents, ne sont-ils pas eux aussi des émules de Big Brother ? Ce que ne sont pas les dirigeants italiens d'aujourd'hui.

Ce rapprochement grossier rappelle les propos d'Emmanuel Macron, en novembre 2018, quand il compare la situation française à celle des années 30 : "Dans une Europe qui est divisée par les peurs, le repli nationaliste, les conséquences de la crise économique, on voit presque méthodiquement se réarticuler tout ce qui a rythmé la vie de l’Europe, de l’après-Première Guerre mondiale à la crise de 1929." Ou encore Gérald Darmanin, qualifiant les gilets jaunes de "peste brune". Ils font les mêmes insinuations à l'égard du Rassemblement national.

Rien n'est plus dangereux que de juger selon des critères manichéens. L'humanité ne se partage pas entre la lumière et les ténèbres. L'important est d'essayer de discerner le vrai du faux, le bien du mal sans lancer des anathèmes. Quel rapport, en Italie, entre les « populistes » au pouvoir et Mussolini ? Quel rapport, en France, entre les années 30 et la situation actuelle, entre les ligues d'extrême droite et les gilets jaunes ? D'autant plus qu'il faut replacer tous ces événements dans leur contexte historique.
Les Camelots du roi, les Croix-de-feu et autres ligues étaient mues par leur antiparlementarisme et la lutte contre le bolchevisme. Mais la République des années 30 était loin d'être exemplaire et le communisme constituait une véritable menace. C'est un Parlement où le Front populaire était majoritaire qui vota les pleins pouvoirs constituants au maréchal Pétain, des royalistes se sont engagés dans la Résistance, des personnalités de gauche dans la collaboration. Et l'on peut apprécier la pertinence des critiques de Charles Maurras contre la démocratie sans vouloir renverser ce régime.

Il n'est pas glorieux de détourner l'Histoire à des fins politiciennes et de crier au fascisme pour essayer de discréditer un adversaire. Viendrait-il à l'idée du même journaliste de reprocher aux communistes d'aujourd'hui d'être les enfants de Staline ? La polémique récemment suscitée contre le président du Parlement européen, qui a eu le malheur de rappeler que Mussolini, s'il était un dictateur, a construit aussi des routes, des ponts, des bâtiments, des installations sportives, montre que les plus sectaires sont souvent ceux qui prétendent donner des leçons de morale.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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