Suspense à l’Élysée…

élysée

La difficulté, quand on nomme un porte-parole, c’est de lui faire porter une parole qu’il n’a pas envie d’entendre. Par exemple, si elle concerne la fin envisagée de sa collaboration.

Journaliste à Challenges, Bruno Roger-Petit, connu pour ses éditos au vitriol contre les lépreux et autres Manifs pour tous, avait plu au prince-président. Un tel tribun animant une émission au titre révélateur ("Langue de pute"), mieux valait l’avoir avec soi que contre, avait-il dû se dire. Il en a fait son porte-parole.

Bruno Roger-Petit s’était tenu sage toute une année, ne relayant sur son compte Twitter que la communication présidentielle, tout à la louange de ses actions, voyages et décisions, comme il est d’usage.

Mais au moment de l’affaire Benalla, il avait fait du zèle, lors d’une conférence de presse où il affirmait, de la manière la plus solennelle - façon communiqué de guerre -, que le bouillonnant chef de la sécurité privée avait été dûment sanctionné.

C’était très imprudent, la commission d’enquête parlementaire ayant, peu de temps après, plus qu’écorné cette version convenable. La « conseillère com' », Sibeth Ndiaye, qui avait avoué sans ambages à l’hebdomadaire L’Express, le 17 juillet 2017, qu’elle "assumait parfaitement de mentir pour protéger le Président", a-t-elle trouvé le mensonge maladroit ? Inutile ? Ridicule ? Le cafouillage qui s’en est suivi, en tout cas, semble avoir été imputé au journaliste par la fine équipe des marcheurs du premier jour.

Et Challenges s’est empressé d’ébruiter la nouvelle d’une défaveur, "précipitée par sa gestion de l’affaire Benalla" annonçant, dès mardi, le départ imminent de Bruno Roger-Petit de l’Élysée.

L’intéressé a démenti. Et, depuis mercredi, silence radio. Aucune chaîne, même privée, n’en a reparlé. Zapper toute la soirée n’a servi à rien...

Partout, il n’était question que de Trump. Les accusations par un autre journaliste vindicatif qui avait sonné la charge contre le présumé psychopathe élu par le peuple américain arrivaient à point nommé pour faire le « buzz » des JT. Et puis le séisme au Japon. La rentrée scolaire, aussi. Un bon sujet, ça ! Youpi ! Les gosses changent de profs ; nous, on change de ministres.

De porte-parole il n’est plus question. D’ici à ce qu’on supprime la fonction, que s’adjoindrait la « plume » du Président, Sylvain Fort, qui deviendrait, révèle Sud-Ouest, le chef du service communication de l’Élysée.

Car, en vérité, la parole, le Président la porte très bien tout seul.

Son "J’avais recruté un homme libre" à propos de Hulot était agréablement concis. Et son "Je lui ai fait confiance et il a outrepassé ses fonctions" à propos de Benalla aussi. Pour ceux qui n’avaient pas compris, il y avait une courte séance de rattrapage : "C’est moi qui l’ai recruté. Je suis le seul responsable. Qu’on vienne donc me chercher."

« Qui s’excuse s’accuse » : voilà un adage populaire que Bruno Roger-Petit aurait dû méditer avant d’inventer des sanctions imaginaires envers le jeune casseur de manifestants.

Nul doute qu’à choisir, le prince-président aurait préféré que sa conseillère com' émette, en écho à son célèbre prétendu texto "la meuf is dead" rapporté par Le Canard enchaîné du 2 août 2017 concernant Simone Veil, un « le mec is burnt » qui aurait clos le débat.

Catherine Rouvier
Catherine Rouvier
Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

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