Sylviane Agacinski à l’Académie française : une résistance anti-woke ?
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« À l’immortalité. » Telle est la devise inscrite sur le sceau donné à l’Académie française par le cardinal de Richelieu, pour que vive la langue française, conservée dans son excellence et sa pureté. Dès sa fondation officielle en 1635, l’Académie est ainsi projetée hors du temps, par-dessus les intrigues et les tractations.
Que Sylviane Agacinski se soit vue attribuer, jeudi 1er juin, l’un des 40 sièges de l’Académie française en est d’une certaine façon la preuve. Il nous a été donné, ce jour, de respirer un instant l’air calme, olympien, des Immortels. Non pas que l’on puisse reconnaître dans l’œuvre de la philosophe un « monument plus durable que le bronze », mais avant tout parce que nous pouvons voir dans cette élection un honneur rendu à l’esprit, à l’esprit qui ne s’incline pas devant les tyrannies du moment.
Certes, Mme Agacinski n’est pas issue d’une famille intellectuelle persécutée. Formée à l’école de Deleuze, proche de Jacques Derrida, avec lequel elle entretient une longue relation secrète, donnant naissance à un fils, Daniel, en 1984, elle épouse Lionel Jospin en 1994. Elle ne pouvait sans doute pas prévoir, et les philosophes dont elle était proche non plus, que ces derniers allaient engendrer, malgré eux mais à cause d’eux tout de même, constructeurs de la déconstruction systématique qu’ils étaient, la French Theory aux États-Unis… Dans les années 2000, le boomerang revient d’outre-Atlantique sous les deux aspects de la cancel culture et du wokisme. Depuis, plus personne n’est à l’abri. Ces dernières années, notre nouvelle académicienne l’apprend à ses dépens. Qu’on se souvienne de sa conférence prévue à Bordeaux en 2019, annulée en raison de menaces que les autorités se sont bien gardées d’identifier.
Il est vrai qu’elle s’avance sur une voie dangereuse. Engagée pour la parité, qu’elle défend en 1998 dans Politique des sexes (Seuil), elle prend vite part à la lutte contre diverses formes de marchandisation, au premier rang desquelles la gestation pour autrui (GPA). Elle dénonce ainsi petit à petit les contradictions d’une partie de la gauche qui rejoint l’économie de marché quand il s’agit de GPA. Elle se dresse également contre la théorie du genre, contre la PMA (L’Homme désincarné, Gallimard), contre le voile, « drapeau des islamistes ». C’est donc à travers des sujets explosifs qu’elle résiste au basculement idéologique d’une certaine gauche urbaine vers le nihilisme.
La nouvelle élite morale de ce mouvement ne s’est pas privée de condamner les « violentes » idées « transphobes, homophobes, islamophobes » de Sylviane Agacinski. Seulement, celle-ci n’a pas cédé et ne s’est pas adonnée au rituel que même « l’authentique » François Ruffin a été contraint d’adopter.
L’Académie française, malgré le vœu de Richelieu, n’est pas sans reproche, n’ayant pas toujours fait montre d’une résistance aussi farouche. Elle se compromet parfois avec l’époque, se montrant en outre, selon Jean-Marie Rouart, timide à répondre au « franglais » qui menace. Elle a honoré, néanmoins, jeudi une personne qui, elle, ne courbe pas l’échine et gardera, nous avons des raisons de l’espérer, son siège qui fut celui de Chateaubriand au premier rang de la défense de langue de française.
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15 commentaires
honneur rendu à l’esprit, à l’esprit qui ne s’incline pas devant les tyrannies du moment. C’est exactement çà, et par les temps qui cours çà mérite d’être remarqué et applaudi !
Merci pour cette apologie du courage intellectuel et…du courage tout court !
Je pense aussi que l’académie française a voulu envoyer un message de résistance au wokisme, à travers madame Agacinski , qui a eu une attitude assez rare à gauche, pour ne pas être remarquée . Bravo! C’est un beau symbole .
En disant que c’est assez rare à gauche d’avoir une telle attitude, vous êtes réducteur à l’égard de Madame AGACINSKI: elle a le droit d’avoir des idées, sociétales, qui traduisent le fond de sa pensée – que je crois sincère – sans aussitôt être renvoyée à son « étiquette »!
Merci de nous donner des nouvelles de l’Académie française. Je me posais la question de savoir si, en catimini, elle n’avait pas été dissoute… J’apprends qu’il n’en est rien et c’est heureux, ne lui reste plus qu’à sortir de sa douce somnolence et nous convaincre qu’elle sert (encore) à quelque chose.
L’épée qui accompagne le « costume » est-elle prête à sortir (symboliquement) de son fourreau ?
Il y a, je crois, un combat à mener. La Langue française, du fond du fond, vous interpelle d’une voix étouffée. L’entendez-vous ?
Quel soulagement, il existe encore en France des têtes pensantes décidées à entraver la marche des nihilistes…
Quelle académie française ? Certainement pas celle avec un Vargas Llosa qui parle à peine français.
Lisez son discours d’introduction, vous penserez peut-être autrement.
Tout le monde peut faire des erreurs.
« Personne n’est parfait disait » Marilyn.
Madame Agacinski comme tout le monde a joué avec des « ils », frôlé des idées peut-être, on ne peut pas réellement l’attaquer sur son parcours.
Au moins, l’Académie s’enrichit d’une française qui saura se montrer forte devant la critique, sport très français, mais n’en doutons pas, elle le fera avec panache et élégance.
A suivre .
Je retiens d’elle cette formule, à propos du « droit à l’enfant », réclamé par les couples homosexuels, par les tenants de la PMA et de la GPA : « on ne peut se prévaloir que du droit à quelque chose, on ne peut avoir droit à quelqu’un, à un être humain. »
Très beau…
De temps en temps une bonne nouvelle !
Merci à vous Monsieur Lacoste.
Félicitations à Mme. Agacinski et à l’Académie.