Syndrome de la cabane : et si l’on essayait le coup de pied au cul ?

cabane

Je vais commencer par une anecdote qui remonte à mon enfance. Porté sur la bouteille, un voisin s’était étalé avec sa mobylette. Un peu secoué, et surtout pas pressé de reprendre le boulot, il avait fait le siège chez le médecin. Ce dernier ne manquait pas d’humour et avait écrit sur le certificat médical : « syndrome subjectif post-commotionnel ». Et voilà l’autre, aussi fumiste que peu au fait des termes médicaux, tout à coup pris de panique : « J’ai du syndrome ! »

Il paraît que des tas de gens, aujourd’hui, ont eux aussi du « syndrome subjectif post-commotionnel ». Post-confinement, très exactement. Après huit semaines de confort douillet à la maison, ils ne veulent plus sortir. Ont peur de tout et surtout de tout le monde. Les psys, aux anges, ont encore trouvé une nouvelle maladie : c’est « le syndrome de la cabane ».

Une Orléanaise racontait, ce matin, sur RTL, son mal de vivre : elle a peur. Masquée, gantée, planquée sous sa visière, elle pète de trouille. N’approche personne à moins de trois mètres. N’ose pas aller faire ses courses. Reprendre le travail ? Vous n’y songez pas, docteur ! La République étant bonne mère, la dame est au chômage. N’est sortie que pour voir le médecin qui le lui a confirmé : « Madame, vous souffrez du syndrome de la cabane. »

Durant le confinement, les mêmes ont pleurniché sur les méfaits du télétravail. On n’y arrive pas, on a les enfants sur le dos, on bosse plus qu’au bureau, on n’a pas d’horaires ni de machine à café, etc. Mais voilà, il paraît que sortir de chez soi est devenu un effort plus insurmontable. Une étude Deskeo citée par Le Parisien donne ces chiffres ahurissants : sur les 5 millions de salariés du privé passés au télétravail pour cause de confinement, 3 millions ne tiennent pas à reprendre le chemin du bureau.

Notez bien qu’on ne parle pas des salariés du public dont le nombre, si j’en juge par le silence pesant des administrations auxquelles on essaie de s’adresser aujourd’hui, doit être encore plus impressionnant.

Les chefs d'entreprise s'arrachent les cheveux, nous dit-on, « pris entre les recommandations du Président Macron lui-même, qui privilégie toujours le télétravail “quand cela est possible”, et la nécessité économique d'un retour à la normale ». Commentaire du DG d'Alterhego, cabinet de conseil en prévention des risques psychosociaux : « Les manageurs sont les premiers à être sous pression dans la gestion de salariés parfois très anxieux. Si vous ajoutez le poids de la responsabilité juridique du patron, la lourdeur des protocoles… Il faut beaucoup de doigté pour gérer le retour ! »

Je dirais bien qu’à défaut de doigté, on peut toujours essayer le coup de pied au cul.

Hors de question dit la DRH d’Extia, plus favorable au maternage : « La méthode brutale, puisqu'un patron peut très bien exiger le retour au bureau, n'aurait aucun sens. Il faut d'abord sonder, écouter et évaluer. »

Interrogée par La Presse de la Manche, une psychologue de Cherbourg (ville dont on ne pense pas qu’elle ait été particulièrement touchée par le virus !) nous explique : « Certains ont peur d’aller dehors. C’est de l’angoisse, de l’anxiété. Il faut ressortir petit à petit, comme pour toute thérapie, s’exposer, retrouver une vie normalisée. Pas normale. Mais normalisée. Il faut reprendre des activités extérieures, reprendre possession de son corps, se faire du bien. Et s’adapter au contexte. »

Elle les comprend, cette psy, car « la pression, on la ressent dans les rues avec une distanciation qui reste imposée, des solutions hydroalcooliques à l’entrée des magasins, des contrôles de police… Cela devient la nouvelle norme. Et certaines personnes garderont les masques, même après le Covid-19, de peur que l’infection revienne. »

Et pourquoi pas, aussi, une distribution de tétines pour tout le monde ?

Bienvenue dans le monde d’après…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 03/06/2020 à 18:08.
Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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