Syrie : La députée Anne Sicard met Jean-Noël Barrot face à ses contradictions

Le mutisme du ministre sur les persécutions des chrétiens syriens, héritiers d’une foi millénaire, est assourdissant.
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La Syrie, terre martyrisée, s’enfonce dans un chaos sanglant où les minorités alaouites et chrétiennes paient le prix d’une guerre sans fin. Depuis le 6 mars dernier, plus de 1.300 civils alaouites ont été massacrés en quelques jours par les forces de sécurité syriennes, selon les chiffres glaçants rapportés à l’Assemblée nationale. Rappelons qu'en décembre, Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, d’un optimisme béat, célébrait la chute de Bachar al-Assad comme un « moment historique » et sentait un « parfum de liberté ». Une cécité tragique, dénoncée avec force par la députée Anne Sicard, proche de Marion Maréchal, qui, lors des questions au gouvernement du 11 mars, a fustigé les propos du ministre. « Cette tragédie révèle l’irresponsabilité de vos déclarations », a-t-elle lancé, pointant l’incapacité du ministre à saisir la réalité d’un pays livré aux milices djihadistes. Loin de l’idéal d’une Syrie « inclusive », le spectre d’un califat s’élève sur les ruines laissées par Bachar al-Assad.

La chimère d’une Syrie libérée

Le 9 décembre dernier, Jean-Noël Barrot se réjouissait de la prise de pouvoir d’Ahmed al-Charaa, chef du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC), voyant dans cette ascension une promesse de renouveau. « [La Syrie] est un pays qui retrouve enfin le parfum de la liberté », proclamait-il, drapé dans une illusion lyrique. Mais les faits, implacables, démentent cette vision. Les exactions contre les alaouites et les chrétiens, perpétrées sous le regard impassible du nouveau régime, trahissent les espoirs d’une transition pacifique. Anne Sicard, dans son interpellation cinglante, a souligné cette dérive : « C’est la preuve que les milices djihadistes d’HTC n’ont pas renversé le régime moribond de Bachar al-Assad pour bâtir une société dite inclusive et respectueuse des droits des minorités comme vous l’espériez naïvement, mais bien pour instaurer le califat et la charia en Syrie. » Une accusation qui résonne comme un cri d’alarme face à l’aveuglement d’un ministre visiblement déconnecté.

Jean-Noël Barrot, en réponse, s’est retranché derrière une indignation sélective, déplorant les « images insoutenables des exactions » tout en vantant la chute d’un « tyran » responsable de 400.000 morts. Mais cette posture, entre compassion tardive et autosatisfaction, élude une question essentielle : pourquoi avoir célébré un pouvoir dont les actes contredisent déjà les promesses ? Le ministre, en visite à Damas en janvier avec son homologue allemande, prétend avoir défendu « les intérêts des Français » contre le terrorisme. Pourtant, les massacres récents montrent que le chaos syrien, loin de s’apaiser, menace d'entraîner les minorités dans une spirale de vengeance et de fanatisme, sous les yeux d’une diplomatie française qui ne remplit plus son rôle historique : protéger les minorités chrétiennes d’Orient.

Un silence coupable face à l’horreur

Face à cette tragédie, le mutisme de Barrot sur les persécutions des chrétiens syriens, héritiers d’une foi millénaire, est assourdissant. Ces communautés se retrouvent aujourd’hui à la merci de milices qui ne connaissent ni pitié ni diversité. Anne Sicard, dans son réquisitoire, a sommé le ministre d’agir : « Allez-vous demander à la Commission européenne d’annuler l’invitation du nouveau ministre syrien des Affaires étrangères prévue le 17 mars prochain ? » Une question restée sans réponse claire, noyée dans les justifications vagues de Barrot sur une politique « proportionnée » et « réversible ».

Ce qui se dessine déjà comme un fiasco diplomatique révèle une vérité amère : l’enthousiasme précipité de Jean-Noël Barrot pour la « Nouvelle Syrie » a occulté les signaux d’une barbarie annoncée. L’accord entre le gouvernement intérimaire et les Kurdes, qu’il brandit comme une victoire, ne saurait masquer l’incapacité de la France à peser sur un régime dirigé par des islamistes. La présidence syrienne promet une enquête, mais qui peut y croire ? 

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