Tableau de Miriam Cahn au Palais de Tokyo vandalisé : la faute au RN ?

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Exposer un tableau au Palais de Tokyo représentant un « enfant à genoux, poignets ligotés, forcé à effectuer une fellation à un homme » tandis qu’un autre enfant est « tenu par la tête juste à côté » n'expose à aucune condamnation judiciaire et aucune interdiction d'affichage. On le sait depuis le 14 avril, jour où le Conseil d'État, saisi par des associations de protection de l'enfance dénonçant une certaine complaisance coupable de l'œuvre avec la pédocriminalité, a tranché, estimant qu'il n'était porté atteinte « ni à l'intérêt supérieur de l'enfant ni à la dignité de la personne humaine ». En revanche, lorsqu'un octogénaire, ancien élu du Front national qui plus est, jette un flacon de peinture sur le tableau en question, cela devient une affaire d'État.

La preuve avec la dégradation de Fuck Abstraction en cet après midi du dimanche 7 mai : « Une attaque directe contre la liberté d'expression », pour le ministre de la Culture Rima Abdul-Malak qui, très vite, se rend sur la scène du crime. Indignation relayée jusqu'au plus haut sommet de l'État : « En ce 8 mai, où nous célébrons la victoire de la liberté, je condamne l’acte de vandalisme commis hier au Palais de Tokyo. S’en prendre à une œuvre, c’est attenter à nos valeurs. En France, l’art est toujours libre et le respect de la création culturelle garanti », tweete Emmanuel Macron.

Le mis en cause, rapidement placé en garde à vue, n'a opposé aucune résistance. Très rapidement, l'enquête progresse : Pierre Chassin est un ancien élu du Front national. Et Rima Abdul-Malak tient ses coupables : « Le Rassemblement national [RN] a instrumentalisé ce tableau pour susciter la polémique et attaquer la liberté de création des artistes… Sans cette instrumentalisation par le RN, nous n’en serions certainement pas arrivés là. » Avant d'ajouter : «Décidément, @MLP_officiel, rien n'a changé depuis le Front national ! »

Caroline Parmentier : c'est elle qui est visée. Forcément coupable puisque ayant, le 21 mars dernier, interpellé le ministre de la Culture sur le « caractère pédopornographique » du tableau. Interrogée par BV au téléphone, elle ne renie rien : « Je condamne sans réserve toutes les dégradations d'où qu'elles viennent. Mais la liberté d'expression, c'est aussi celle des représentants de la nation d'exprimer leur indignation face à des œuvres représentant clairement une scène de pédocriminalité. Sans se faire diffamer par une ministre, Rima Abdul-Malak. Je suis dans mon rôle de parlementaire et de membre de la délégation aux Droits des enfants lorsque je m’indigne face à un tableau qui met en scène un enfant ligoté les mains dans le dos, forcé à une fellation par un adulte. Et lorsque j’exprime dans l’Hémicycle l’indignation de millions de Français. »

Elle tient aussi à préciser : « Il n’est pas question de moraliser, de censurer, de cancelliser l’art. Il est question, là, d’une scène de pédocriminalité. Comme l’ont dénoncé les nombreuses associations qui ont dénoncé le tableau et ont saisi le juge des référés. Et qui ne sont absolument pas des associations proches du RN, comme l’avait prétendu Élisabeth Lévy. »

La députée du RN ne tombe pas dans le piège du « passé » de Pierre Chassin : « On est dans une République, où vous ne pouvez pas être tenu responsable d’un fait individuel d’une personne qui a été conseiller municipal il y a huit ans et qui n’est plus au Rassemblement national depuis des années. En revanche, vous pouvez rechercher la responsabilité des groupes écologistes qui commettent des dégradations toutes les semaines sans que la ministre ou que le Président en disent un mot. »

Des dégradations variées et récurrentes : jets de peinture sur des ministères, blocages des routes, du Tour de France, et jusqu'à, il y a un an, l'attaque d'un train transportant du blé... Des actions gentiment qualifiées de « coup de poing » qui ne suscitent ni indignation présidentielle, ni stigmatisation, ni mise en accusation de partis politiques. Comme si, pendant ce temps, Sandrine Rousseau enfilait des perles...

Rien à voir, donc, avec ce qui s'est passé, dimanche, au Palais de Tokyo, nous explique son directeur, Guillaume Désanges, qui réagissait à cette « affaire d'État » : « Nous avons affaire à un autre type d'action qui s'attaque directement à l'œuvre pour ce qu'elle est intrinsèquement, pour ce qu'elle montre, avec la volonté de la faire disparaître, de la détruire et de la censurer. »

On  comprend mieux : il y a des causes plus vertueuses que d'autres. Dégrader à cause du réchauffement de la Terre, c'est une broutille, mais dénoncer les complicités pédocriminelles, c'est mal. Dit comme ça, c'est plus clair.

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Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

26 commentaires

  1. Pourtant la directive Européenne 2011/93/EU est claire. Le tableau est non-réaliste donc légal, n’en déplaise aux puritains. Triste de voir le RN contre la liberté d’expression…

  2. Quelle honte ! Et quel déni de la réalité !! En quoi ce tableau est il une « illustration des horreurs de la guerre  » (?) c’est se moquer du monde car il s’agit bel et bien d’une scène de pédocriminalité , imaginable tant dans un contexte de pays en paix comme en guerre , qui vous donne la bonne grille de lecture ????

  3. Que cette pseudo-ministre de la culture tente de prononcer de tels propos dans son Liban natal, rien que pour voir…
    Macron n’y connaît rien en peinture de l’art, sinon, ça se saurait…(un peu comme le reste…).
    Quant à notre « sardine nationale », on finit par avoir l’habitude de toutes les imbécilités qu’elle lance.
    Quel que soit le parti politique considéré, l’individu lambda soulèvera à juste titre l’indécence de la prétendue œuvre exposée à Tokyo, capitale d’un Japon qu’on croyait plus prude, au moins un p’tit peu…

  4. Les Vandales étaient une peuplade…qui conquit l’Afrique du Nord…étonnant non ? aurait peut-être dit à ce propos M. Cyclopède (alias Pierre Desproges)…peuplade dont, à priori, le système de pesée et de mesure était unique…

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