Tant qu’il y aura le défilé du 14 Juillet…

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Ce 14 Juillet verra, comme chaque année, le retour soudain de la France après une longue éclipse. C’est toujours ainsi. La France des uniformes chamarrés qui défilent fièrement en cadence, la France où les chenilles des chars sur les pavés répondent aux sabots des chevaux mais aussi au vacarme des avions survolant exceptionnellement Paris, comme un trait d’union de puissance entre toutes les générations d’une France éternelle. Les petits enfants derrière les barrières anti-émeutes se dévisseront la tête pour entrevoir le sillage bleu-blanc-rouge de la Patrouille de France et vibreront, avec la chair de poule, parfois pour un père, le plus souvent pour des inconnus fiers d’être anonymes puisque partie d’un tout dans cette France du panache et du sacrifice, du mérite et du service. La France héritière des champs de bataille et des monuments aux morts, des épis mûrs et des blés moissonnés de Péguy. La France ordinaire qui nous semble pourtant aujourd’hui si extraordinaire.

Mais rassurez-vous, comme les comètes, ou comme, tiens, « la super Lune » annoncée ce 13 juillet, il faut regarder passer la France intensément car le moment est fugace. Dès le 15, elle sera soigneusement rangée dans sa boîte, et sa boîte dans un placard. Les petits soldats de plomb, à nouveau silencieux et invisibles, réintégreront en rangs serrés leur caserne. La prochaine fois que l’on convoquera cette France-là, ce sera pour un soldat mort au combat.

Mais les élus et politiques dans la tribune VIP, en attendant, en auront bien joué. Un bout de France qui fonctionne encore - avec des bouts de ficelle, parfois, mais qui fonctionne - et dans lequel tout le monde communie dans un moment de fierté retrouvée, ça ne se rate pas. Ils souriront, feignant de croire que les applaudissements leur étaient adressés.

Qu’importe si ces riches étendards ou ces chants du répertoire militaire que joue la fanfare ne sont qu’amour de la patrie et célébration de ceux qui sont morts pour elle (Le Régiment de Sambre-et-Meuse, La Strasbourgeoise…) quand eux autres en bradent allègrement les frontières. Assis sur un champ de ruines, continuant de consciencieusement détricoter tout ce qui est en ce jour célébré, ils viennent s’accaparer quelques miettes de gloire dans l’un des derniers camps retranchés qu’ils n’ont pas réussi à saper : l’armée. Ce n’est pas faute, pour certains d'entre eux, d’avoir essayé.

Alors, bien sûr, l’un ou l’autre cherchera à imprimer sa marque ridicule et transgressive - ou supposée telle -, son buzz d’un jour, comme lorsqu’en 2013, sur Twitter, Xavier Cantat, conjoint de Cécile Duflot, avait fait son objecteur de conscience du dimanche, se proclamant « fier que la chaise à [s]on nom reste vide au défilé de bottes des Champs-Élysées ». Combien d’enfants de la France périphérique auraient aimé avoir sa place dans la tribune ? Ou comme Sibeth Ndiaye, en 2021, qui avait arboré un tee-shirt marqué « Tous les garçons et les filles », méprisant par sa tenue négligée les grands uniformes en contrebas. Le 14 juillet dernier, pour honorer un pari fait par le Président, les influenceurs McFly et Carlito avaient volé avec la Patrouille de France.

Cette année, déjà, le maire d’une ville de l’Aude, et pas n’importe laquelle - Trèbes, la ville du sacrifice d'Arnaud Beltrame -, aurait saisi l'occasion, si l’on en croit le journal local L'Agglorieuse, pour un quart d’heure « no pasaran » : afin de ne pas se retrouver flanqué à sa droite du député RN local, Christophe Barthès, il aurait annulé le dépôt de gerbe tout simplement.

Quoi d’autre ? Qu’importe. Le défilé est toujours là. Lampe témoin d’un « petit cœur qui restera français »… comme celui de La Strasbourgeoise.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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