Taxer les retraités : l’idée pas très originale du ministre du Travail

Capture écran TF1 Info
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Les Français vont payer la pusillanimité des gouvernements successifs, qui n’ont pas réalisé les réformes nécessaires quand il l’aurait fallu, à commencer par celle du système de retraite. Alors que la France se classe parmi les pays où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés, les politiques envisagent une fois de plus de recourir à l’impôt, déguisé ou pas, pour faire face à l’énormité du déficit de l’Etat et de la dette publique. Le ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a ainsi suggéré, le 21 janvier, de lever une nouvelle contribution sur les retraités, sous prétexte de financer la dépendance des plus âgés.

Il n’est pas forcément très logique de priver une population vieillissante d’une partie de ses revenus au profit de l’Etat, sous prétexte de permettre de venir en aide à ces mêmes personnes en cas de perte de leur autonomie. Mais l’idée d’Astrid Panosyan-Bouvet s’inscrit à la suite d’une série d’autres propositions qui vont toutes dans le même sens. Après le report de la date de revalorisation des pensions, ont ainsi été évoqués le gel des pensions, puis la suppression de l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités (pour l’instant plafonné à 3 421euros par foyer fiscal pour les retraités, mais il a aussi été envisagé de baisser ce plafond).

Des nababs à 2 000 ou 2 500 euros ?

Le 6 janvier, dans Les Echos, le président du Conseil d’Orientation des Retraites (COR), Gilbert Cette, préconisait cette suppression de l’abattement fiscal qui pourrait rapporter annuellement à l’Etat 4 milliards d’euros et considérait cette mesure comme « équitable puisque les retraites les plus modestes ne seraient pas concernées ». La démagogie de l’argument ne suffit cependant pas à justifier la taxation des retraites moins « modestes ». En outre, où commence la « modestie » ? Astrid Panosyan-Bouvet, elle aussi, prétend mettre à contribution « les personnes retraitées qui peuvent se le permettre » : autrement dit, précise-t-elle, les 40 % de retraités (soit 7 millions de personnes) qui perçoivent une retraite nette de 2 000 ou 2 500 euros. Les beaux nababs que voilà ! Rappelons que le Smic s’élève à 1 426,30 euros net…

Pour préparer ce type de mesure, les services de l’Etat, comme le COR, n’ont eu de cesse au cours des dernières années de présenter les retraités comme des nantis, dont le sort serait beaucoup plus enviable que celui des actifs. C’est ainsi que l’on suscite une guerre intergénérationnelle, en lieu et place de la « solidarité intergénérationnelle » censé inspirer, au contraire, le principe de la répartition. Mais qu’en est-il en réalité ? Selon le COR lui-même, en 2019 un ménage retraité percevait 2 363 euros nets mensuels de pension, contre 3 746 euros nets mensuels de revenus d’activité pour un ménage actif. Il est vrai que de nombreux retraités bénéficient en outre de revenus annexes résultant de leur épargne, ou sont propriétaires de leur logement au fil des années, ce qui les dispense de payer un loyer (mais pas la taxe foncière). Au terme de leur vie active, est-ce très étonnant ? Au total, leurs revenus sont donc finalement comparables à ceux des actifs. Et ils ont tendance à baisser, à en croire l’étude annuelle « Les retraités et les retraites » publiée par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), qui observe que « les anciens salariés non-cadres du secteur privé résidant en France et partis à la retraite il y a vingt-cinq ans – soit la durée de vie moyenne à la retraite – ont vu le pouvoir d’achat net de leur pension diminuer depuis. Cette baisse est plus forte pour les anciens cadres. »

Une étude instructive dont nous ne saurions trop recommander la lecture à Astrid Panosyan-Bouvet, avant qu’elle ne songe à taxer les nababs.

NDLR : ce mercredi soir, on apprenait que, dans une interview accordée aux Echos, Eric Lombard, ministre de l'Economie et des Finances, a annoncé qu'il était exclu dans le budget 2025 de taxer plus les retraités pour financer la protection sociale.

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Éric Letty
Journaliste

Vos commentaires

2 commentaires

  1. Bonjour,

    En lisant cet article, je viens d’apprendre que les retraités bénéficient d’un abattement fiscal de 10%. C’est vraiment lamentable, merci de supprimer cet abattement. Les jeunes couples doivent rembourser leur prêt immobilier, ils ne bénéficient d’aucun abattement pour cela, payer l’essence pour aller travailler, payer les études, vêtements, cantine, garderie des enfants, taxes foncières,… Et le point d’indice n’a pas connu d’augmentation depuis 20 ans. Nous sommes tous pauvres, et mes amis renoncent même à faire le 2ème ou le 3ème enfant. Ce sont les familles qui devraient bénéficier d’abattements fiscaux.

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