[TEMOIGNAGE] Exclusif : une femme dans l’enfer calédonien

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Mise à jour ce 2 juin. L'ouverture de l'aéroport international de Nouméa est reporté jusqu'à nouvel ordre. Le couvre feu est prolongé jusqu'au 10 juin.

 

Béatrice R. est arrivée en Nouvelle-Calédonie voilà deux ans pour y exercer une profession médicale. Les émeutes ont transformé ce séjour professionnel en enfer. Le 16 mai, dans une interview exclusive à BV, Béatrice R. racontait ce qu’elle voyait, entendait et vivait. « Cette nuit, il est 2 heures du matin, mais nous avons peur. Cela fait 48 heures que nous ne dormons pas, mon compagnon et mes deux filles », disait-elle.

Depuis, les forces de l’ordre venues de métropole démantèlent lentement les barrages, les négociations tentent de reprendre dans un désordre indescriptible (les parties prenantes sont nombreuses, divisées et pour la plupart sans autorité sur les émeutiers). « L’apport de renfort de troupes était indispensable pour tenter de ramener le calme, de rétablir l’ordre et de rassurer la population, admet-elle. Sans ces renforts, la situation aurait tourné à la guerre civile, ce qui a été évité. »

Mais Caroline R. fait le constat d’une situation toujours très difficile, au quotidien. Et explosive. Car, selon elle, « les jeunes émeutiers ont échappé à tout contrôle, y compris celui de leurs leaders ». Ce qui rend les négociations illusoires... Si la France parvient à imposer un accord - ce qui semble loin d’être acquis -, quelle valeur aura-t-il et quelles seront ses chances d’être appliqué ?

La visite de Macron n'a rien changé

Pas de « guerre civile », donc, mais une situation loin d’être redevenue normale. « L'État n’est présent que par les seules forces de l’ordre qui font un travail remarquable », reconnait Béatrice R., qui leur rend hommage. La sortie de crise est évidemment politique, mais le constat s’impose. Le passage d’Emmanuel Macron, venu en urgence donner sa bénédiction, n’a… rien changé. « Cette visite a beaucoup inquiété, dans les premiers temps : la population a eu peur que cela attise la violence des émeutiers », constate Béatrice R. Cela ne fut finalement pas le cas, mais le passage éclair de l’hôte de l’Élysée « n’a rien changé à notre quotidien : pénurie de produits de première nécessité et bientôt de carburant », détaillait Béatrice R., ce 25 mai. La vie quotidienne est toujours très difficile, et on ne constate même pas de vrai changement sur la sécurité dans l’île. « Les insurgés continuent d’agir exactement comme avant le passage de monsieur Macron : barrages filtrants et bloquants, feux, pillages… Ils brûlent maintenant des maisons, assure Béatrice R. Une famille de Kamere avec deux enfants (dont une de 2 ans) s’est réfugiée chez nos voisins. Des maisons ont été incendiées hier. Leurs habitants se sont échappés après que leur compteur électrique a été brûlé… »

L'État semble très affaibli. Mercredi 29 mai, Béatrice R précise : « Le leader de la CCAT relâché par Emmanuel Macron pour libérer les barrages fait exactement l’inverse et appelle sa base à poursuivre le mouvement. Nous sommes pris en otage et le gouvernement ne fait rien. C'est une honte pour la France et pour la démocratie. »

Échapper à cet enfer

Et le 1er juin, la situation semble se dégrader. « Nous sommes très en colère ce soir, écrit notre correspondante. Le dégel du corps électoral n’est que le prétexte pour remettre en cause les accords de Nouméa et il est clairement affiché par la CCAT, mouvement né fin 2023, que le but recherché est l’indépendance. Ce mouvement agit en totale liberté en séquestrant la population calédonienne. » Notre correspondante évoque « des méthodes terroristes ».

Les transports dans l’île restent ultra-dangereux. « Les personnes qui circulent dans le grand Nouméa se font fouiller par des Kanaks et sont volées, assure Béatrice R. Certains, sous la menace d’armes blanches, doivent descendre et se font voler leur voiture. »

Or, la perspective d’échapper à cet enfer est toujours bouchée. « La réouverture de l’aéroport est sans cesse repoussée », nous écrivait Béatrice R., le 25 mai. Fermé depuis le 14 mai, l’aéroport de Nouméa doit rouvrir ce lundi 3 juin… si les autorités tiennent parole, car cette réouverture n’a cessé, jusqu’ici, d’être repoussée.

Une situation impossible, conséquence de la légèreté d’un gouvernement qui, rappelons-le, n’avait rien vu du potentiel explosif de sa réforme électorale. Et qui, partant, n’avait rien prévu. Des semaines d’émeutes plus tard, marquées par un milliard d’euros de dégâts, la tentative d’apaisement est donc loin d’être aboutie.

Entraide

La situation est d’autant plus angoissante que les Calédoniens voient les partis indépendantistes dominer la communication et les négociations. « Les seules informations qui nous parviennent proviennent du FLNKS et de la CCAT (partis indépendantistes représentants des Kanaks). Les non-Mélanésiens sont dans l’incompréhension de voir que la CCAT est écoutée par le Président alors que, dans le même temps, cette cellule officiellement assignée à résidence pilote et organise toutes les exactions sur le territoire », constate Béatrice R.

En Nouvelle-Calédonie, l’égalité est-elle autre chose qu’un mot ? « Les revendications mélanésiennes ont été entendues mais on a le sentiment que les autres peuples présents sur le territoire sont livrés à eux-mêmes », note avec dépit Béatrice R. « Politiquement parlant, nous avons une impression de néant, dit-elle. La situation est désespérante. La symbolique du déplacement du Président avait fait naître de l’espoir, mais force est de constater que cela n’a, dans l’immédiat, débouché sur rien. »

Dans ce tableau sombre d’un territoire français en péril, en dépit de sa situation géographique et stratégique si précieuse pour la France, dans ce qui ressemble à une faillite de l’État macronien (une de plus), un point rassure notre Française : cette entraide entre les habitants décidés à ne pas se laisser piétiner. « Heureusement qu’il y a une solidarité qui s’est instaurée, sinon nous aurions le sentiment d’un abandon total de l’État français. » Quand l'État défaille, les particuliers prennent le relais, contraints et forcés. Aujourd'hui en Calédonie, demain en France ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 02/06/2024 à 21:41.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

32 commentaires

  1. Mais Macron va aller faire la guerre à Poutine ! Enfin pas lui. Lui restera surprotégé dans les palais de la République. En tout cas, voyant l’état en nouvelle Calédonie, voyant l’état de nos banlieues et des zones de non-droits florissantes dans ce pays, c’est Poutine qui doit bien rigoler lorsqu’il entend que ce soldat d’opérette veut venir combattre contre la Russie. Ah, si le ridicule tuait, la France ne serait pas dans cet été déplorable.

  2. A ceux qui comme moi, veulent savoir ce qu’il se passe là-bas au jour le jour, voir « Nouvelle Calédonie première » – actualités et infos en direct – tous les articles y sont bien développés – puis vous avez la possibilité de regarder «  Le direct info de 19h30 » – compte tenu du décalage horaire de 9h, vous avez les infos de la veille. Nous avons vécu en Nouvelle Calédonie pendant les « événements » 84/88 (absolument pas de cette ampleur de sauvagerie) puis à nouveau pour raison professionnelle au début des années 2000, nous y avons encore des relations avec qui nous communiquons plusieurs fois par semaine … NON cela ne va toujours pas, ils ont toujours aussi peur, et évitent de sortir …. dès que les gendarmes s’en iront, ils le savent, tout recommencera. Industrie et économie HS, écoles, crèches, nombreuses entreprises, supermarchés … saccagés, pillés, brûlés. Comment ose t’on dire en haut lieu que tout rentre dans l’ordre au fil des jours, c’est faux ! Quand on connaît cette belle île et ses habitants qu’ils soient caldoches ou kanaks (qui je précise ne sont pas tous pour l’indépendance), on ne peut qu’être triste … quel gâchis !!!

  3. Oui, je pense aussi à l’effet dominos. Mais la nature ayant horreur du vide ; en fait d’indépendance, ces territoires se retrouveront sous la coupe de nations (beaucoup) moins généreuse que la France. Notre pays est faible à cause de ses dirigeants faibles à tous les niveaux : Militaires, économiques, diplomatiques et sans grande culture historique ni vision à long terme. Ils ne pensent qu’à leur réélection et à combattre « l’extrême drouaaaate ». En attendant, toutes les communautés souffrent et subissent la loi des émeutiers… Mais tout va bien ! Jupiter est là ! « Fort avec les faibles et faible avec les forts », telle est sa devise… Et jusque là, ça marche, pour lui ! Jusque là…

  4. Mon petit-fils est toujours sur les barrages pour protéger son quartier, sa famille et sa maison des exactions. Le Haut-Commissaire vient d’encourager les Nouméens à maintenir ces barrages défensifs. Faut-il une plus grande preuve d’impuissance de l’Etat ? On peut y ajouter l’incapacité à rétablir les vols internationaux, Tontouta reste fermé… jusqu’à nouvel ordre, c’est à dire jusqu’au moment où Christian TeÏn voudra bien, en clair. Ce n’est pas la dissolution de l’Assemblée qu’il faudrait exiger le 10 juin, mais la démission de l’Incompétent en chef, et élire un homme, un vrai, à sa place.

  5. Il est clair que la faiblesse de l’état est patente. Les caldoches vont-ils se réveiller ? Un bain de sang est- il évitable? Plus l’état fait montre de faiblesse plus les individus et les groupuscules prennent de l’importance et de l’assurance. On tire impunément sur la police. Je ne comprends pas que les caldoches ne soient pas préparés à ce genre de situation. Au Rwanda les tutsis se sont fait surprendre. Combien de fois l’Histoire doit-elle répéter la leçon ?

  6. « jeunes émeutiers ont échappé à tout contrôle ». Ça prouve bien qu’il n’y a qu’une seule solution: la punition sévère et efficace. Simple, mais Macron en est incapable.

  7. En Nouvelle-Calédonie, Macron a fait du Macron !
    Voilà, c’est moi, j’arrive en Majesté.
    Il s’est pavané, une accolade par-ci, une poignée de main par-là.
    Un visage figé ici, un grand sourire fake là-bas.
    Il n’est passé que pour se montrer, comme à Paris, en province, à Bruxelles, etc., où il débite des mots convenus, des promesses en forme de mensonges, il s’écoute parler, puis il se casse…
    Ça fait 7 ans que ça dure, pourquoi voudriez-vous que ça change ?

  8. Macron qui se prend prétentieusement pour Jupiter est en réalité, tantôt un Attila, car partout où il passe il sème le chaos, tantôt un César dont la devise est quelque peu dévoyée : Vini, vidi [et non] vici.

  9. Il est vrai qu’à part entendre claironner « tout va très bien Madame la Marquise » il y a fort peu d’informations sur la vrai situation de l’île, les mauvaises langues pourraient parler de censure…
    La « première » (station du service public) donne quelques éléments peu rassurants disant que la racaille (que nous connaissons en métropole) entend bien faire sa loi et éradiquer ce qui n’est pas kayak…
    Et pendant ce temps là les indépendantistes martiniquais et tahitiens sont à Bakou pour prendre des cours de décolonialisme… l’effet domino est lancé !
    La belle hidalgo plutôt que de penser à sa baignade dans la Seine devrait vite trouver un plan B pour le surf olympique avant de boire la tasse !

  10. Si depuis l’arrivée de Macron quelque chose a changé. Macron a libéré de son assignation à domicile Christian Teïn, chef de la CCAT, organisateur de toutes ces destructions et exactions. Depuis il se balade librement d’un barrage à l’autre donnant ses instructions et tenant meeting au vu et su de tous.
    Et il n’appelle qu’à durcir le mouvement tout en menaçant officiellement les indépendantistes kanaks qui ne sont pas d’accord avec lui.

    • Étrange, quelque soit l’endroit où il passe, après c’est la m*rde. Ce type a le don de la destruction.

      • Ce n’est pas le hasard, c’est dans sa feuille de route US, pour nous asservir et nous faire accepter la perte de souveraineté, ou ce qu’il en reste, afin de nous faire subir la suprématie de l' »union européenne » et par delà, la mondialisation et la tutelle des USA, dont nous deviendrions un état avec Macron comme gouverneur. Aux urnes patriotes, résistons!

  11. Je pense que vous avez raison , ce qui se passe aujourd’hui en Calédonie risque bien de se produire demain en France . Entre les caïds de la drogue , les petites racailles et les déséquilibrés qui ne cessent de massacrer le peuple , par la faute de Macron , et avec la complicité de la justice , c’est ce qui risque d’arrivé dans pas longtemps .

  12. Enfin un peu de vérité sur ce qui se passe et sur l’inefficacité (voulue?) de l’état français. Oui c’est une école pour nos banlieux. La situation vécue en Calédonie est trop anormale dans un état dit de droit pour ne pas être voulue. Les émeutiers ne sont pas en prison et continuent. Pourquoi s’arrêter.

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