[TÉMOIGNAGE] Julie, mère porteuse en France, privée de son enfant

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Le 14 novembre, la Cour de cassation a rendu, en reconnaissant l'efficacité d'une GPA faite à l'étranger, un arrêt « à la portée considérable », selon l'expression du professeur de droit Marie-Anne Frison-Roche, en contradiction avec la loi française qui interdit sans équivoque le procédé de GPA. Mais malgré les textes, en France, des individus utilisent des mères porteuses « sous le manteau » en toute impunité. Exemple avec Julie* qui, naïvement, s’étant mise au service d’un couple d’hommes pour « faire un enfant », confie son histoire à BV.

Histoire d'un dysfonctionnement judicaire

Selon son avocate, Me Adeline Le Gouvello, jointe par BV, « le dysfonctionnement judiciaire dans l'affaire de Julie est manifeste. Au lieu de faire application de la loi, le juge a entériné dans un premier temps la GPA en octroyant l’autorité parentale exclusive à un adulte coupable de provocation à abandon d’enfant et qui n’est pas le père, contre le souhait de la mère qui se bat pour garder sa place de mère. C’est d’une grande violence pour cette femme et pour son enfant. »

« Je trouvais ça sale de mettre un prix sur mon enfant et ma vie »

Cette « ex-militante LGBT féministe, syndicaliste, de gauche », surtout « très naïve » (la jeune femme est atteinte du syndrome Asperger) décide, en 2019, par « altruisme », d’aider des couples d'hommes qu'elle pense « discriminés » à avoir un enfant. Via les réseaux Facebook dédiés (de coparentalité, mises en relation en vue d'une GPA et autres…), elle prend contact avec plusieurs demandeurs, jette son dévolu sur un couple d’hommes mariés « suffisamment stable » à son goût et tombe rapidement enceinte après insémination artisanale des gamètes de l’un des deux hommes. Aucune contrepartie financière n’est envisagée, conformément à « l’éthique » de Julie : « Je trouvais ça sale de mettre un prix sur mon enfant et ma vie, il n’y aurait pas assez de millions d’euros pour financer une année de ma vie et la création d’un être humain ! », nous précise celle qui n’imagine à aucun moment abandonner les droits sur cet enfant. « Je voulais rester la mère, car c'est ce que je suis pour lui, que le lien ne soit pas rompu. Je voulais être intégrée à sa vie, et qu’il n’ait jamais besoin de me rencontrer un jour, comme c’est le cas pour les enfants adoptés qui ont été abandonnés par leurs parents. »

« Ils me mettaient une pression incroyable pour que je livre au plus vite "l’objet" »

Mais dès le neuvième mois de grossesse, les choses se gâtent, pour Julie : « Le couple qui ne demandait jusque-là que rarement de mes nouvelles m’a littéralement harcelée. Ils me mettaient une pression incroyable pour que je livre au plus vite "l’objet" qu’ils avaient commandé, insistant pour que je fasse des examens supplémentaires parce que l’enfant - selon eux - n’arrivait pas assez vite. »

L’accouchement auquel le père biologique assiste malgré les demandes de la maman de « rester seule pour préserver [s]on intimité » et les heures qui ont suivi sont un calvaire. « Terrorisée » par les deux hommes, Julie est priée de ne pas allaiter l’enfant, de ne pas passer sa première nuit avec son bébé, de ne pas sortir de sa chambre. Au point que le personnel médical intervient pour demander au couple « d’arrêter de vouloir séparer la mère et l’enfant ». Au bout de quatre jours, les deux pères d'intention partent avec le nouveau-né que Julie est autorisée à venir visiter de temps à autre. Mais, au fil des mois, les occasions se font de plus en plus rares et le couple prend le prétexte du Covid-19 pour empêcher la mère de prendre son enfant dans les bras, le caresser, l’embrasser, lui donner le biberon ou changer ses couches.

Le début d'une offensive judiciaire pour retirer l'enfant à sa mère

Les deux hommes déménagent quelques mois plus tard à l’autre bout de la France : Julie voit de moins en moins son petit qui, vers l’âge de deux ans, est détecté comme atteint d’autisme léger. Sur signalement de médecins qui suspectent une GPA, les services sociaux sont saisis et, prenant contact avec la mère, comprennent rapidement la situation. Les deux hommes en profitent pour redoubler de pression auprès d’elle, lui faisant croire que l’abandon officiel de ses droits mettra fin à l’enquête. Le père biologique décède et son conjoint (qui se remet en couple avec un autre homme) orchestre alors une offensive judiciaire pour récupérer les pleins droits sur l’enfant, en les retirant à la mère. L’institution judiciaire fait son jeu et autorise le placement provisoire de l'enfant chez le père d'intention sans même entendre la mère, considérant que la « génitrice » ne s’occupe pas de l’enfant.

Plus grave : le juge aux affaires familiales qui, pourtant, reconnaît l’existence « d’une gestation pour autrui gratuite faite par [Mme] par choix et conviction » ne tire aucune conséquence de la violation de la loi et accable Julie, accusée d’avoir abandonné son enfant. Son handicap et sa grande vulnérabilité ne sont pas pris en compte, ses droits de visite et d’hébergement suspendus. Elle est, de surcroît, condamnée à verser une pension alimentaire sans que jamais les magistrats n’aient entamé des poursuites contre les commanditaires coupables de la GPA. « Si je suis coupable envers mon enfant, je suis aussi la victime de ces deux hommes qui m’ont retiré mon fils », s'indigne Julie.

Ils ont « organisé le vol légal de mon fils »

Cette histoire douloureuse a transformé la jeune femme, devenue une adversaire acharnée de toutes les formes de GPA « parce qu'elles détruisent le lien entre la mère et l’enfant, et ce n'est pas homophobe de dire cela ». De sa dramatique expérience, elle tire la leçon : « On nous dit que les commanditaires, parce qu’ils ont beaucoup désiré l’enfant, sont de bonnes personnes ; c’est faux. Il s’agit avant tout de personnes qui sont prêtes à utiliser une femme pour se procurer un enfant et à détruire le lien avec sa mère. »

Et, judicieusement, elle remarque : « Lorsqu’on prend le train, des affichettes préviennent les voyageurs : les insultes contre les agents de la SNCF sont punies de 7.500 euros d’amende et 6 mois de prison. C'est la même peine pour ceux qui s’achètent un enfant, vous vous rendez compte ? Un gosse, ça ne coûte vraiment pas cher ! », s’indigne-t-elle. Une enquête pénale a été finalement ouverte et Julie a fait appel du jugement.

À l'Assemblée nationale, début novembre, une poignée de député LR déposaient un projet de loi pour criminaliser la GPA en France, à l'exemple de l'Italie. Une initiative qui, si elle aboutit, permettrait de mettre à l'abri d'autres Julie et leurs enfants.

 

*Le prénom a été modifié

Picture of Sabine de Villeroché
Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

74 commentaires

  1. Avant d’utiliser son ventre comme cela elle aurait du penser d’abord a l’enfant qui s’étonnera bien un jour de n’avoir pas de mère et aussi qu’elle perdra a tout jamais une partie de sa chaire.

  2. C’est l’enfant qui est le plus à plaindre. Quel cataclysme quand il apprendra l’histoire de sa naissance, que sa mère l’a « cédé » comme un simple objet à 2 étrangers ! La mère quant à elle s’attendait à quoi d’autre ?

  3. « Pour déjeuner avec le diable, il faut se munir d’une fourchette avec un très long manche » (proverbe Allemand) ou variante plus rude: « tu as embrassé le diable sur le…postérieur, désormais il n’est au pouvoir de personne de te laver la figure ». a méditer…
    quelques remarques, au passage:
    -le diagnostic d’asperger est discutable, les personnes en question ayant un quotient intellectuel en principe largement supérieur à la normale: elle semble ne pas avoir fait la moindre recherche sur ce qu’elle se préparait à faire, sinon elle aurait compris que c’était en dehors de tout cadre légal, et que par conséquent elle aurait toutes les peines du monde à faire valoir ses droits une fois le « produit » livré aux commanditaires. (désolé pour la brutalité du propos)
    -le personnel de la maternité avait clairement compris de quoi il s’agissait, et ils ont laissé les « acheteurs » agir à leur guise, en protestant vaguement pour la forme (et pour se donner bonne conscience à peu de frais). Ils sont donc a minima complices d’un délit (la GPA est encore interdite en France) et devraient être poursuivis en justice (on peut toujours rêver).
    -le JAF valide par sa décision une pratique illégale en France: quid des sanctions qu’il pourrait encourir?
    Pauvre France…

  4. Pour ma part, je ne défendrais pas cette fille. Les juges ont choisi de privilégier la bonne éducation de l’enfant et, si les couples d’hommes ne sont peut-être pas l’idéal pour élever un gosse, une femme seule et déséquilibrée est peut-être pire.

  5. Les béni-oui-oui ne sont pas des gens « généreux ». Ce sont des imbéciles.
    C’est en toute connaissance de cause que cette femme a transgressé la loi pour une idéologie sectaire.
    Et voilà que d’un seul coup, elle se retrouve face à la réalité.
    Elle se plaint? elle parle d’elle, de son lien rompu avec l’enfant?
    Attendez donc que l’enfant s’exprime lui même sur ce qui lui est arrivé, sur l’horrible commerce/transaction/négociation dont il a été « l’objet ».
    Attendez donc que cet enfant comprenne qu’il n’a été qu’un cadeau, que sa conception n’est pas un acte d’amour mais un « contrat ».

    • Il y a une femme immature, peu éduquée, et il y a des courants idéologiques, « idéalistes ».
      Il y a des juges inhumains.
      Dame Nature et l’instinct reprennent leur place avec force et vigueur.

    • Vous avez raison, ce « père non biologique » mérite une condamnation exemplaire, et l’enfant lui être retiré au bénéfice de la mère, triplement victime: de l’actualité idéologique à laquelle elle a cédé d’une part, de l’influence autoritaire et inégalitaire dont elle a été victime de la part de ces hommes, et enfin de cette justice qui ne sait plus où elle en est devant l’interdiction de la GPA en France!

    • Et les imbéciles heureux finissent souvent par déchanter. On n’a que les problèmes que l’on se crée, dit-on. Se désoler que la justice ne reconnaisse pas vos droits après avoir bafoué la loi en toute conscience n’est qu’une illustration de plus de ce que peux produire une société sombrant dans le délire et la schizophrénie.

  6. Nous savons tous que, depuis des décennies, les juges n’en font qu’à leur …. idéologie en lieu et place des lois.

    • . Je serai curieux de connaître l’avis de monsieur Migaud sur cette affaire, lui qui ne clame que de l’indépendance de la justice, mais il est vrai qu’en tant que démissionnaire il ne dira rien.

  7. Ne jamais tenter une transaction sans un contrat clair. Fallait faire ca avec l’aide d’un avocat ou d’une assoc. C’est sa parole contre celle d’un couple.

    • Fallait surtout qu’elle ne fasse pas un enfant pour aller l’offrir au 1er couple venu. Même avec un « contrat clair » comme vous dites.

    • non même pas  » contre celle d’un couple » puisque le père biologique est décédé, c’est le  » nouveau couple » d’hommes qui s’acharnent dans cette bataille contre une mère passablement malmenée me semble t il et naïve;

  8. Ce sera ces juges qui vont élever l’enfant ? Si cette femme a les moyens d’élever son enfant pourquoi le lui retirer pour creuser la Dette ? Le monde est fou, cette société Républicaine devient irrécupérable et ne pourra pas s’en sortir sans larmes.

  9. Le pire des crimes, arracher un enfant à sa mère. Comment un homme digne de ce nom peut il faire une telle horreur.

  10. LA NATURE « rattrape » cette femme qui a « marchandisé » son utérus ! …
    En ce qui concerne les jugements faits contre cette femme sont de fait des accélérateurs de cette décadence humaine ! …

  11. Comment un magistrat peut-il enfreindre la loi qu’il est censé défendre ,sans risquer de poursuites ?
    Le cas de cette pauvre mère devrait être connu afin d’alerter d’autres femmes .

    • Les juges ont un pouvoir immense et ne peuvent jamais être mis en cause dans leurs décisions : comment alors s’étonner de toutes ces dérives tragiques ?
      Quant au « féministes », elles se fichent bien des femmes… D’ailleurs, il me semble qu’il y aurait la place pour une association « réellement » féministe en France !

    • Cette  » pauvre mère  » a décidé en toute conscience de céder son enfant comme on cède une vulgaire voiture ou un frigo.

    • c’est çà, vous avez bien compris ! plus sordide que çà on peut pas faire ! Cette femme paye très très cher ses premières convictions puis sa naïveté –

      • Mais je suis candidat, cornegidouille! ayant fait passer dans la trappe tous les magistrats (voir Ubu Roi, acte trois scène deux) il ne me reste plus qu’à rendre la justice moi-même, et vous verrez comme ça marchera bien, de par ma chandelle verte! et de toutes manières, une fois qu’o na tué tout le monde, on a forcément expurgé quelques coupables…

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