Tenus de rester fidèles au gouvernement, les prochains députés de Renaissance déjà en liberté surveillée

castex assemblée

Alors que personne ne sait encore – même pas les sondeurs – à quoi pourra bien ressembler la future Assemblée nationale, l’Élysée adopte déjà la stratégie du bunker en faisant signer une charte en douze points à tous ses élus potentiels. Un tel engagement avait, certes, été exigé lors du mandat précédent, Christophe Castaner, l’ancien pétulant ministre de l’Intérieur, ayant alors affirmé : « Quand une décision collective est prise, et elle le sera au niveau du groupe pour l’Assemblée nationale, elle doit être la règle pour tous. »

C’était bien la peine de railler les « godillots » du RPR pour remettre à l’honneur les rangers à clous. À croire qu’en démocratie, les députés, représentants du peuple, n’y soient plus tenus que pour un mal de moins en moins nécessaire. Notons que ce caporalisme n’avait pourtant pas empêché la création de l’éphémère groupe dissident Écologie, démocratie et solidarité, fondé par quelques déçus du macronisme. Mais il est vrai que plane encore le spectre de la majorité de François Hollande qui, de 2012 à 2017, se montra plus que turbulente.

Aujourd’hui, la méthode semble s’être perfectionnée, les prochains députés étant tenus de « soutenir l’ensemble des engagements d’Emmanuel Macron et à siéger dans l’un des groupes de la majorité présidentielle : MoDem, Horizons ou Renaissance ». Avec prière, on imagine, de laisser ces lieux aussi propres en en sortant qu’on souhaitait les trouver en y entrant…

De telles méthodes ne sont pas sans rappeler le fameux mandat impératif, concept jadis exposé par Jean-Jacques Rousseau dans son essai Du contrat social, où il fait le distinguo entre deux souverainetés : l’une du peuple et l’autre de la nation. Dans la première, le député est « un simple officier qui exerce en son nom le pouvoir », faute de quoi, ce « mandat impératif » permet au même peuple de le déchoir de sa fonction représentative. Pour la seconde, ce même député incarne plus la voix de la nation, concept déjà plus flou, que celle du peuple l’ayant fait prince par intérim.

À sa manière, le nouveau Président a résolu le dilemme en instaurant une nouvelle forme de « mandat impératif » ; mais venu du haut, du peuple des élus, plutôt que du bas, celui des électeurs. Pourtant, le problème réside aussi en ce menu détail, l’article 27 de la Constitution, pour laquelle « tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. »

Pourtant, ne soyons pas naïfs. À défaut d’avoir été gravée dans le marbre, la discipline de groupe a toujours existé au sein de l’Assemblée nationale et Richard Ferrand, patron du groupe LREM avant qu’il ne devienne renaissant, n’avait pas tort de rappeler : « S'abstenir est un péché véniel, voter contre est un péché mortel. » Ce qui peut fort bien se concevoir, surtout sur des sujets touchant à l’intime ; ce qui était d’ailleurs prévu dans la feuille de route des députés macroniens, en 2017 : « Dans la vie parlementaire, les membres du groupe se doivent de manifester, dans leurs paroles, leurs écrits et leurs votes, une solidarité avec la majorité du groupe et s’engagent à appliquer une discipline de vote, hormis sur les questions d’éthique. »

Pourtant, rarement l’incohérence de ce système finissant n’aura été aussi criante : les Français élisent un Président, fatalement tenté de se comporter en roi, mais qui se tient à peine mieux qu’un boutiquier. Bref, un Président à vocation jupitérienne, mais qui aurait plutôt les atours de Louis de Funès, le fameux monsieur Jambier de La Traversée de Paris, film tourné en 1956 par le regretté Claude Autant-Lara. On ignorait que l’Élysée se nichait désormais au 45, rue Poliveau.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Donc, pour la Macronie, l’AN n’est plus désormais qu’une institution assurant le paiement des élus qui se sont vendus à la majorité présidentielle en renonçant à exercer leur mandat de représentant du peuple. Un Conseil Économique et Social bis, en quelque sorte.
    Mais, après tout, n’est-ce-pas ce qu’on voulu les Français le 24 avril?
    N’oublions pas que ce sont qui ont voté Macron qui sont les premiers responsables de ce déni de démocratie.

  2. Macron instaure le « serment » à ses futurs miliciens députés : A genoux nous faisons le serment, Députés Renaissance de voter en chantant, S’il le faut pour la Nouvelle France ! Amoureux de gloire et de grandeur de Macron Tous unis par la même ferveur, Nous jurons de refaire la France, A genoux, nous faisons ce serment »

  3. Pour moi le mot « Renaissance « évoque la beauté des sculptures de Michel Ange ,la douceur des visages de madones de Raphaël,la sublime » naissance de Vénus » de Boticelli ,la gouvernance bienveillante d’ un Laurent de Médicis mais en aucun cas un parti politique!

  4. Macron ne fait qu’instaurer le principe des régimes communistes « Tous pour un, point final ».

  5. Un président certes élu par le peuple, des députés (lire des noms de « partis) qui sont également choisi par le peuple mais qui devront tous être « solidaires » et forcés de l’être, de décisions prises par un gouvernement qui ne verra le jour très certainement qu’après le 2ème tour des législatives, sans que les électeurs n’aient leur avis à donner. Le choix est donc clair : Vaut-il mieux voter en juin des solidaires, ou pour des libres-pensants ?

  6. Bien droit les doigts sur la couture au garde à vous petits députés renaissants.
    En principe un élu de ce niveau représente une partie du peuple et doit avoir la liberté de penser et d’émettre.
    Là non on pense comme les chefs, on parle comme les chefs, on se tient comme les chefs etc bref plus de personnalité individuelle. On devient ainsi des pantins aux ordres . C’est du commerce de caniveaux et non de la démocratie.

  7. Le petit côté dictatorial de Macron, les députés ne sont rien d’autre que ses larbins, belle république!

  8. Je vais vous dire le fond de ma pensée, s’agissant de la nomination du premier ministre, toujours retardée, à savoir que je me fous pas mal de savoir qui sera-ce, homme ou femme d’ailleurs, puisque de toutes façons ce sera un pantin désarticulé dont le président aux superlatifs excessifs tirera les ficelles suivant le bon vouloir de celui-ci.

  9. Je ne vois pas l’intérêt de changer de nom si c’est pour faire comme avant.
    Macron II, ça promet !

  10. Le fascisme est en route pour faire main basse sur le pays. les portes se ferment, en claquant, les unes après les autres. La population va se retrouver dans une nasse, et la « bande à Macron » va cogner dessus à bras raccourci.

  11. Sommes nous encore en démocratie ? les futurs élus « renaissance » n’ont pas le droit de penser autrement que leur « bon maître » ? s’ils acceptent ce deal c’est que ce sont des paillassons, des individus mous et inconsistants pour qui il ne faut surtout pas voter.Pendant cinq ans l’assemblée nationale n’a été qu’une chambre d’enregistrement des décisions unilatérales prises par macron il est temps que ça change, les députés doivent faire le travail pour lequel ils sont payés : défendre le peuple.

  12. Les apprentis-godillots sont en formation (dans les 2 sens).
    Si, dans le film cité, Macron reprend le rôle de DeFunès, nul doute que les futurs députés potentiels, auront celui de Bourvil (naïf et se faisant avoir pour des clopinettes). Quant au bon peuple français,…… il lui restera le rôle du cochon !

  13. C’est aux électeurs et eux seuls de décider. Le député quel qu’il soit ne doit obéissance qu’aux habitants de sa circonscription ce sont les seuls référents que Macron se rentre cela dans le crâne car en septembre on prévoit un incendie.

  14. Tous les transfuges et traîtres qui composeraient la majorité parlementaire ne sont plus à un renoncement près tant que la gamelle demeure bonne.

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