Terrorisme : société de vigilance contre négligences de l’État

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Le 8 octobre, le Président Macron aurait prononcé, à en croire les médias, des mots forts dans son hommage aux quatre victimes de Mickaël Harpon, qui se révélera être un salafiste infiltré (né en Martinique et converti à l’islam depuis dix ans) ; quatre employés de la préfecture de police de Paris sacrifiés, à l'arme blanche, au nom d'Allah, cinq jours plus tôt. « L’administration seule et tous les services de l’État ne sauraient venir à bout de l’hydre islamiste [...] Une société de vigilance, voilà ce qu’il nous revient de bâtir », s’est exclamé le chef de l’État.

Cette société serait à même, selon lui, de « savoir repérer à l’école, au travail, dans les lieux de culte, près de chez soi, les relâchements, les déviations, ces petits gestes qui signalent un éloignement avec les lois et les valeurs de la République ». Un beau programme de prévention, annoncé, non sans indécence, en mimant les respirations des plus profondes, telle une actrice de cinéma : un triste spectacle visant à légitimer un déni de responsabilité.

Car l'actuel chef de l'État ne fait qu'appliquer un simple cahier des charges en de telles circonstances ; de même qu'en Chiraquie, après l'attentat du RER B à Saint-Michel, de 1995 (« une vigilance maximale », en avait appelé Jean-Louis Debré, le ministre de l'Intérieur de l'époque) et qu'en Hollandie, après les attentats de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray, en août 2016 (« la nécessité d'une vigilance de tous les instants », dixit le Président Hollande).

In fine, l'État démocratique et libéral n'arrive plus à être le Léviathan qu'avait conçu, en 1651, le philosophe anglais Thomas Hobbes, en référence au dragon à plusieurs têtes que décrivait l'Ancien Testament. Parce qu'un territoire-éponge, par essence sans frontières ni souveraineté, ne peut que muter en lézard, voire en misérable ver de terre. Néanmoins, l'administration d’un tel État reste bien lourde, car celle-ci ne fait que multiplier les procédures, soit pour demander des papiers, soit pour demander de l'argent.

Pour persévérer dans son être, l'État dit « profond » tend inéluctablement vers l'omniscience, telle une prison à ciel ouvert : « L'inspection fonctionne sans cesse », avait écrit Michel Foucault, dans Surveiller et Punir. Il convient, en conséquence, de déplorer le poids d'une structure qui observe intensément les citoyens afin de collecter leurs données et leurs impôts, mais sans pour autant se méfier de ses habilités « Secret Défense », comme ce fut le cas avec Harpon, ce dernier ayant été dépeint, juste après les faits, par Beauvau et les chaînes info, en fonctionnaire modèle, atteint de surdité et ayant subitement perdu la raison.

Mais, en l’espèce, « la folie, c’est le déjà-là de la mort », avait également expliqué Foucault dans Histoire de la folie à l’âge classique. Et quelques jours plus tard, la presse a fini par révéler qu’« un signalement non matérialisé » avait été fait à l’encontre du Martiniquais « radicalisé », par quelques-uns de ses collègues, notamment après que celui-ci eut exprimé sa satisfaction de vivre les attentats de janvier 2015 (d'après l'article du Point/AFP du 7 octobre). Voilà une belle spécialité colbertiste : toujours des papiers pour couvrir ses arrières ! En attendant, ce type de société ne manque pas de générer des marginaux dangereux, et pour les autres et pour eux-mêmes. Des victimes imaginaires, ou de vraies bombes humaines.

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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