The Days, un mini-feuilleton réussi sur la catastrophe de Fukushima

Chez Boulevard Voltaire, point de sectarisme : quand Netflix se montre capable de produire autre chose que des âneries progressistes – c’est rare –, on ne manque pas de le souligner. Ainsi, après les longs-métrages tout à fait honorables The Highwaymen et The Pale Blue Eye, la firme nous propose, avec The Days, un mini-feuilleton en huit épisodes sur la catastrophe nucléaire de Fukushima, dans un esprit similaire à Chernobyl (sans le T), la fiction controversée produite en 2019 par HBO.
Inspiré du livre On the Brink: The Inside Story of Fukushima Daiichi, du journaliste Ryusho Kadota, et du témoignage précieux de Masao Yoshida, le directeur de la centrale décédé deux ans après les faits, The Days revient sur les sept jours décisifs qui suivirent le fameux tsunami du 11 mars 2011 qui ravagea la côte orientale du Japon, faisant 18.000 victimes par noyade, et provoqua l’accident nucléaire de Fukushima, classé niveau 7 (le plus élevé) par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Sans trop d’effets spectaculaires, refusant net le sensationnalisme dans lequel verse habituellement Netflix – et auquel cédait, parfois, Chernobyl –, les réalisateurs Masaki Nishiura et Hideo Nakata nous racontent dans le détail comment la perte de l’alimentation électrique, causée par le tsunami, a mis un coup d’arrêt au système de refroidissement de trois réacteurs. Lesquels ont connu une surchauffe entraînant la fonte du combustible nucléaire, puis la destruction des enceintes de confinement et la fuite d’hydrogène, provoquant par la suite une série d’explosions. Dès lors, des gaz radioactifs se sont libérés dans l’atmosphère… La cellule de crise de TEPCO, l’exploitant de la centrale, dirigée par Masao Yoshida, entreprit alors de refroidir les installations et utilisa pour ce faire, malgré l’interdiction formelle des autorités, de l’eau de mer. Par cet acte de désobéissance délibéré, Yoshida, nous dit-on, permit probablement au pays d’éviter le pire.
Incarné à l’écran par l’excellent Koji Yakusho, prix d'interprétation masculine au dernier Festival de Cannes, le directeur de la centrale apparaît comme le personnage clé sans lequel la sortie de crise eût été impossible. Depuis le bâtiment parasismique où il s’est réfugié avec son personnel, Yoshida, malgré la fatigue, l’abattement et le poids des responsabilités, fait face courageusement à une accumulation de difficultés et de problèmes imprévus, coordonne avec sang-froid toutes les opérations et fait la liaison entre le centre de contrôle des réacteurs, les techniciens de la centrale et l’aide militaire. « Si un de nos employés meurt, dit-il dans un épisode, je n’ai pas le droit de m’en sortir. » C’est dire à quel point le personnage, consciencieux et professionnel, est habité par le sens du devoir.
Yoshida doit, par ailleurs, composer avec le bureau du Premier ministre, prompt à lui demander des comptes dans les pires moments et pour de mauvaises raisons. En ces circonstances, le gouvernement s’avère en dessous de tout, incapable de saisir les enjeux, de communiquer aux populations et davantage préoccupé de rassurer les Américains qui parlent d’évacuer du Japon leurs ressortissants.
À ce sujet — Cinéma : The Highwaymen, de John Lee Hancock
Un regret : souvent trop techniques, malgré un souci certain de vulgarisation, les explications scientifiques apportées au fil du récit risquent de perdre plus d’un spectateur. Un défaut déjà présent dans Chernobyl, inhérent, semble-t-il, à ce genre de fiction.
Néanmoins passionnant, le feuilleton s’achève dans un épilogue glaçant, narré par le personnage de Masao Yoshida, qui nous apprend que le démantèlement de la centrale de Fukushima devrait prendre trente ou quarante ans en raison de la dangerosité du site et de son taux élevé de radioactivité.
À voir, notamment, pour le travail colossal de documentation effectué par les scénaristes.
4 étoiles sur 5
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2 commentaires
On a failli avoir un scénario similaire sur la Garonne lors d’une crue. Les générateurs de secours ont failli ou ont été submergés. J’ose espérer que des travaux ont été réalisés en les surélevant. Cela posé, je reste un pro nucléaire à condition de ne jamais oublier qu’on joue avec le feu
Le nuage de Fukushima a-t-il contourné la France ?