Tiers-mondisation de la France : le business de la fraude au Code de la route

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En 2016, le gouvernement a décidé de confier au secteur privé la validation du Code de la route - ce que l’on appelle, dans ce jargon acronymique qui fait la force des institutions républicaines, l’ETG, l’examen technique général. La fraude au Code la route est devenue monnaie courante. Un tel examen peut être passé dans un bureau de poste, mais aussi dans un centre agréé (que peut détenir un particulier). On peut effectuer l’examen pour trente euros environ et obtenir les résultats en 24 heures. Et on se doute que cette aubaine a attiré des réseaux organisés qui vendent des tests « réussis » moyennant finance à des candidats qui ne connaissent rien au Code de la route. C’est ce que confirme, dans un entretien accordé au Parisien, Philippe Destarkeet, secrétaire général du syndicat FO des inspecteurs du permis de conduire. En avril 2024, par exemple, un centre d’examen de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, avait été identifié par la police pour ses activités frauduleuses qui avaient fait gagner environ 350.000 euros aux propriétaires. 119 personnes, qui pour certaines ne parlaient pas un mot de français, avaient reçu, moyennant quelques centaines d’euros, une attestation de réussite au Code de la route.

Le phénomène est devenu quasi industriel, puisqu’un article du Monde, paru en juillet 2024, citait le chiffre de 40 % de réussites « douteuses » au Code de la route. Les autres permis ne sont pas en reste : on peut obtenir son permis bateau pour 450 (permis côtier) à 500 euros (permis hauturier). Quant au profil des chefs de réseau, le grand quotidien du soir parle d’un train de vie qui évoque celui des narcotrafiquants, avec grosses voitures et virées à Dubaï. De là à en conclure qu’il s’agit du même genre de personnes…

Certains cas de figure, on le reconnaît volontiers, sont pathétiques. Ainsi de cette caissière quinquagénaire (en 2025, on dit « hôtesse de caisse ») qui avait besoin de sa voiture pour aller bosser et s’était fait retirer son permis… Les arguments qu’elle a fournis pour expliquer sa fraude sont audibles, eux aussi : complications, panneaux… La caissière, victime d’un instant de paresse intellectuelle, a de nouveau perdu son permis et pris 500 euros d’amende, puisqu’elle avait voulu finasser sur l’examen du Code. Organisés comme des trafiquants, avec des boucles Snapchat ou Telegram, les vendeurs de faux Codes de la route ne cessent de se multiplier. Il semblerait que les régions Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur soient les plus touchées…mais on ne doute pas que la contagion va se répandre…

Bref, si on se résume, il y a d’un côté une administration impuissante qui propose des examens inutilement compliqués et en délègue l’organisation à des opérateurs privés… et de l’autre, des fraudeurs sans scrupules qui montent un marché parallèle destiné à fournir, à des gens qui ont un peu d’argent mais aucune capacité dans le domaine, une fausse attestation moyennant finance. En bout de ligne, une Justice victime de thrombose, des magistrats et des inspecteurs du permis démunis. Quelqu’un pourrait-il nous dire quelle est la différence entre la France et un pays qu'on appelait jadis du « tiers-monde », quel qu’en soit le continent ? La frontière est de plus en plus ténue…

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

48 commentaires

  1. L’État se désengage souvent à la légère d’obligations particulièrement importantes qui lui incombent en matière de sécurité. Un symptôme de tiers mondialisation à ajouter à un panier déjà relativement bien garni.
    Décidément nos prisons bien garnies vont devoir accueillir cette nouvelle catégorie de crapules et submerger encore un peu plus nos juges pour traiter des erreurs que l’État est censé ne pas commettre. Il y aurait peut-être là aussi un peu de ménage à faire monsieur le premier ministre. Prenez conseil auprès d’Elon Musk !

  2. – La validation du Code de la route n’a pas à être faite par des officines privées. Pourquoi pas la Justice, tant qu’on y est ? Et qu’on ne me dise pas d=que le laxisme du « public » est rédhibitoire, quand on veut, on peut : le général de Gaulle a fait créer EDF à partir de zéro, 3 ans plus tard elle était la première entreprise d’électricité au monde ! (alors qu’aujourd’hui, ENEDIS n’est pas fichu de faire de simples branchements de maisons au réseau en 1 année… J’en ai plusieurs exemples).
    Et le prix du permis devrait être moins lourd : la sélection par l’argent n’est pas une bonne solution.
    – l’examen du permis est ridicule de complexité, ou plutôt de pièges. Ca n’a aucun sens, on devrait plutôt se focaliser sur l’aptitude à conduire. Par contre, je conçois très bien qu’il faudrait passer 2 ou 3h chaque année à un renouvellement de permis de conduire car au volant, le risque est immense : être tué ou, peut-être pire encore, tuer quelqu’un, voire un enfant…(comment vivre normalement, après ça ?). Ca vaut bien un renouvellement de licence, avec prise de conscience de ce risque.

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