Tintin au Congo ressort en coffret : l’occasion d’une polémique coloniale !

TINTIN

Les trois premiers albums de Tintin (Tintin au pays des Soviets, Tintin en Amérique, Tintin au Congo) viennent de ressortir sous forme de coffret. À l’époque de leur sortie, celui des trois albums qui avait le plus choqué le public était le tout premier : Tintin au pays des Soviets. On y voyait Tintin et Milou embarquer pour la Russie communiste et y découvrir ce que nous savons bien désormais : les mensonges destinés aux journalistes, l’oppression du peuple par les commissaires politiques, l’élimination de ceux qui veulent dire la vérité (en l’occurrence, évidemment, le petit reporter en réchappera), le pillage des richesses… À l’époque, la gauche, déjà hystérique, avait hurlé. Le temps s’est chargé de séparer le bon grain de l’ivraie.

Aujourd’hui, avec ce coffret, qu’une involontaire ironie a d’ailleurs fait nommer « les Colorisés », c’est Tintin au Congo qui fait les frais de la dénonciation. L’ouvrage est préfacé par Philippe Goddin, président de l’association « Les Amis de Hergé », qui essaie vaillamment de remettre un peu de raison dans le débat. On sait en effet que Tintin au Congo est, depuis longtemps, la cible d’attaques de la part des associations antiracistes qui n’y voient qu’un ramassis de clichés suprémacistes. Pour l’admirateur de feu Georges Rémi, créateur de Tintin, « on a dit que Hergé a odieusement caricaturé les Congolais. Raciste, lui ? Il s’en est vigoureusement défendu. […] Il brocarde allègrement tout son monde, Blancs comme Noirs. » D’autres, dans le camp opposé, estiment, comme un certain Pascal Blanchard, que « Hergé a fait un choix politique d’ignorer les sources qui décrivent la violence de la colonisation ». Tintin serait donc raciste. On comprend, en creux, qu’il ne faudrait surtout pas le rééditer.

Regardons-y mieux. Les personnages africains de cette bande dessinée ont le nez épaté, les lèvres épaisses. C’est aujourd’hui choquant, dans l’œil d’un lecteur de notre temps. Ils ne sont cependant pas croqués d’une manière plus caricaturale que dans d’autres œuvres de l’époque. Ils parlent un français approximatif, aux constructions boiteuses : cet état de fait, probablement vrai à l’époque, a, depuis, été largement démenti par le niveau de français des élites africaines, désormais souvent largement meilleur que celui de notre classe politique, par exemple. Pour ce qui est de l’évolution de la langue française en Afrique comme ailleurs, entre 1930 et 2023, chacun se fera son opinion. Hergé les décrit comme mal équipés, mal organisés, en butte à des rivalités tribales, en proie à des superstitions d’un autre âge. Il faudrait demander aux diplomates et aux militaires qui ont servi en Centrafrique, au Mali, au Burkina Faso, au Rwanda, si les choses ont changé. C’est un peu comme si les États-Unis s’insurgeaient contre Tintin en Amérique, qui dépeint les États-Unis de l’ère Capone et de la prohibition, sous prétexte que les représentations qui sont faites des Américains, violents, malhonnêtes, corrompus, oppresseurs des Indiens, seraient exagérées. On n’a pas beaucoup entendu ce discours.

Une fois de plus, regarder des productions artistiques d’autrefois avec des yeux contemporains est aussi décalé que bête, aussi improductif que potentiellement totalitaire. Alors, on fait quoi ? On interdit Hergé le raciste et on continue à vendre des albums de Miles Davis qui, à la question « Que feriez-vous s’il vous restait une heure à vivre ? », répondait : « J’étoufferais lentement un homme blanc » ?

Il va peut-être falloir apprendre à vivre avec l’idée que les artistes appartiennent à une époque et sont parfois pris dans des schémas idéologiques que nous ne comprenons pas ou plus. C’est peut-être ce que l’on appelle le discernement, non ?

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

26 commentaires

  1. Quand on est enfant c’est l’innocence même les tintin nous faisaient rêver et voyager nous étions heureux et sans arrière pensée dans mon lycée nous avions un surveillant Africain que l’on adorait c’était notre pote . Cette époque d’insouciance est révolu et maintenant les Africains qui viennent en France certains d’entre eux ont la haine de notre pays à cause de certaines élites politiques qui attise les ressentiments post coloniaux pour faire cession lorsque la France va combattre les djihadistes en Afrique. Nos élites qui gouvernent sont responsables de cet état par des discours inappropriés qui font la division plus que la concorde. Il ne faut pas s’étonner de la fracture de notre société quand le mauvais exemple vient des élus.

  2. Lorsque vous allez au Congo, il y a immanquablement comme souvenirs les sculptures de Tintin et Milou en bois et des reproductions des éléments de la bande dessinée (la voiture entre autre). Alors, les Congolais seraient-ils idiots au point d’entretenir un souvenir colonial raciste au seul but d’en tirer profit? Ils n’y a que les européens pour être idiots au point de se flageller de façon permanente sans qu’on ne leurs demande rien.

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