Tournées française et russe en Afrique, un ballet peu diplomatique aux enjeux stratégiques
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Du 25 au 28 juillet, le président Macron s’est rendu en Afrique de l’ouest (Bénin, Guinée-Bissau) et centrale (Cameroun). Durant la même période, le ministre des Affaires étrangères de Russie, Sergueï Lavrov, s’est rendu en Afrique de l’Est (Égypte, Ouganda, Éthiopie) et centrale (Congo-Brazzaville). Vu d’Afrique, la France a beaucoup à perdre dans ce qui apparaît comme une tournée d’inspection réactive et précipitée, forcée par l’actualité et décalée des réalités. À l’inverse, la Russie a beaucoup à gagner dans cette campagne proactive d’adhésions motivées par des opportunités.
D’un côté de ce champ de bataille diplomatique, le « camp occidental » (États-Unis, Union européenne, Royaume-Uni, membres de l’OTAN ou alliés, comme Israël). Face à lui, le bloc des « BRICS » qui regroupe les nouvelles grandes puissances partenaires de la Russie (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Le continent africain est ainsi devenu le damier à cinquante-quatre cases d’un jeu hybride entre les échecs, frontal, et le go, obsidional.
La Russie cherche à échapper à ce qu’elle considère comme une tenaille de l’Alliance atlantique. Son appétit économique pour les ressources et les débouchés commerciaux africains a été réaffirmé lors du premier Sommet Russie-Afrique de Sotchi, en 2019. Au sujet de la guerre en Ukraine, les intérêts africains restent partagés. Aucun des pays membres de l’Union africaine ne soutient ouvertement la position russe et la plupart ont condamné cette violation du droit international, sans pour autant appliquer ni approuver les sanctions décidées. La visite récente à Moscou du président du Sénégal et de l’UA, Macky Sall, a confirmé la volonté partagée de maintenir les relations politiques et économiques avec la Russie. L’Égypte est une porte d’entrée et un débouché céréalier sur le continent africain. Au Congo-Brazzaville, le ministre Lavrov a assuré au président Denis Sassou Nguesso que les opérations militaires en cours à Odessa n’empêcheront pas l’exportation de blé ukrainien. De quoi désamorcer la campagne occidentale de « politique russe de la famine » et l'agitation du spectre de l'Holodomor en Ukraine. Comme Madagascar, le Congo a conclu, en avril dernier, un accord militaire avec la Russie qui pourrait faire des émules. Quant à l’Éthiopie, elle abrite le siège permanent de l’UA.
La France perd continûment pied en Afrique, où elle maintient un lourd dispositif militaire au Sahel, attribut coûteux d’une puissance tutélaire contestée par des populations animées par une volonté de revanche historique et de rattrapage matériel. Sempiternelle repentante, la Macronie s’expose à tous les coups au-delà de ce que ses prétendues victimes attendent d’elle, par un réexamen de l’Histoire coloniale que réclament, seuls, des intellectuels et des « guerriers de la Toile » d’une diaspora africaine boboïsée. Les discours au Cameroun ont été émaillés de banalités, comme « la jeunesse est l’avenir de la société ». Ou l’accusation de la Russie d’être « l’une des dernières puissances impériales coloniales ». Le Bénin assure la continuité terrestre du dispositif français antiterroriste avec le Niger, suite à l’expulsion des forces françaises de l’opération Barkhane au Mali, que Macron continue de présenter comme un départ volontaire en réaction à la présence concurrente et gênante des mercenaires du groupe de sécurité russe Wagner. Personne n’est dupe et les jugements à l’emporte-pièce français, même soutenus par l’ONU, sont malvenus. Quant à la Guinée-Bissau, elle préside la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
N’ayant pas l’initiative dans le rapport de force qui l’oppose à la Russie, la France s’est résignée à s’adapter à la compétition, concurrence à sa puissance, à la contestation de son influence et à l’affrontement direct et indirect, nouveau triptyque de sa politique de défense. Les dirigeants africains maximisent leurs avantages avec des partenaires solvables qu’ils jugent solides et crédibles. Isolée sur le terrain, la France est confrontée à une Russie déterminée, championne du jeu frontal d’échecs, partenaire d’une Chine championne de l’encerclement par la stratégie de go. Dans ces conditions, on voit mal comment cette double activité diplomatique parallèle pourrait converger vers un apaisement raisonné. La France est en situation d’échec ; sera-t-elle mat ?
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