Tous au cimetière ! Après la dénatalité, la « démortalité »

Nos cimetières seront des champs de verdure où s’élèveront de grandes tours aux cases remplies d’urnes funéraires.
Capture écran France 3 Hauts-de-France
Capture écran France 3 Hauts-de-France

En voilà, une idée qu’elle est bonne, comme aurait dit feu Coluche : à Paris, on va faire payer aux habitants la restauration des monuments funéraires pour mieux transformer les cimetières en jardins d’agrément.

La décision est actée, votée ce mardi 8 avril, à l’unanimité du Conseil de Paris. Le Parisien nous l’explique : « Dès cette année, la ville va donner la possibilité aux Parisiens de procéder à la restauration de 30 monuments funéraires dans trois cimetières de la capitale. Une fois ces travaux réalisés, les restaurateurs pourront bénéficier de la concession. Un dispositif "donnant-donnant" inédit en France, qui doit permettre de préserver le patrimoine funéraire de Paris. »

C’est facile, c’est pas cher et ça peut rapporter très gros

Quelle belle idée ! On applaudit des deux mains. Paul Simondon, l’adjoint (PS) chargé des Finances et des Affaires funéraires, est aux anges. Cette mesure va permettre de régler un problème de fond(s) – à la fois de fond de caveau, de foncier et financier – en remettant sur le marché des concessions funéraires en déshérence, voire arrivées à forclusion. Cela permettra à la ville, archi-surendettée, d’échapper aux problèmes que pose la réattribution du terrain funéraire. Jusqu’ici, deux options. Première option, le terrain est remis à nu par la ville, « la famille fait alors construire un nouveau monument funéraire, de manière en général très homogène, voire standardisée, ce qui dégrade le paysage avec des matériaux souvent venant de l’autre bout du monde ». Deuxième option : le monument d’origine est conservé et son entretien reste à la charge de la ville.

Troisième option : celle votée ce mardi qui consiste à « vendre le monument funéraire en vue de sa restauration, avant de céder la concession en tant que telle ». Ainsi, « une fois la restauration effectuée sous le contrôle d’un architecte des Bâtiments de France, la vente définitive du monument funéraire à l’acquéreur est effective ».

Le hic - car il y a toujours un hic : comment choisir les nouveaux acquéreurs parmi la foule des candidats, fort nombreux nous dit-on ? C’est simple : par tirage au sort. Dans un premier temps, 30 monuments « de composition ou de forme simples » vont être choisis dans les cimetières du Père-Lachaise, de Montparnasse et de Montmartre, avec un prix de vente entre 500 et 5.000 euros. D’où l’enthousiasme des élus qui voient se dessiner une belle opération financière, la ville estimant à 232.000 euros la vente de ces premiers monuments et des concessions à suivre. « Le potentiel est très important. On peut potentiellement avoir des centaines, voire des milliers de concessions qui sont concernées », se réjouit Paul Simondon. On voit d’ici la bataille pour récupérer le très « lustré » monument de Victor Noir ou la tombe la plus fleurie du Père-Lachaise, celle d’Alan Kardec…

Quand l’opposition criait à « la supercherie »

À bien regarder cette très riche initiative, on se demande si, derrière l’intention fort louable de sauver le patrimoine, elle ne cacherait pas une arnaque. En effet, les cimetières sont depuis un moment dans le collimateur de la mairie de Paris. Le but : les transformer en « espaces verts ouverts au public ».

Paris se heurte, en effet, à un problème de taille. Avec une densité de 20.054 habitants/km2, elle est la ville la plus densément peuplée d’Europe et la septième au rang mondial. C’est dire que le foncier s’y fait rare, et dire, surtout, que la mairie PS va avoir bien du mal à tenir sa promesse de doter la capitale de 300 hectares supplémentaires d’espaces verts, d’ici 2040. C’est inscrit dans le marbre du Plan local d’urbanisme (PLU) afin de répondre aux recommandations de l’OMS.

C’est dans ce but que la ville a commencé à lorgner sur ses cimetières, les incluant dans les « équipements à aménager et à ouvrir au public ». Annoncée en février 2024, la proposition du PS s’était heurtée à l’opposition, qui dénonçait alors « une supercherie ». Le Parisien d’alors rapportait que cinq cimetières avaient « d’ores et déjà été retenus » : le Père-Lachaise, dans le XXe (44 ha), Montparnasse, dans le XIVe (19 ha), Montmartre, dans le XVIIIe (10 ha), les Batignolles, dans le XVIIe (11 ha) et le joli cimetière de Charonne, dans le XXe (moins d’un hectare). Soit, au total, près de 85 hectares.

Pas de trottinettes ni de bacs à sable entre les tombes. Pour l’instant.

Dressée par l’APUR, l’Atelier parisien d’urbanisme, la liste était basée sur trois critères : « un minimum de 40 % de couverture végétale, une accessibilité par au moins deux portes et une "fréquentation plurielle", soit des visiteurs qui ne viennent pas uniquement pour se recueillir », écrivait Le Parisien.

Marie-Caroline Douceré, élue du groupe Changer Paris, s’était alors indignée, faisant remarquer que si les cimetières sont effectivement des « réserves de biodiversité importantes », ils ne sont pas « des lieux de visite et de promenade comme les autres ». Pas question de confondre, a juré la mairie, on ne fera pas de skate dans les allées ni de bacs à sable entre les tombes. Pour l’instant...

Dans nos villes de grande solitude, la mémoire est un bagage encombrant. Nos morts sont rarement là où l’on habite, on les porte plus souvent dans son cœur que dans sa terre natale. Mettre un corps en terre, ça prend de la place, et au prix du foncier… je ne vous fais pas de dessin. Le pragmatisme a commencé à nous pousser vers la crémation, qui a concerné 44,91 % des décès en France, en 2023, en hausse de 2 points par rapport à 2022. Dans 15 ans, nos cimetières seront des champs de verdure au milieu desquels s’élèveront de grandes tours aux cases remplies d’urnes funéraires. À moins que nos écolos n’aient lancé une autre mode : épandre les cendres des défunts dans les culture bio, par exemple. D’ici là, on aura sûrement installé des food trucks à la porte de nos cimetières transformés en parcs de loisirs.

Picture of Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

18 commentaires

  1. Quand j’étais adolescent, je me souviens des discussions de famille concernant les frais d’entretien des tombes de la famille. J’ai trouvé cela futile et inutile.
    Je n’aime pas les cimetières je trouve cela morbide et sans intérêt. Je n’y vais jamais.
    Je suis pour la crémation, les cendres à la mer ( elle est devant moi). Le souvenir est d’un autre niveau.

  2. « Dans 15 ans, nos cimetières seront des champs de verdure au milieu desquels s’élèveront de grandes tours aux cases remplies d’urnes funéraires. À moins que nos écolos n’aient lancé une autre mode : épandre les cendres des défunts dans les culture bio, par exemple.  »

    les écolos y pensent.

    Moi, née de la poussière je redeviendrai poussière, mais surement pas dans une urne ou dans un « jardin du souvenir »!

    Je veux que mes cendres soient dispersées dans la nature (la loi imposant au moins 50m des habitations et jardins, cela peut se faire facilement!

  3. 232.000 euros la vente de ces premiers monuments §§ contre 9,9 milliards de dettes de la ville de Paris, il va falloir qu’Anne Hidalgo fasse vite, avant la fin de son mandat pour combler le trou !! Je pense que tous les cimetières de Paris et de la région ne suffiront pas en ventes de concessions pour boucher « la tombe » de dettes parisiennes……….

  4. Pourquoi se faire incinérer ? Comme me l’expliquer mon Père ce n’est pas pour ne pas polluer la Terre mais uniquement pour que ma tombe ne soit pas profanée par des abrutis , et mes restes mis aux ordures dans la fosse commune du cimetière 20 ou 30 ans après ma mort ! Il me disait voilà pourquoi je veux être incinérer , de toute façon mort corps n’était qu’une  » coquille  » !

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