Transferts d’argent et OQTF : Montebourg va à Canossa, c’est la « descentada » !
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L'équipée solitaire d'Arnaud Montebourg n'aura pas duré plus de 24 heures. L'idée était pourtant intéressante.
La gauche réunie a choisi son programme commun. Il est pratique, ne mange pas de pain et se résume en trois mots : « Haro sur Zemmour. » Sauf qu'il sent la soupe recuite et la sauce rallongée. Des dizaines d'années qu'elle la sert à chaque élection avec un autre os à moelle nommé Le Pen.
Le candidat Arnaud Montebourg, lui, fustige aussi Zemmour pour la forme, mais a décidé, sabre au clair, d'enfoncer les lignes de l'adversaire en allant chasser sur ses terres. Il a placé sa campagne sous le signe de la remontada et nul ne peut prétendre reconquérir un électorat populaire en faisant l’impasse sur l’immigration. Dont acte.
Il a ainsi proposé, dimanche, au « Grand Jury LCI/RTL/Le Figaro », de « bloquer les transferts d’argent particulier vers les pays qui ne nous aident pas à appliquer les obligations de quitter le territoire français ».
Selon lui, ce sont « 11 milliards de transferts d’argent qui passent par Western Union sur l’ensemble des pays d’origine » : « Ces transferts d’argent privé sont une manne pour ces pays et nous avons besoin aujourd’hui de dire : ça suffit. »
Stupeur et tremblement, horreur et malédiction, apportez leurs sels aux douairières corsetées dans la bien-pensance, elles manquent de défaillir : « Immigration : Montebourg fait du Le Pen », titre Libération, qu’on a connu plus créatif. Jean-Luc Mélenchon dénonce une « mesure cruelle et injuste », le député LFI Fabien Michaud le qualifie de « rantanplan du zemmourisme », Adrien Quatennens l’accuse de « s’incliner devant l’extrême droite et son festival d’idées à la con » (sic), et Najat Vallaud-Belkacem de vouloir « rendre les plus pauvres encore plus pauvres »… N'en jetez plus !
Tout le monde s’accorde pourtant à dire, au moins du bout des lèvres, qu’il faudrait résoudre le problème des OQTF. Ne serait-ce que pour éviter de donner du grain à moudre à droite. Mais on lève aussitôt les yeux au ciel en jurant ses grands dieux que c'est impossible : que voulez-vous faire, ma brave dame, si les pays d’origine n’en veulent pas ? Il est vrai, même la menace formulée par Emmanuel Macron de réduire les visas n’a pas vraiment donné les résultats espérés.
La suggestion d'Arnaud Montebourg pourrait-être autrement plus efficace.
Dans son dernier livre Et les blancs sont partis, le journaliste de Streetpress Arthur Frayer-Laleix consacre un chapitre à la question. Intitulé « Des cités vers le Bled… la mondialisation invisible », il raconte comment des immigrés maliens, sénégalais, comoriens, etc., « cotisent » pour financer un mariage, soutenir un cousin… et bâtir des infrastructures à la place de l’État : « En 2017, Abdoulaye Daouda Diallo, le ministre de l’Intérieur sénégalais, estimait que la diaspora de son pays participait à hauteur de 1,38 milliard d’euros par an à l’économie nationale. Près du tiers du budget de l’État sénégalais cette année-là. » L’auteur cite aussi Moussa Mara, ancien Premier ministre malien, qui affirmait, le 26 mai 2018, lors d’un passage dans un foyer de travailleurs en France : « Les associations villageoises maliennes en France se substituent à l’État malien qui est défaillant dans les projets d’infrastructure. »
Les sommes qu’Arnaud Montebourg envisage de bloquer ne sont d’ailleurs, si l’on en croit cette enquête, que la face émergée de l’iceberg, c'est à dire « l'argent tracé » qui a « transité par une banque ou une agence de transferts de fonds comme Western Union ou MoneyGram ». Mais pour l’auteur, avec les « transferts invisibles » colossaux, « rapportés dans les valises ou par d’autres canaux non taxés, le montant serait possiblement le double, le triple, voire le quintuple des chiffres fournis par la Banque mondiale dans les rapports annuels ».
Sur un plan purement économique, et au-delà des OQTF, la France aurait donc tout intérêt, dans le même esprit que « l’exit tax », à ne pas laisser fuir cet argent vers d’autres cieux.
Arnaud Montebourg, réputé le plus pragmatique et le plus chauvin des candidats de gauche - a-t-on assez moqué sa marinière Armor Lux et son robot ménager made in France ! -, aurait-il compris que le fameux « redressement productif » dont il a porté le ministère passait aussi par là ?
Las, la pression a été trop forte : dans un communiqué, Les Jeunes pour Montebourg, dont on apprend l'existence, ont déclaré solennellement lundi, dans la journée, se mettre « en retrait de la campagne », évoquant « une proposition injuste et inhumaine ». Lundi soir, Arnaud Montebourg est allé à Canossa, reconnaissant s'être « mal exprimé » (LCP). Pour la remontada, on repassera.
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