[TRIBUNE] 11 novembre : « Ils ont des droits sur nous »

@Selvejp/Wikimedia commons
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Le 20 novembre 1917, Clemenceau, alors président du Conseil, prononça un discours devant la Chambre des députés qui est resté fameux en raison de cette phrase : « Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous. » La commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918 est l’occasion de réfléchir à ces mots.

Clemenceau, en publiant le 12 avril 1917 la correspondance de l’empereur et roi Charles de Habsbourg proposant une paix séparée à la France, avait ruiné les possibilités de succès de cette initiative qui aurait pu mettre fin à la guerre près de deux ans plus tôt. Il aurait épargné ainsi des millions de vies et sauvegardé l’existence de la double monarchie austro-hongroise, facteur d’équilibre européen. Mais sa haine de cet empire catholique était telle qu’il faisait bon marché de la vie des Français pour parvenir à sa destruction. Quels droits avaient donc ces Français jetés dans la bataille face à la haine idéologique de ce Vendéen « bouffeur de curés » ? Dans un discours célèbre du 29 janvier 1891, Clemenceau avait affirmé que « la Révolution française est un bloc dont on ne peut rien distraire » et poursuivi : « cette admirable Révolution par qui nous sommes n’est pas finie… Il faut donc que la lutte dure jusqu’à ce que la victoire soit définitive. » Détruire l’Empire austro-hongrois s’inscrivait dans cette logique idéologique. Au prix de millions de vies, au prix d’une déstabilisation de l’Europe centrale qui allait subir tour à tour le joug totalitaire nazi puis marxiste-léniniste. Encore des millions de morts innocents. Car l’idéologie révolutionnaire compte pour rien la vie de ceux qui ne « sont pas dans le sens de l’Histoire ».

Aujourd’hui encore, les enragés de LFI s’inscrivent dans cette logique folle et, avec eux, leurs alliés du Nouveau Front populaire, idiots utiles qui suivent comme des moutons de Panurge et seraient avisés de se pencher un peu sur l’histoire des révolutions française ou bolchevique pour voir le sort qui attend les « indulgents » ou les socio-démocrates.

Gâchis du sacrifice consenti par nos aïeux

Mais l’idéologie révolutionnaire rend aussi stupide. Ce que Louis XV et Talleyrand avaient compris, à savoir que l’Empire d’Autriche était facteur d’équilibre européen et que sa disparition encouragerait l’impérialisme allemand puis russe, Clemenceau, vraie-fausse gloire française, l’avait oublié plus d’un siècle plus tard. Entre 1914 et 1918, 1,5 million de Français sont morts pour préserver notre indépendance et notre liberté. Cette guerre était supposée être « la der des der ». Nous savons ce qu’il en a été. La IIIe République, après avoir mené la France à une « étrange défaite », selon le titre de l’ouvrage de Marc Bloch, l’a jetée dans les bras d’un vieil homme de 84 ans qui mena la honteuse politique que l’on sait.

La réalité est que la classe politique d’alors a gâché l’immense sacrifice consenti par nos aïeux, par sclérose bureaucratique, mépris du peuple, intérêt partisan et incapacité à rassembler un pays profondément désuni. Ce qui nous rappelle de façon amère certains aspects de notre présent.

De notre indépendance si chèrement préservée, que reste-t-il ? Soi-disant pour préserver la paix, nous avons abdiqué notre indépendance et notre liberté d’action entre les mains d’une nomenklatura européenne qui invente à notre place notre futur au nom d’un intérêt européen aussi technocratique qu’idéologique. Un système qui n’a rien ni de fédéral ni de confédéral, mais vise à instaurer une sorte de super-État unitaire et uniformisateur, qui prétend embrasser tous les aspects de la vie économique et sociale et réduit la France au rang de sous-préfecture d’un système mondialisé mercantile et technocratique.

Alors, oui, si nous devons préserver le « devoir de mémoire », pour reprendre l’horrible formulation politiquement correcte, c’est d’abord pour rendre hommage au courage et à l’esprit de sacrifice de nos aïeux, mais aussi apprendre aux Français d’aujourd’hui qu’il existe un bien commun supérieur à nos désirs personnels qui s’appelle la France. Et rappeler à ceux qui nous gouvernent ou aspirent à le faire les mots de Louis VI le Gros à son fils, sur son lit de mort : « Souvenez-vous mon fils, et ayez toujours devant les yeux que l’autorité royale n’est qu’une charge publique, dont vous rendrez un compte très exact après votre mort. » Mais ces gens dont l’avenir est borné par l’émotion de l’instant ou la prochaine échéance électorale peuvent-ils encore comprendre ces paroles où pointe l’éternité ?

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

19 commentaires

  1. Certes, mais écouter ces « journalistes » se poser la question de la remise en cause du 11 Novembre, c’est se comporter en historicide ! La France a UNE histoire et pas plusieurs. Je fais partie de ceux encore vivants dont les grands parents ont été des combattants blessés de la guerre des tranchées, qui fit combien de morst déjà ? Alors, les polémistes malsains qui ne savez pour la majorité même pas ce qu’est une chambrée, les gens comme moi, ne vous aiment pas !

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