[TRIBUNE] Acte II du choc des savoirs : Perseverare diabolicum…

Des formules sans effet sur un réel que nos élites ministérielles sont bien incapables d’appréhender et d'affronter.
Capture d'écran LCP
Capture d'écran LCP

Mme Genetet, ministre de l’Éducation nationale, a annoncé « l’acte II » du « choc des savoirs ». On ne sait plus si l’on doit rire ou pleurer devant ces formules aussi martiales qu’elles sont creuses.

 

 

Cette annonce intervient au moment même où l’Assemblée nationale vient de rejeter la partie recettes du projet de loi de finances pour 2025, rendant donc impossible l’examen de la partie dépenses, où le budget de la mission enseignement scolaire – 88 milliards d’euros – tient une place centrale.

Une fois encore, la représentation nationale sera privée d’un débat pourtant fondamental, puisqu’il concerne l’avenir de nos enfants et, bien sûr, l’avenir de la nation.

La concomitance de ces deux événements n’est pas sans signification symbolique : 88 milliards, plus de 6,8 % du produit intérieur brut de la nation et pas un mot, pas une phrase d’explication, pas de contestation possible dans l’enceinte sacrée de l’Hémicycle. Il y aurait pourtant tant à dire ! Un budget considérable, en augmentation continue depuis des années. Mais des résultats médiocres, voire misérables aux évaluations internationales, une fracture scolaire de nature sociale et culturelle, un baccalauréat sans aucune valeur académique, des étudiants de première année qui échouent pour 50 % d’entre eux, des élèves classes prépa dont l’inculture désole leurs professeurs… Ne serait-il pas venu le temps de la réflexion, de l’analyse, de l’introspection, de la projection vers l’avenir ? « France, qu’as-tu fait des promesses de ton école ? », serait-on tenté d’oser dire.

Éléments de langage ministériels

Mais non, nous aurons un « acte II d’un choc des savoirs » qui n’a jamais existé que dans les éléments de langage ministériels. De quoi s’agit-il ? D’une collection de mesures anciennes et recyclées et de quelques nouveautés organisationnelles glanées çà et là, y compris dans le programme du RN !

On y trouve, pêle-mêle, le maintien des évaluations dans le primaire et au collège, la labellisation des manuels, la rénovation des programmes, le maintien des groupes de besoin en 6e et 5e et un nouveau dispositif - fort complexe, comme il se doit – de soutien en 4e et 3e, une réforme du brevet, une nouvelle épreuve anticipée de mathématique au baccalauréat… Ouf !

Que les groupes de besoins n’aient été installés que dans 40 % à peine des collèges par suite de la réticence des syndicats de professeurs et de personnels de direction, que l’inspection générale n’ait pas encore eu le loisir d’évaluer les résultats que produisent les groupes de besoins, qu’importe ! Avançons, avançons, car ainsi le veut le président de la République et, bien sûr, Gabriel Attal, qui a reniflé avec la question éducative le brouet de belles campagnes d’opinion.

Qu’à force de cours de soutien à tous les étages le collège ressemble plus à un grand blessé couvert de pansements qu’à un athlète olympique, nul ne s’en soucie. Pourtant, le modèle du collège unique est mort depuis longtemps et il convient urgemment d’en inventer un autre.

Que le baccalauréat se voie réformé pour la dixième fois depuis son bouleversement par Jean-Michel Blanquer et qu’une épreuve de mathématiques en première ne rendra pas cet enseignement plus efficace ni plus attractif pour les élèves, peu nous chaut ! Où est la promesse d’une conférence nationale des mathématiques qui interroge enfin sérieusement l’enseignement de celles-ci à tous niveaux de l’école ?

Et tout est à l’avenant. Nous sommes en présence d’une nouvelle mouture de gouvernement performatif. Des mots, des phrases, des formules sans effet sur un réel que nos élites ministérielles sont bien incapables d’appréhender et d’affronter.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 16/11/2024 à 3:53.
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Roger Chudeau
Député de Loir-et-Cher, référent Éducation pour le groupe RN à l’Assemblée nationale

Vos commentaires

18 commentaires

  1. Elle ferait mieux de proposer des cours de français et de calcul aux ministres, elle incluse, et aux autres politiciens et journalistes.

  2. Toutes les réformes intelligentes et efficaces devront commencer au cours préparatoire. Tout reprendre à zéro.

  3. Epreuve anticipée de mathématiques pour le bac en fin de Première et obligation d’obtenir le Brevet des collèges pour accéder en Seconde de lycée me semblent être de bonnes mesures. Mais pas d’application avant 2026 et 2027 ! D’ici là la valse des ministres aura tout retiré, chacun voulant laisser sa marque au détriment des enfants. Quant au collège unique qui met sur ses bancs des élèves qui ne maîtrisent pas la langue française, il continue de sacrifier des générations de jeunes en tirant le niveau vers le bas. Le classement Pisa est notre tour de Pise, il penche du mauvais côté.

  4. Rustines. Mesures vaines tant qu’on ne rétablira pas une discipline ferme, qu’on n’éradiquera pas des procédés pédagogiques destructeurs, une formation des maîtres digne de ce nom, le principe.d’instruction et non d’éducation, et une neutralité politique absolue au sein des établissements. Donc un virage politique radical au niveau gouvernemental. Vaste programme, mais incontournable.

  5. Il y a dans ce ministère, un millier de personnes qu’il faut sortir sur le champ. Le reste ne sert à rien. Le reste, c’est du blabla. C’est ce qu’avait compris Fillon. C’est même ce qu’il avait dit.

    • Oui, et le résultat : il a été viré en deux temps trois mouvements sur une peccadille d’emploi fictif, 5000 euros par mois, qui existe à des dizaines de milliers exemplaires dans toute la France. Fillon n’avait malheureusement pas compris qu’il était sous surveillance.

  6. Une réforme de quoi que ce soit ça se fait dans le temps et en douceur puis les résultats sont encore plus longs à obtenir, il faudrait un jour que ces politiciens qui n’ont jamais travaillé se mettent au courant du management des entreprises et s’en inspirent

  7. Quelle nullité. Le brevet est entre 8O et 90 % . Autant le distribué dans la rue comme le bac. Cela coutera moins cher. IL faut rétablir le certificat d’étude avant la 6ème sous son ancienne forme. pas besoin d’encombrer les collèges et lycées.

  8. Quelle place pour les fondamentaux que sont les maths, le français, les sciences et l’histoire et géographie ? Ne pas s’étonner si nos futures générations sont déboussolés et incultes.

  9. Si la valeur n’attend pas le nombre des années ,être fille , petite fille, nièce de « hussardes de la république » n’est pas une garantie de compréhension et encore moins de résolution des problèmes liés à l’instruction de nos « chères têtes blondes » . Si le génie c’est 95% de travail , Madame le Ministre ferait bien de s’y mettre .

  10. Que tout cela est affligeant. Nous n’avons pas fini de sombrer dans les classements internationaux. Un ministre de l’Education Nationale qui n’a jamais su à quoi ressemblait un élève, un étudiant ou un professeur, les crétins de la rue de Grenelle en avait rêvé, Macron et Barnier l’on fait.

  11. Depuis 2022, nous en sommes à notre 5ème ministre de l’éducation nationale, c’est un pur scandale !
    Si l’on voulait réellement améliorer les savoirs fondamentaux, on mettrait le paquet sur l’école primaire en arrêtant de gaspiller des heures, par exemple avec la moraline climatique, et on reviendrait aux méthodes qui ont fait leurs preuves. Ce n’est pas une question de moyens, juste une question de volonté.

  12. Pour qu’il y ai choc, il faut la rencontre entre deus éléments solides. Mais là, entre le vide neuronal des élèves et l’inconsistance des programmes, Je crains que ça ne fasse même pas un « floc » perceptible à l’impact. Le regard de la ministre en dit long sur ses convictions.

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