[Tribune] Affaire Monguillot : certains jugements encouragent la violence 

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Philippe Monguillot était un chauffeur de bus sans histoire et un père de famille. Très violemment agressé par un groupe de passagers turbulents, il a été roué de coups puis frappé au sol. Attaqué lâchement, sa tête a heurté le trottoir comme une coquille d’œuf, selon un témoin. Philippe est décédé cinq jours plus tard sans avoir repris conscience.

Ce crime si symptomatique de la pulsion de mort qui traîne dans nos rues, nos autobus, nos métros, sur nos routes, a brisé une famille. Sa femme Véronique se voyait vieillir à ses côtés avec leurs trois filles. Il n’en sera rien.

Les deux auteurs des coups portés à Philippe Monguillot, Wyssem Manai et Maxime Guyennon, sont en détention provisoire depuis le meurtre. Les deux sont en récidive légale, car ils ont, peu de temps avant les faits, commis d’autres violences. D’après un témoin de la scène qui a témoigné au procès, ils étaient « inarrêtables, bourrés d’adrénaline ». Pour un motif futile au possible et incapables de voir plus loin que les instants de colère, ces criminels ont été capables de frapper jusqu’à la mort un homme qui ne faisait que son travail.

Mais malgré ce lourd passif et cette dangerosité avérée, les deux compères ont été condamnés vendredi, par la cour d’assises de Pau, à une peine de 15 et 13 ans de prison, alors que tous deux encouraient la perpétuité. Un jugement qui les satisfait, si l’on en croit Maître Sagardoytho, avocat de Wyssem Manai, qui a déclaré que « tous ceux qui ont espéré que ce jeune homme soit condamné à la peine maximale en seront pour leurs frais ».

Un jugement qui interroge

Mais ce jugement fait plus qu’interroger. Avec les très (trop) nombreuses remises de peines que la Justice française offre, les deux condamnés seront probablement libérés dans moins de dix ans. Avoir tué un homme, pour eux, n’aura pour conséquence qu’une parenthèse de leur vie en prison, de 25 à 35 ans. Au bon sens, cela semble beaucoup trop peu.

Le fait que le bon sens soit heurté est déjà un problème en soi. En effet, si les jugements n’ont pas pour objectif de pleinement satisfaire les victimes, à trop les oublier, on sape la confiance des citoyens en la Justice. On fomente le feu de l’autodéfense, c’est tout le tissu social qui est brisé et une société archipellisée est une société violente.

Citons, par exemple, le cas tragique de Gary Plauché, père d’un petit garçon enlevé et violé par un pédophile. Gary Plauché, n’ayant pas confiance en la Justice de l'État de Louisiane, aux États-Unis, a pris un revolver et a profité d’une sortie du pédophile devant les journalistes pour tuer celui-ci publiquement.

Mais il y a pire. Sur les bancs des facultés de droit, les étudiants apprennent, en deuxième année, que la peine a cinq rôles, en droit pénal : la neutralisation temporaire du criminel (le temps qu’il soit en prison), la dissuasion vis-à-vis des éventuels criminels, la rétribution symbolique, la réparation des victimes et, enfin, l’éventuelle réinsertion.

Dans le jugement Monguillot, si la réinsertion semble plus qu’atteinte pour ces deux criminels, qui auront le loisir de travailler et d’étudier en prison, les quatre autres impératifs d’une peine semblent loin, très loin d’être même effleurés.

Sans Justice ferme, la violence augmente

Et dans ce cas, la Justice encourage encore la violence. En effet, lorsqu’elle ne dissuade plus, elle fait grandir le sentiment d’impunité et celui-ci mène directement à plus de crimes et de délits. C’est une certitude : lorsque les peines sont trop peu sévères, le crime augmente. Les criminologues en ont eu d’éclatants exemples par le passé, lorsque les présidents de la République décrétaient une amnistie lors de leur élection. François Mitterrand, en 1981, avait ainsi libéré 5.000 détenus, le taux de criminalité avait augmenté de 20 % en un an. Et à l’inverse, des peines sévères font mécaniquement diminuer le crime. Ainsi, les lois three-strikes (peu importe sa gravité, la troisième infraction donne lieu à perpétuité), aux États-Unis, ont fait diminuer le nombre de mises en cause de personnes déjà condamnées de 17 à 20 %.

Lorsque la Justice est trop sévère avec les délinquants, elle attaque les libertés publiques et la démocratie. Mais à l’inverse, lorsqu’elle n’est pas assez sévère, elle crée elle-même l’insécurité en poussant les victimes à se faire justice elles-mêmes, en encourageant les autres criminels à commettre des crimes et des délits (puisqu’ils savent qu’il y a toutes les chances que leur peine ne soit pas à la hauteur du crime).

Pour Wyssam Manai et Maxime Guyennon, la prison ne sera qu’une parenthèse dans leurs vies. D’ici quelques années, ils reprendront une vie normale, auront une famille, prendront des cafés en terrasse. Qui pensera, alors, à la famille de Philippe Monguillot ? Plus personne, et surtout pas la Justice qui, telle Ponce Pilate, s’en lave déjà les mains.

Pierre-Marie Sève
Pierre-Marie Sève
Directeur de l'Institut pour la Justice

Vos commentaires

23 commentaires

  1. Selon que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de cour… Rien n’a véritablement changé dans notre beau pays en tous cas pas la justice.

  2. Ce système de remise de peine est bizarre et absurde : 3 mois chaque année pour un meurtre !
    Remise de peine pourquoi pas mais à étudier au cas par cas
    Effectivement avec ce système ces assassins sont dehors dans cinq ans

  3. Pourquoi le parquet ne fait-il pas appel ? Depuis le mur des cons, il est difficile de faire confiance à la justice de notre pays vu qu’il est interdit de savoir si celui qui juge appartient ou non à ce syndicat très très politisé ! Le western, dont notre président ne veut pas, est pourtant bien en vue.

  4. Une honte ce verdict, surtout qu’il s’agissait de plusieurs hommes face à un seul ce qui devrait être encore plus sévèrement puni.

  5. Je suppose que si cet honnête homme massacré par des barbares était issu de la diversité, la peine aurait au moins été doublée et que nos islamo gocho traoristes bien pensants auraient hurlé au racisme ! Encore et toujours ce 2 poids 2 mesures. D’ailleurs, il suffit de voir l’implication du syndicat de la magistrature dans cette manifestation nauséabonde et incitant à la haine organisée par des élus de la république. Même si cette manif a été un gros flop, elle a été autorisée.

  6. La justice est bonne enfant un maximum de 15 à 18 ans en moyenne pour avoir donné la mort qui lui et les siens sont a perpétuité incontournable dont avec tout les avantages pour les coupables n’en feront peut être que le tiers, tuer l’autre à un bon prix. Une vrais justice n’est pas la peine de mort, un petit monent difficile à passer et puis après c’est fini, non le bagne sans aucune remise de peine possible avec une vie très dure pour les criminels

  7. bravo pour cette analyse!
    autant des jugements ne dissuadent pas le délinquants de récidiver, autant un jugement laxiste appel a se venger sois même.
    en tous les cas ,c’est ce que je ferais si ça m’arrivait. je me vois bien a la place de ce père en amérique dont vous parlez!

  8. Avec les remises de peine, ils ne feront que la moitié, soit 7 ou 8 ans, et comme ils ont déja fait 3 ans depuis leur crime, dans 5 ans, ils sont dehors ! Quand vous dites moins de 10 ans, c’est une façon de parler …

  9. Comme toujours vous avez le mot juste et la conclusion exemplaire .Merci pour tout ce que vous dites et faites .

  10. Je ne suis pas aussi optimiste que vous quant à leur libération :ils ont déjà fait 3 ans de préventive qui,m’a t on dit,comptent double. 13-6 + remise de peine =dans 5 ans libération. Si c’était arrivé à mon père je ne pourrais ni dormir ni vivre.

  11. Il fut un temps où les Basques défendaient âprement leur terre en cultivant leur force à mains nues, jusqu’à laisser « sur le carreau » des gendarmes en patrouille sur les sentiers de contrebande (témoignage confidentiel de 1963). De même qu’ils n’ont pas accueilli à bras ouverts les « étrangers » ( non locuteurs) français (sauf sur le littoral), voilà qu’ils ne défendent plus personne, sauf à ne pas être des usagers du bus ( hélas, traditionnellement dévolu aux trajets des plus faibles ou des plus désargentés)..Mais, au fait, quels sont les « capitaines d’industrie » qui sont allés recruter au loin ( pas à Terre-Neuve !) des Mohamed ou autres Sélim, et pourquoi-comment le basque bondissant fier guerrier en espadrilles les a t-il tolérés ?

  12. Les victimes et leurs familles doublement punies par une justice qui n’en a que le nom . En effet est il juste que ces familles soient condamnées à vie alors que les criminels sont libérés bien trop tôt et que souvent ils n’en sont pas à leur première arrestation : combien de Ouma circulent librement dans ce pays …..

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