[TRIBUNE] Agriculture : décidément, l’art de se tirer une balle dans le pied !

Le gouvernement conditionne désormais le versement des primes européennes au respect de nouvelles contraintes foncières
© Copyright Gary Rogers
© Copyright Gary Rogers

Doit-on considérer comme « fake news » l’annonce par la Commission européenne qui travaillerait à une révision à la baisse des exigences environnementales imposées aux agriculteurs ? Cette étonnante inversion du courant écologiste en vogue aurait pour motivation le constat que l’effondrement de l’agriculture de la France est étroitement lié à la surtransposition des normes européennes par ses gouvernements successifs et au zèle de ses 3.000 contrôleurs de la biodiversité, soit une trentaine par département, qui ont pour mission de verbaliser les atteintes à la règle sans recours possible, car trop d’indulgence serait, de surcroît, nuisible à leur avancement, à leur carrière. C’est pourquoi l’agriculteur averti ne prend pas le risque d’une sanction qui le priverait des primes européennes représentant la moitié de ses ressources annuelles.

Si la Commission prend cette initiative, c’est qu’elle redoute que la désaffection française pour son atout agricole ne s’étende progressivement à l’Europe entière et ne remette en cause la souveraineté alimentaire de toute l'Union européenne. Paris se félicite de cette annonce au titre des gages à donner à ses paysans pour les faire patienter de l’attente, depuis un an, de l’assouplissement des règles nationales environnementales toujours promis, jamais acté. Et on s’étonne que le syndicalisme agricole n’exige pas de François Bayrou une loi rectificative de la réglementation française pour son retour en conformité avec les 137 directives européennes en cause, moins coercitives. Cet alignement serait un premier pas, sans risque de contestation par nos concurrents européens.

Le gouvernement vient de le faire dans l’autre sens… par l’annonce de conditionner le versement des primes européennes (qui ont été détournées de leur objet initial de compensation pour insuffisance des prix agricoles) au respect de nouvelles contraintes foncières parmi lesquelles une sanctuarisation des zones qualifiées humides en généreuse extension… administrative et l’interdiction du drainage des sols avec, pour seule tolérance, l’entretien de l’existant. Et cela, contre tout bon sens. Car contrairement à ce que croient nos technocrates, le drainage des terres n’est pas un accélérateur d’inondation ; c’est tout l’inverse, car il tire à sa mesure l’eau en excès que reçoit la terre qu’il draine et la libère avec un temps de retard, étalant ainsi son arrivée dans les émissaires en crue.
Certes, l’effet drainage est un peu moins spectaculaire que les retenues d’eau créées, lacs collinaires ou bassines, mais ce n’est pas un raison de l’interdire… aussi !

Picture of François Guillaume
François Guillaume
Ancien ministre de l’Agriculture

Vos commentaires

36 commentaires

  1. Ces « gens » qui mettent en place de telles obligations devraient, avant de prendre leurs postes de technocrates, travailler obligatoirement 3 ans dans une ferme avec un salaire d’agriculteur. Peut-être réaliseraient ils la bêtise de leurs décisions et l’urgence d’aider nos agriculteurs qui les nourrissent!!

  2. Il est tout de même surprenant de constater que quand l’EU que l’on accuse de tous les maux tente d’alléger, notre gouvernement prend exactement le pied inverse. Et si le problème résidait uniquement en nos représentants nationaux. Un grand coup de balai s’impose.

  3. Parmi les directives catastrophiques portées par les technocrates ; le remembrement destructeur des territoires hérités des siècles passés

    • Oui : une catastrophe ! Je me souviens de la perplexité des mes grand’oncles agriculteurs dans le Doubs dans les années 1955-60; ils s’arrachaient les cheveux de désespoir de devoir céder- et surtout saccager- les hectares, bois et lopins détenus depuis plus de 150 ans dans les branches, y compris cousines, de la famille: Bonnes terres arables contre côteaux ? bons paturages contre terres inondables ou , à l’inverse, caillouteuses éloignées de 2 kms du bourg ? Chênais contre taillis d’aulnes et de noisetiers ?

  4. Merci d’éclairer le grand public : sans en connaitre le détail exact tout le monde sait que la surtransposition française des exigences bruxelloises en matière d’agriculture tout particulièrement est fortement nuisible à nos exploitants hexagonaux…Mais la sacro sainte Administration continuera à surlégiférer pour le simple motif de « justifier son existence ».. DRAMATIQUE en vérité

  5. Autrefois les « paysans » n’avaient pas besoin de « primes » pour vivre. Foutez la paix aux paysans et laissez-les labourer, semer, récolter et organiser leur travail comme ils l’entendent. Toutes ces normes sorties des cerveaux stériles des ronds de cuir nous ont menés à la catastrophe et ont enlevé l’envie de travailler aux agriculteurs. Nous sommes à l’ère des…subventions…pour notre plus grand malheur.

    • Vous avez parfaitement raison.
      J’ajouterai ceci :
      – les journaux sont subventionnés par le gouvernement (avec nos impôts) : c’est l’histoire des deux chiens de L a Fontaine; ils sont donc tenus en laisse et ne peuvent qu’écrire avec une plume serve;
      – de même les paysans ( sans guillemets car le vocable est noble et montre ses racines, ancrées dans le terroir ) sont tenus en laisse car la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit et ainsi on en fait des assistés à vie !
      – Donald Reagan écrivit ceci au-sujet de la France :  » Tout ce qui bouge , on le taxe. Ce qui bouge encore, on le réglemente . Ce qui ne bouge plus, on le subventionne « . Profonde vérité qui démontre à quel point le marxisme culturel de nos idéologues de serre chaude a imprégné la mentalité de nos politichiens de gauche, de nos fonctionnaires, de nos ponctionnaires !
      – Tous les paysans et artisans – qui sont les forces vives de notre Patrie (et non de l’ hexagone cher aux cuistres…) – devraient inscrire cette maxime à la tête de leur lit… à côté du crucifix d’autrefois…

      • Je me souviens de l’une des premières obligations : suppression des talus dans les campagnes, résultat : disparition des arbustes et végétaux qui y poussaient et absorbaient beaucoup d’eau, glissements de terrains détrempés, inondations etc… Un cycle infernal. Les paysans avaient des talus et du bon sens.

    • J’ai vécu en Bretagne dans ma jeunesse et y ai constaté les ravages dus au remembrement décrété par des ignares et des cuistres : il fallait agrandir les parcelles pour y faire passer les tracteurs. Résultats catastrophiques dus à des fonctionnaires faisant fi de l’expérience des paysans … à l’instar de ce fit Mao en Chine. Ces haies abritaient une faune qui faisait son affaire des parasites. Mais la sagesse des « peignes-culs » pèse de peu de poids face au technocrates prétentieux qui ne subissent pas les conséquences de leurs erreurs. Dans le secteur privé il en va tout autrement. L’ Etat promeut en effet ses incapables et ses nuisibles à des postes plus élevés afin qu’ils y fassent preuve de leur niveau d’incompétence maximale car ils ne sont jamais sanctionnés….

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L’enterrement du pape était l’occasion de montrer que l’Église est bien vivante
Gabrielle Cluzel sur l'enterrement du pape
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois