[Tribune] Censure : où va l’Union européenne ?

La loi du 5 août 1914 avait interdit la publication de toute information autre que celles transmises par les autorités. La Commission voudrait-elle s’en inspirer ?
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Depuis quelques années, l’Union européenne s’est trouvé un nouveau cheval de bataille idéologique : la lutte contre les fausses nouvelles. Cette rhétorique est usuelle en temps de guerre, mais était jusqu’à présent rare en temps de paix. La loi du 5 août 1914 avait interdit la publication de toute information autre que celles transmises par les autorités. La Commission voudrait-elle s’en inspirer ? On pourrait le craindre, tant elle semble tenter d’imposer une « vérité officielle » dans tous les domaines.

Lors de l’attaque russe contre l’Ukraine, en violation flagrante du droit des gens, l’Union européenne a interdit la diffusion des émissions de Russia today (RT) et de Sputnik au motif que ces médias russes diffusaient « des mensonges pour justifier la guerre de Poutine et pour semer la division dans l’Union ». Union qui n’était pourtant pas officiellement en état de guerre avec la Russie. Avec une hypocrisie assez remarquable, les journalistes étaient autorisés à continuer leur travail mais n’avaient pas le droit de le publier ! Un recours a été intenté par RT devant le tribunal de l’Union européenne qui l’a rejeté le 27 juillet dernier au motif que « la nature et l’étendue de l’interdiction temporaire en cause respectent le contenu essentiel de la liberté d’expression et ne remettent pas en cause cette liberté en tant que telle ». Ce qui est assez singulier. En fait, l’Union européenne a mis en place la censure d’État de guerre sans être en guerre au regard du droit international.

Le 23 avril 2022, l’Union européenne a adopté le règlement sur les marchés numériques (Digital Market Act). Avec la sobriété d’expression qui lui est habituelle, la présidente de la Commission a affirmé qu’il s’agissait d’un jour historique. Or, ce texte ne concerne pas que le marché et la lutte contre l’abus de position dominante, mais aussi les contenus. Le commissaire Breton a menacé Elon Musk, qui a affirmé sa volonté d’être un champion de la liberté d’expression, d’interdire Twitter dans l’Union européenne si elle se révélait incapable de « modérer » les contenus de sa plate-forme. Sur le fond, il existe un problème évident : si l’on donne à ces plates-formes le droit de retirer ce qui leur semble faux, on leur donne le droit exorbitant de dire ce qui est vrai ! Autre difficulté, la Commission affirme hautement que ce qui est interdit en droit dans la société doit l’être aussi sur la Toile. Très bien, mais le droit varie dans l’Union européenne. Par exemple, la loi française restreint fortement la liberté d’expression pour ce qui concerne l’avortement, à travers l'extension du délit d'entrave, ce qui n’est pas le cas en Pologne. Dès lors, comment appliquer ce principe ? En réalité, ce que redoute la Commission, ce ne sont pas les contenus évidemment délictueux, comme la pédopornographie ou les appels au terrorisme, mais la contestation de la doxa libérale-libertaire qui lui est propre.

De la manie de tout réglementer au nom du grand marché unique, la Commission est passée à la manie de tout contrôler. Non sans courir le risque de se faire censurer par la Justice, comme ce vient d’être le cas avec l’invalidation de la directive anti-blanchiment par la Cour de justice européenne, car ce texte violait le droit à la vie privée des dirigeants d’entreprises.

Mais elle va plus loin encore en prétendant censurer les choix politiques des peuples, avec la complicité de la gauche du Parlement européen et de la lâcheté du PPE. Ainsi le blocage de 13,3 milliards d’euros de fonds européens à destination de la Hongrie a pour prétexte un problème réel de corruption, mais pour raison profonde une opposition à la politique de souveraineté nationale du gouvernement Orbán. La meilleure preuve en est que Mme von der Leyen a attendu le résultat des dernières élections législatives hongroises pour lancer cette nouvelle procédure. La Commission n’aurait probablement pas enclenché ce chantage financier en cas de défaite du Fidesz.

Nous assistons à une dérive de l’Union européenne au nom de l’État de droit et de la lutte contre les fausses nouvelles. En affirmant la prédominance absolue du droit sur le pouvoir politique, elle s’attaque aux principes mêmes de la démocratie qui est de pouvoir changer le droit si telle est la volonté du peuple et entend interdire toute vision politique qui ne soit pas celle du libéralisme mondialisé ou du néo-marxisme. Il s’agit d’une forme de totalitarisme à prétention juridique qui se double d’une volonté de contrôle social et de restriction de la liberté d’expression au nom de la lutte contre les fausses nouvelles, c'est-à-dire des informations qui ne vont pas dans le sens de la doxa de l’oligarchie. Dans son livre Mémoires d’un rat (1917), Pierre Chaine notait : « L’opinion prévalait aux tranchées que tout pouvait être vrai à l’exception de ce qu’on laissait imprimer. » Le problème, pour l’Union européenne, est que la vérité finit toujours par dissiper le mensonge. À condition que les peuples ne soient pas amnésiques.

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Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

37 commentaires

  1. J’ai une question : Ces 13.5 milliards ne sont-ils pas des sommes fournies par l’ensemble des pays membres ? Quand on-t-il été consultés ? Démocratie ? Le diable m’emporte…

    • D’une lecture précédente, ici ou ailleurs, j’ai cru comprendre que ce blocage ne pouvait être effectif qu’à la condition qu’une majorité qualifiée des États constituant l’Union Européenne soient d’accord. Il ne s’agit donc pour l’instant que d’une recommandation de la Commission, qui doit être avalisée par cette majorité d’États.
      La Hongrie possède plusieurs moyens de défense et de recours, comme le blocage de dossiers (aide à l’Ukraine, par exemple). A suivre donc, notamment lors du sommet des chefs d’États européens des 15 et 16 décembre. Espérons que ceux-ci n’épouseront pas les vues de la Commission et de la vindicative von der Leyen.

  2. C’est bien vers un gouvernement des juges que veut se diriger cette union européenne cornaquée par une commission dirigée par une Allemande sous le contrôle de l’Allemagne. Tous les autres n’ont qu’à se plier ! Lamentable.

  3. Excellent article.
    J’appuie sur ceci : « censure d’Etat de guerre, sans être en guerre au regard du droit international. »
    En effet, le droit international, ils se sont assis dessus depuis plus de 8 ans en ne respectent pas le traité de Minsk!
    Alors, pensez maintenant!

  4. Droit dans le mur en appauvrissant toutes les semaines un peu plus la population Européenne
    Il serait temps de mettre fin à cette mascarade Leyen Macron et autres irresponsables en leur faisant rendre des comptes.

  5. Pour les infos, amusez vous a zapper entre les chaînes bien pensantes, c’est un continuum.
    Ce sont les caisses de résonance de l’oligarchie. Mon billet que les coupures d’électricité ne priveront pas les Français de la bonne parole.

  6. « Ainsi le blocage de 13,3 milliards d’euros de fonds européens à destination de la Hongrie a pour prétexte un problème réel de corruption … » croit savoir Stéphane Buffetaut. J’ignore s’il y a réellement de la corruption en Hongrie mais, ce qui est certain, c’est que Bruxelles est corrompue jusqu’à l’os et n’a rien à envier au régime de Kiev. Von der Leyen, Macron, Zélinski, une sacrée brochette de mafieux.

    • Tout à fait d’accord et même je me demande si B. V, Bercoff, Philippot et autres ne sont que des petites soupapes pour éviter le plus longtemps possible la révolte.
      Le temps est arrivé pour le courage non seulement intellectuel mais aussi physique.
      Attendre la révolte du frigo vide et dire nous avons ouvert le chemin voilà une belle escroquerie. Vous ne trouvez pas étrange la demande de rendre les armes faite aux gueux alors que les paroles de la Marseillaise au contraire nous appellent à les prendre?

      • Même interrogation : notre opposition serait-elle une opposition contrôlée visant à canaliser la colère et à retarder la prise d’armes chantée dans la Marseillaise. La révolte du frigo vide ouvre la porte au chaos et à la mise en place de dictature forte. Merci à vous de ce commentaire très intelligent de notre situation politique.

      • Oui, et tous ces bénis oui-oui de se précipiter pour rendre leurs vieux flingots, croyant naïvement faire oeuvre de civisme! Pendant que dans les banlieues, un arsenal dort tranquillement dans l’attente d’un ordre à venir qui ne saurait tarder.

  7. J’ai lu cette nuit les revues de mon père publiées entre 1940 et juillet 1945. Les fausses nouvelles sont emballées dans le papier de soie de la vérité. Nous revivons la même chose

  8. Très bon article qui toutefois ne sera jamais compris et encore moins lu par les masses. Bruxelles peut confectionner tranquillement sa mayonnaise du mensonge, le peuple ahuri devant les matchs de foot ne se sent aucunement concerné. Cette nuit comme cela m’arrive assez souvent j’ai fait un rêve prémonitoire : j’assistais a une grande messe télévisée dont l’invité principal était notre président à vie. Les seuls invités étaient : la franc-maçonnerie, les ONG pro immigration de masse, l’islam, les grands prêtres woke , l’Afrique. Le thème de l’émission : comment faire taire l’homme blanc chrétien et nationaliste.

  9. L’UE est devenue une dictature qui agit sournoisement, comment ne pas voir la main de Macron derrière l’enquête sur vivendi qui avec C News attaque régulièrement la politique de Macron.

    • L’Union Européenne est totalement inutile et ses dirigeants bons à être mis au placard (sans droit à la retraite).

  10. Il est grand temps de libérer l’UE de la main de fer de la Germany.
    Von Der Leyen, et consorts sont pires qu’un seul Poutine !

  11. L’espace médiatique est déja verrouillé à 80 % par les medias mainstream détenus par un club de milliardaires sympathisants de LREM et, comme si cela n’etait pas suffisant, subventionnés dans des proportions honteuses par l’Etat. Il s’agit désormais de faire taire les 20% de voix discordantes. Et pourtant, il existait dans les années 70/80 une loi Hersant qui gérait ce genre de situation, mais dans ce pays, les lois sont faites pour n’être respectées que par certaines personnes … Cette loi devrait être adaptée pour gérer le cas d’une entente de personnes, et non plus une seule personne, dans la mesure où cette entente est manifeste.

  12. Nous pouvons également ajouter la dissimulation autour des marchés accordés à Pfizer et du COVID en général dont la députée Joron a fait un cheval de bataille. La Commission Européenne est en roue libre.

  13. Il y a longtemps que ces fous ne savent plus la signification du mot « démocratie ». Le bonheur c’est que certains journaux ne sont pas à vendre (merci BV ) donc la vérité éclate , peut être pas assez vite mais tôt ou tard ils sont démasqués pris en flagrant délit de mensonges .

  14. On assiste effectivement à une (auto) censure des medias qui ne laissent passer que la parole officielle. Des personnes très intelligentes et courageuses mènent ce combat fondamental. Après enquête de plusieurs mois, a été révélé le scandale autour de « Fact & Furious » qui démonte la mécanique de cette clique pour éliminer socialement ses adversaires. Fact & Furious a disparu instantanément. Qu’attend Bvoltaire pour s’en faire l’écho ? On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « censure, censure » , seule une union concrète dans la bataille préservera la liberté. Chacun dans son coin nous mène à la défaite.

    • Censure pour certains oui mais la majorité de nos journaux vivent de subventions versées par l’état ,donc nos impôts , et n’impriment que ce qu’on leur ordonne . Ca a un nom mais je vais m’abstenir pour rester polie .

    • L’union vous la voyez pour quand ? Moi je ne la voie pas venir de sitôt. Mais j’espère me tromper, et je crois que je serai parti si jamais cela devait arriver vu mon âge !

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