[TRIBUNE] Comment la Justice joue sur les mots pour camoufler son laxisme

@tingeyinjurylawfirm/unsplash
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Auteur du meurtre de la petite Maëlys en 2017, Nordahl Lelandais est un des tueurs en série les plus marquants de la dernière décennie. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, cet homme qui a tué au moins deux fois, a incendié volontairement un bar-tabac, aurait trafiqué de la drogue et est poursuivi pour trois agressions sexuelles sur mineures n’a jamais été considéré comme un « récidiviste » par la Justice.

Pourtant, l’état de « récidiviste » peut entraîner beaucoup de conséquences : application des peines planchers (avant leur suppression), possibilité de prononcer une rétention de sûreté ou encore une vigilance accrue des services judiciaires en général…

Mais comment un profil aussi lourd que celui de Nordahl Lelandais peut-il ne pas être considéré comme récidiviste par la Justice ? C’est mettre là le doigt sur un vrai scandale démocratique : la Justice utilise des mots qui n’ont plus rien à voir avec la réalité pour cacher son laxisme.

Un lexique pénal trompeur pour le grand public

Pour un citoyen ordinaire, un « délinquant multirécidiviste » est un délinquant qui a été condamné de nombreuses fois, peu importe la nature des délits et leur espacement dans le temps. Une personne qui commettrait un vol, une agression, une escroquerie et un viol tous les dix ans est considérée comme un récidiviste…

Mais pour la Justice, ce n’est pas le cas. Pour elle, un délinquant « multirécidiviste » n’est considérée « récidiviste » que s’il commet deux infractions identiques dans un délai donné.

Mais le scandale ne s’arrête pas là.

Ainsi, la peine de prison « à perpétuité » n’est à peu près jamais perpétuelle et n’a pour contrainte que de durer 18 ans au minimum. La création d’une peine de perpétuité dite « incompressible » est d’ailleurs un aveu de cette tromperie. Cette peine de prison incompressible, excessivement peu prononcée, n’est d’ailleurs pas vraiment incompressible, puisqu’il existe une possibilité de réexamen après 30 ans…

Le ministère de la Justice comptabilise également comme « écrouées » des personnes qui ne sont pas détenues en prison, ou bien comme des peines de prison « exécutées » des peines effectuées chez soi sous bracelet électronique… Sans parler de l’obligation de quitter la territoire français, qui n’est en réalité qu’une invitation à le faire…

En réalité, une simple comparaison entre un dictionnaire de langue française et le lexique pénal démontre à quel point la Justice n’ose pas montrer la réalité de sa situation, ce qui confine presque au mensonge institutionnel.

La démocratie ne se brade pas

Ils le crient à pleins poumons, sondage après sondage : les Français demandent la fin du laxisme et le retour de la fermeté. Cela, les politiques l’ont bien compris.

Mais dans ces conditions, comment continuer à appliquer l’idéologie anti-prison et anti-sanction (qui tient tant à cœur de beaucoup de professionnels de la Justice) sans que cela ne se voie trop ?

Il suffit de simuler la fermeté… d’une part par l’emploi de mots détournés de leur sens, voire franchement dénaturés, et d’autre part par le prononcé de peines sévères dans les tribunaux, avant de détricoter ces peines dans le cabinet du juge d’application des peines. Voilà la stratégie immorale que poursuivent les pouvoirs exécutifs et législatifs depuis une vingtaine d’années et qui touche (enfin) ses limites.

Rendue au nom du peuple français, et malgré d’ailleurs le fossé qui se creuse entre elle et ce peuple, la Justice mérite-elle encore son nom, quand elle se livre à une telle farce démocratique ? Vous avez le droit d’en douter.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 02/11/2024 à 13:15.
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Pierre-Marie Sève
Directeur de l'Institut pour la Justice

Vos commentaires

32 commentaires

  1. Rien de plus humoristique, aujourd’hui, que la fameuse phrase : « J’ai confiance dans la justice de mon pays », en somme !

  2. On doit supprimé le terme « rendu au nom du peuple » car les juges rouge rende la justice à leur nom personnelle pas au nom du peuple.

  3. Pierre-Marie, vous décrivez là, vous décortiquez ce que beaucoup de français perçoivent intuitivement sans être en possibilité de mettre des mots sur ces faits. Merci . Une triste réalité qui alimente mon moulin, la justice exploite toutes les ficelles pour se protéger, pour se justifier alors que l’application stricte des lois ne prêterait pas à mésententes.

    • Un juge, c’est quoi ? Un homme ou une femme qui s’arroge le droit de décider de la vie ou de la mort (cérébrale et intellectuelle) d’un individu en fonction non pas de ce qu’on a pu lui apprendre ou lui interdire mais en fonction de son propre cursus et des valeurs ou turpitudes qui sont les siennes. La société à laquelle il appartient ou le peuple dont il devrait être l’interprète ne lui importe que peu puisqu’il n’a par principe aucune responsabilité individuelle, ni compte-rendu à rendre à quiconque. C’est proprement inadmissible et doit être promptement modifié pour une Justice honnête et responsable, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

  4. Comme nous avons pris connaissance des faits contre des croyants catholiques au travers de l’agression d’un prêtre et que nous parlons actuellement des condamnations prononcées à l’encontre d’un criminel meurtrier, j’adresse ici un message à ceux qui sont contre la peine de mort pour ce type d’actes en donnant l’avis d’un condamné à mort jugé et condamné à la peine capitale pour meurtre.Il s’agit d’un des brigands crucifié à côté de Jésus-Christ. Il dit, je cite  » Pour nous c’est justice,car nous recevons ce qu’ont mérité nos crimes, ( en s’adressant ainsi à son acolyte condamné pour les mêmes raisons ( sédition et meurtre ). Alors pour clôturer le sujet,on peut dire que la messe est dite.

  5. Récidiviste, c’est quoi cette plaisanterie, il tue à 14 ans, 18 ans maxi de prison, il en ressort à 34 ans, il récidive 1 an après, il a 35 plus 18 ans de prison , il en ressort à 53 ans, il refait le même acte un an plus tard 54+18= 72ans. Ça coûtait 54 ans de prison au contribuables. La peine de mort au premier acte nous délivrait d’une place de prison et d’entretenir un sauvage pendant 54 ans à nos frais.

    • Dans votre calcul, vous oubliez simplement les réductions automatiques de peine qui font qu’un condamné n’effectue qu’un tiers ou une moitié de sa peine ! Votre récidiviste aurait ainsi tout le temps de récidiver encore plusieurs fois ! Cela me fait toujours rigoler quand j’entend un journaliste conclure un reportage sur un criminel par « Il risque X années de prison et Y euros d’amende » alors que l’on sait très bien qu’il ne risque presque rien !

  6. A Vimal : L’Intelligence artificielle, mazette ! Comme vous y allez ! Et si, simplement, les juges laxistes et politisés étaient sanctionnés pour faute grave quand à leur « interprétation biaisée » des textes de loi actuels. Et si, rêvons un peu, des juges, des vrais appliquaient sans « bidouiller » les textes existants, combien de vies pourraient être épargnées. Ce serait pourtant simple, non ?

    • Les textes de lois sont contradictoires.
      Rien de logique, aucune structure cohérente dans le système judiciaire.
      Un conseil d’état pas indépendant politiquement.

    • Punir l’idéologie, la traîtrise, voire la complicité d’atteinte à la vie d’autrui ? Impossible, cela n’existe qu’en démocratie, pas en France, ce pays devenu subjectivement totalitariste, où la jalousie, la bêtise et son corollaire, la haine et l’antisémitisme, sont depuis toujours le fond de commerce de cette gauche extrême qui a gangrené la plupart de nos institutions, lui permettant ainsi d’appliquer sa mortifère idéologie avec, il est vrai, la complicité d’une bonne partie de la droite depuis quarante ans. Je crains fort que tout ce funeste cirque ne finisse en guerre civile.

  7. Déjà diversifier le recrutement..
    Des juges en ne rendant pas l’ENM seule possibilité d’intégrer le corps des magistrats

  8. Il est temps de faire le ménage dans cette justice poussiéreuse qui encore au 19ème. Qui ne connaît que le fax et pas les courriels .
    Une justice faite par les littéraires sans aucune logique , ni idée directrice .
    Il est temps de remplacer les juges par l’IA , aidé par des logisticiens et des scientifiques.
    Ayant une pensée construite et non pas par tout et son contraire.
    Selon que vous soyez jugé par le tribunal de Béthune ou Aix .
    Pour la même affaire , votre peine ne sera pas la même.

    • Superbe suggestion. L’IA c’est une justice plus juste, la réduction des coûts, lé réduction du nombre d’avocats, etc.

    • je ne crois pas que ce soit l’IA qui va « solutionner » le laxisme de la « Justice française » ! …
      Depuis badinter, ce n’est que destruction des victimes ! … D’abord par le criminel puis très vite par le « système » qui privilégie de plus en plus le « pauvre criminel » au détriment de la victime ! …
      Et que dire des avocats qui cherchent à « agresser » une énième fois la victime même si les preuves sont sans aucune discussion possible …
      Heureux celui qui « traverse » sa vie sans avoir à faire à cette « justice » française en tant que victime …

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