[TRIBUNE] Derrière la stratégie douanière de Trump

L’UE peut-elle nous assurer qu’elle marche comme Trump, avec un plan intérieur, extérieur, industriel et budgétaire ?
Capture d'écran The White House
Capture d'écran The White House

Les Horaces sont un cercle de hauts fonctionnaires, hommes politiques, universitaires, entrepreneurs et intellectuels apportant leurs compétences à Marine Le Pen, fondé et présidé par André Rougé, député français au Parlement européen. Parmi les Horaces, Pierre Pimpie, énarque, haut fonctionnaire et député français au Parlement européen.

Donald Trump a, récemment, décidé d’imposer des droits de douane sur l’importation de produits aux États-Unis, quelle que soit leur origine géographique. Des tombereaux de critiques pleuvent sur l’ignorance, l’irrationalité, la folie, enfin, supposées du président américain.
Ces mesures décriées de guerre économique seraient interdites par une marche globale de l’Histoire que l’on ne connaît que trop bien : la mondialisation heureuse et la supériorité incontestable du libre-échange.

Rappelons, pourtant, que dans toute transaction, le gain d’une partie est nécessairement le lèse de l’autre. Et quelle perte, pour les États-Unis : s’ils sont toujours la première économie mondiale, en termes de PIB au taux de change, la mesure traditionnellement préférée des économistes, celle du PIB en parité de pouvoir d’achat (PPA) donne depuis 2016 la primauté à l’économie chinoise ! En PPA, donc, les États-Unis pesaient 21 % de l’économie mondiale en 1999, quand la Chine en pesait 6. Mais en 2024, les premiers n’en pèsent plus que 15, quand la Chine a plus que triplé sa part. C’est cette chute catastrophique que le président américain veut amortir. L’explication est à chercher dans la désindustrialisation américaine : 79 % de son PIB est généré par les services, contre 78 en France, 69 en Allemagne et 56 en Chine. Cette économie de services entraîne une dépendance à l’importation et un déficit commercial annuel de 1.000 milliards de dollars. Selon Stephen Miran, conseiller économique influent de Trump, la trop forte valorisation du dollar est coupable de cette désindustrialisation et la monnaie mondiale de réserve échappe de fait au contrôle de Washington, de par sa trop large diffusion.

Remédier au déclassement

Comment, alors, remédier à la dépendance industrielle et à la trop forte valeur du dollar, qui sont les causes d’un certain déclassement américain : celui, d’abord, de l’ouvrier du Midwest, qui a élu Trump en 2016 et en 2024 ? Le clientélisme électoral, au sens noble et romain, veut que Trump les protège, et c’est ce que sa décision tarifaire ambitionne.

Aucune grande entreprise mondiale ne veut payer des droits de douane si élevés. Naturellement, ArcelorMittal, Hyundai (pour ne citer qu’elles) ont déjà annoncé des programmes d’investissements. En tout, près de 1.000 milliards de dollars doteront le pays de nouvelles usines et participeront à la création d’emplois, à l’augmentation des salaires et de la demande. Aucune entreprise d’envergure ne peut se permettre d’ignorer le marché américain !

Un « vassalomètre »

Les annonces de Trump ont également permis de mesurer le degré d’inféodation des autres pays. Il s’est targué, le 9 avril, que plus de 75 pays avaient commencé des négociations pour éviter ces tarifs douaniers, accordant ainsi une pause de trois mois dans l’application de sa mesure, ne conservant qu’un taux universel de 10 %, contre 20 précédemment annoncé. Ce n’est pas la « décision impulsive » qu’on lui prêtait, mais un véritable « vassalomètre ». Un seul rétif : la Chine, et pour elle, plus que double peine, Trump impose 125 % de droits de douane !

Une stratégie de défense active

En conservant ces mesures pour tous les autres, même édulcorées, l’administration américaine espère surtout lever 600 milliards de recettes fiscales chaque année. Les applications sont nombreuses : réduire le déficit fédéral annuel (plus de 2.000 milliards de dollars) ou alors diminuer la pression fiscale sur les ménages. De son côté, la Commission européenne, dans sa pratique constante de négoce à la baisse des droits de douane, a diminué ses revenus, forçant les États membres à mettre la main à votre poche !
Enfin, cette remise en forme économique des citoyens, des entreprises et du budget américains ne peut, objectivement, qu’annoncer une vision de long terme. La même folie qui le pousse à désirer Canada, Groenland et Panama tout de go serait une défense active ? Trump se prémunirait alors des tensions géopolitiques mondiales en rapatriant les industries, en négociant des ressources étrangères, en garantissant son budget, en protégeant ses citoyens.

L’Europe-puissance, de son côté, peut-elle nous assurer qu’elle marche comme Trump, avec un plan intérieur, extérieur, industriel et budgétaire ? L’UE qui ne pense qu’à faire tomber les droits de douane, prétendument archaïques et honteux, et qui ne s’intéresse à la réindustrialisation que depuis la guerre en Ukraine, a-t-elle vraiment une politique, si ce n’est l’attentisme et la réaction aux défis mondiaux exogènes ? La France pourra-t-elle subsister à l’amateurisme bruxellois alors que l’Hégémon se fortifie ?

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Les Horaces
Les Horaces sont un cercle de hauts fonctionnaires, hommes politiques, universitaires, entrepreneurs et intellectuels apportant leur expertise à Marine Le Pen, fondé et présidé par André Rougé, député français au Parlement européen.

Vos commentaires

6 commentaires

  1. Il y a quelques mois, restaient 2 états stratèges, avec une vision de long terme et s’étant donné les moyens: la Chine et la Russie. L’Argentine les a rejoints et les USA sont en train de faire de même. L’Inde, plus discrète, est sur le même chemin bien que bénéficiant d’une politique intérieure plus aléatoire (durée de vie du gouvernement). Nous, français, toujours plus malins, avons imaginé que le quinquennat serait bon. Avec des « si » on mettrait Paris en bouteille, mais peut-être que Manu à la fin d’un septennat n’aurait pas été reconduit. J’ai bénéficié de cours dans le domaine médico-social durant lesquels on nous avait démontré que le bon rythme pour un directeur c’est 7 ans. Pourquoi serait-ce différent pour un président de la République? D’ailleurs, Donald, d’une certaine manière attaque son deuxième mandat…

  2. Je crois que vous oubliez une chose sur la manière brutale de négociation de Trump !: Tu es fort, tu n’as rien, mais tu veux la main: Tu demandes le bras, et tu vas avoir la main ou l’avant bras!…..c’est toujours plus que le « rien » que tu avais avant!

  3. « Horace … Oh désespoir ! … Alors sûrement pas : « Oh ! des espoirs ! …
    Le RN s’est rapproché » de nocifs comme laurent Alexandre alors « pour » ce qui est des « espoirs », vaut mieux « prier le bon dieu ! …

  4. L’UE, lorsqu’enfin elle s’écroulera, nous aura coûté cher à bien des égards.
    Quelle folie ce « machin ».
    Passer les frontières sans formalités, la belle affaire !
    Pas de monnaie à changer, grâce à l’euro. Une fois encore, la belle affaire !

    • Rappelez-vous à l’époque (Yves thibault de silguy, pas un horace ! ), béatifiait l’euro en déclarant aux neuneux : « quand vous irez à l’étranger (italie, espagne,…) pour vos VACANCES, vous n’aurez plus à changer ni compter !
      L’U.E, un « camp de vacances »

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