[Tribune] Face aux agriculteurs, Darmanin retient les CRS

agriculteurs

Comment ne pas se réjouir de ce que le gouvernement, par la voix de Gérald Darmanin, refuse d’avoir recours à la force publique pour contrer les manifestations actuellement organisées par les agriculteurs ? C’est en effet prioritairement par le dialogue que les problèmes sociaux doivent être traités, et non par l’intervention systématique des CRS et des gendarmes mobiles.

Pourtant, à côté de ce qui semble être une posture humaine et généreuse, comment ne pas déceler un fond de démagogie. En effet, un certain nombre d’observateurs politiques n’ont pas manqué de faire remarquer au ministre de l’Intérieur que pour exactement les mêmes revendications, d’autres acteurs sociaux s’étaient vu répondre à coups de LBD et de grenades lacrymogènes. Rappelons-nous les gilets jaunes, dont certains furent mutilés, uniquement pour avoir voulu manifester leur désespoir face à une société plus que jamais inégalitaire. Souvenons-nous, aussi, des manifestations contre la retraite à 64 ans au cours desquelles de nombreux manifestants furent blessés. Et ne parlons pas des personnels soignants qui, après avoir été acclamés pendant un temps, eurent droit, quelques semaines plus tard, aux nasses policières et aux gardes à vue. Leur tort ? Avoir demandé plus de moyens pour l’hôpital public. Alors oui, ce revirement de position du locataire de la place Beauvau pose question.

Des agriculteurs largement soutenus par les Français

Soyons clairs : les revendications de nos agriculteurs sont parfaitement légitimes. Pour beaucoup d’entre eux, ils sont, de leur propre aveu, « au bout du rouleau ». Confrontés à des exigences réglementaires, techniques et environnementales insupportables de la part de l’Union européenne, ils ne parviennent plus à vivre de leur travail, alors qu’une concurrence parfaitement déloyale venant de l’étranger s’est installée, les réduisant peu à peu à la misère. Et qu’ont fait nos dirigeants pour éviter ça ? Rien. Bien plus : tenants d’un discours mensonger en France, ils votent ou font voter le contraire à Bruxelles. Il était donc inévitable que la colère de nos paysans explose. Nous voilà au pied du mur.

Darmanin sait très bien qu’une immense majorité de Français soutient nos agriculteurs. À la fois parce qu’ils sont porteurs d’un vrai malaise sociétal, mais aussi parce qu’ils sont le symbole de cette France des déclassés, des méprisés, de ceux que le pouvoir n’écoute plus. Il sait qu’une simple étincelle peut, en un instant, mettre le pays à feu et à sang. D’où sa décision de ne pas envoyer au contact des agriculteurs les policiers et les gendarmes, ce qui ne manquerait pas, outre le risque d’un accident grave, de tourner à la provocation et à l’affrontement.

Le ministre de l’Intérieur sait aussi que les agriculteurs ne sont pas des manifestants comme les autres. Outre les puissants moyens matériels dont ils disposent, le rapport de force et le contact avec les forces de l’ordre ne les effraient pas. Enfin, raison purement politique, mais déterminante dans la stratégie gouvernementale, nous sommes en période électorale. Dans quelques mois se tiendront les élections européennes et, plus que jamais, cette consultation viendra, ou pas, sanctionner la politique d’un gouvernement dont les Français sont de plus en plus mécontents. Il n’est donc pas question d’entacher davantage son image.

Le pouvoir marche sur des œufs

Les propos de Gérald Darmanin sur une supposée « compassion et une grande écoute à avoir » à l’égard des agriculteurs ne doivent donc tromper personne. Nous sommes bien dans une vaste stratégie politico-électorale mâtinée d’une grande méfiance à l’égard de manifestants qui, par l’ampleur de leur colère et de leur mouvement, pourraient éventuellement faire tomber le pouvoir en place.

Enfin, si l’un des points positifs de la situation que nous vivons pouvait être de cesser d’instrumentaliser les forces de l’ordre lors des conflits sociaux, un grand pas en avant pour la démocratie et nos libertés serait fait. Loin d’être terminée, cette nouvelle crise sociale pourrait bien être l’occasion de rappeler au Président et à son gouvernement que l’usage de la force, même légitime, a toujours ses limites.

Olivier Damien
Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

Vos commentaires

28 commentaires

  1. J’attends de voir ce que tout cela va « donner ». Je trouve que la FNSEA a repris bien vite la tête du mouvement. Je pense que les « têtes », de chaque côtés, vont nous faire un grand cinéma afin que tout le monde reparte heureux et content. Les petits agriculteurs et les petits fonctionnaires de police, qui eux, sont sincères, vont, une fois de plus se faire rouler dans la farine. A ce niveau-là c’est un combat engagé contre l’UE. Qui peut encore croire que les européistes et mondialistes de tous poils vont plier aussi facilement ? J’aimerai bien me tromper…

  2. J’ai entendu l’intervention et les « commentaires » de ce « chef étoilé » qu’est Thierry marx au sujet des mouvements de contestation de la paysannerie … Le mec explique qu’il « comprend » cette colère et qu’il la soutient ! … Ah bon ? …

    En même temps qu’il achète un kilo de carottes « bio » à ( ? ) , combien revend t-il sa cuillère à café de « compotée » de carottes dans ses restaurants … et en même temps, il veut avoir des « salariés » migrants car c’est aussi une bonne « culbute » pour son propre profit ! …

    Il a donné une très très bonne motivation par rapport au blocage de Paris: selon lui en à peine 72 heures les approvisionnements deviendraient très compliqués ! …

  3. En effet, je pense aussi que cet effet de com camoufle une sympathie des FDO pour les manifestants.
    Au début des gilets jaunes, avant que l’extrême gauche ne foute en l’air (volontairement?) le mouvement, nous avons tous vu les gestes de sympathie des CRS et gendarmes pour les manifestants.
    C’est parfaitement logique vu que ces mêmes FDO sont méprisées par l’état.

  4. Il suffit d’un peu d’habileté. Les Français sont très majoritairement aux côtés des agriculteurs ( à part peut être quelques « écolos-bobos » wokes des grandes villes ). Envoyer les CRS serait désastreux et risquerait un effet boule de neige des contestations ( phobie des gouvernants ). Si comme pour les GG, il s’agit_ au final_ de discréditer, le nécessaire sera monté et ce qui s’ensuit… CQFD

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