[TRIBUNE] Faut-il à la France un département de l’Efficacité gouvernementale ?

Face à l’urgence économique, sociale et géopolitique, seule une rupture assumée évitera le naufrage.
Capture écran Radio-Canada
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Lancé en 2025 sous l’administration Trump, le département de l’Efficacité gouvernementale (DOGE) américain, dirigé par Elon Musk, fascine autant qu’il dérange. Ce projet, qui tranche dans le gras bureaucratique avec une logique managériale implacable, pose une question cruciale pour notre pays : et si la France, à son tour, devait adopter une telle thérapie de choc ? La tribune d'Angéline Furet, eurodéputée Rassemblement national, analyse ce qui pourrait ou devrait inspirer un gouvernement français soucieux de bonne gestion.

Notre État, englué dans des dépenses publiques record et une dette abyssale, ressemble à un navire en perdition. Les réformes timides échouent, les lourdeurs administratives étouffent l’innovation et la défiance des citoyens grandit. Face à ce constat, une refonte radicale s’impose. Le modèle du DOGE, malgré ses controverses, offre une vision audacieuse : un État agile, recentré sur ses missions essentielles, libéré des pesanteurs bureaucratiques.

Un État pachydermique et des réformes tièdes

Avec 57 % du PIB engloutis par les dépenses publiques et une dette frôlant les 3.000 milliards d’euros, notre pays vit à crédit sur le dos des générations futures. Les administrations, noyées sous des procédures kafkaïennes, échouent à répondre aux besoins élémentaires : six mois pour un permis de construire, des attentes interminables pour une carte d’identité, des projets d’infrastructure étouffés par des rapports d’études. Ces dysfonctionnements ne sont pas une fatalité : ils résultent d’un système qui a perdu de vue sa raison d’être, privilégiant le formalisme à l’efficacité.

Depuis des décennies, les tentatives de modernisation se heurtent à un mur d’immobilisme. Les lois sont diluées dans des compromis, les effectifs de la fonction publique territoriale ont gonflé de 20 % depuis 2000 et les niches réglementaires prolifèrent. L’énarchie, gardienne d’un système sclérosé, préfère le confort du statu quo à l’audace des ruptures nécessaires. Résultat : une croissance atone (0,9 % en 2023), un chômage structurel et une désindustrialisation qui sapent notre souveraineté. Face à ce naufrage annoncé, le modèle du DOGE américain offre une piste provocante : remplacer les ajustements cosmétiques par une refonte totale des priorités de l’État. Les demi-mesures ont échoué ; seule une approche systémique, inspirée de méthodes managériales agressives, peut inverser la tendance.

Un DOGE français ?

Elon Musk a démontré qu’une approche autoritaire pouvait obtenir des résultats tangibles : suppression de 420 millions de dollars de contrats inutiles en 80 heures, remplacement des processus archaïques par des outils d’IA et licenciements massifs dans les agences fédérales. Ces actions, bien que critiquées pour leur brutalité, ont révélé un potentiel : une bureaucratie allégée peut redevenir un outil au service des citoyens.

Un département de l’Efficacité gouvernementale à la française reposerait sur :

- Une purge législative qui consisterait à abroger systématiquement les lois redondantes (40 % du Code du travail, selon le Conseil d’État).

- Un démantèlement des rentes en supprimant les agences redondantes (Hauts Conseils, Observatoires) et les subventions idéologiques (1,2 milliard d’euros/an alloués à des associations militantes).

- Une révolution numérique avec la généralisation de l’IA administrative, sur le modèle estonien (99 % des services publics dématérialisés).

Contrairement à nos dirigeants, soumis aux lobbys et aux échéances électorales, un DOGE exigerait un chef missionné pour cinq ans, doté de pouvoirs étendus : veto sur les embauches publiques, accès direct aux données financières de toutes les administrations et pouvoir de sanction en cas de non-coopération. Un tel mandat permettrait d’agir sans être paralysé par les cycles politiques courts.

Les trois obstacles à franchir sont les suivants :

1. La forteresse bureaucratique. Bercy, le Conseil d’État et les grands corps formeront un front du refus. En 2023, 72 % des hauts fonctionnaires jugeaient « irréalistes » les projets de réduction des dépenses publiques. Ces institutions, habituées à l’opacité, rejetteront toute transparence imposée par un DOGE.

2. Le poids des corporatismes. Avec 5,7 millions de fonctionnaires (22 % de l’emploi total), toute réforme déclenchera des grèves massives. La réforme des retraites de 2023 a paralysé le pays pendant 14 jours. Les syndicats, défenseurs acharnés des privilèges acquis, mobiliseront contre une refonte perçue comme une menace.

3. Le carcan européen. Les traités de l’UE, comme le pacte de stabilité, limiteront notre marge de manœuvre. Bruxelles, prompte à sanctionner les États trop audacieux (voir l’Italie en 2018), ne nous épargnerait pas. Une réforme d’ampleur nécessiterait une renégociation des règles européennes, un pari risqué dans le contexte actuel.

L’efficacité ou le déclin

La question n’est pas de copier servilement le modèle Musk, mais de s’inspirer de son esprit : agir vite, cibler l’essentiel, mépriser les tabous. Un DOGE à la française ne serait ni une dictature technocratique ni une cure d’austérité aveugle, mais un outil pour reconquérir notre souveraineté.

Il ne s’agit pas de détruire l’État-providence, mais de le sauver de lui-même. Comme l’écrivait Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». En supprimant le superflu, en modernisant l’administration, en restaurant la primauté de l’intérêt général sur les égoïsmes catégoriels, nous pourrons redresser la barre.

Le temps n’est plus aux demi-mesures. Face à l’urgence économique, sociale et géopolitique, seule une rupture assumée évitera le naufrage. À nos dirigeants d’avoir le courage d’agir – ou de laisser place à ceux qui l’auront.

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Angéline Furet
Eurodéputée Rassemblement National

Vos commentaires

61 commentaires

  1. Vous souhaitez un miracle, vraiment. La France est bien trop engluée dans ses certitudes. Au point de se déguiser en donneuse de leçons. Elle fait tout mal, sauf exceptions mais se répand en conseils. Entendez-vous ces cris d’orfraie français face aux actions décisives de Musk ? Nos médias dénoncent, dénoncent, dénoncent tout ce qui est désagréable à entendre, licenciements et autres, en négligeant totalement les retombées positives. Ce qui doit très certainement motiver tout aventurier qui se risquerait à suivre la méthode Musk. En France, on repousse le tas de misères en se pinçant le nez, le regard ailleurs. Ils se disent, cinq ans à tenir.

  2. Il faut aller beaucoup plus loin que ce qui est écrit ici.
    1,2 milliards versés à des associations idéologisées et anti-France. Certes mais quid des 15 milliards d’aide au développement ? Quid de la fraude sociale ? Quid des aides sociales versées indûment ?
    Et, comme dit, un des freins et gros prétexte de l’inaction qu’est l’Europe, n’est-ce pas le moment de remettre en cause l’adhésion à l’UE est ses 16 milliards qu’elle nous coûte ?
    En fait, le DOGE à la française n’existera jamais puisque personne n’a le courage de s’y attaquer et qu’il n’y a personne d’assez bon niveau pour proposer un plan d’actions sachant que vous voudriez faire appel à des managers et que nous avons, globalement, les plus mauvais managers du monde.

  3. En FRANCE , c’est pire qu’aux Etats Unis ….. Il nous faut un « MUSK » pour faire un grand ménage après le « recasage » des copains à macronescu …

  4. En France on a la solution : Le Haut Commissariat Au Plan . Mais au vu des derniers Haut Commissaires , ça serait plutôt le Haut Commissariat Au Rantanplan .

  5. Madame, votre préconisation est claire. Il me semble qu’il y a un obstacle, que vous avez cité, et dont vous sous estimez peut-être la capacité de nuisance: « en restaurant la primauté de l’intérêt général sur les égoïsmes catégoriels ». Notre pays, depuis la libération, n’a, me semble t-il, fonctionné qu’en favorisant les égoïsmes catégoriels. J’en suis, quelque part le premier des bénéficiaire, puisque je suis le seul à détecter les maux dont nous souffrons (ironie).

  6. Mais comment se débarrasser des fonctionnaires inutiles avec le statut de la fonction publique ? Quand on veux retarder d’un an l’âge de départ à la retraite, on a déjà la révolution !

  7. Absolument, et pas uniquement parmi les agents de la fonction publique, mais pour toute personne qui facture des prestations de service à l’état. Quand je vois qu’un City-stade avec deux paniers de basket, deux buts, des tapis de sol et un peu de grillage coûte 100 000 euros à faire c’est qu’il y a des gens qui en profitent.

  8. surtout pas car encore des faignant a payer il y en na assez dans les gouvernement sénat et députés

  9. L’idée est bonne.
    Il faudrait un homme hors du sérail, mais le sérail n’en voudra pas.
    Il faudrait un traitre à sa cause. Il faut choisir un LR. Parti de la traîtrise.
    Retailleau ?

  10. Oui, vite vite ! On supprime toutes les commissions bidons mises en place pour recaser les copains, et pour emmerder les Français, et on met en place un département de l’efficacité gouvernementale : les membres de ce département devront, évidemment, obligatoirement être élus par les contribuables. On fera ainsi d’une pierre deux coups : on réduira drastiquement les dépenses inutiles en France et, enfin, l’action gouvernementale sera gérée efficacement, en « bon père de famille », par les payeurs.

  11. Hormis l’IA, qui plus est française (je fais une omelette aux œufs de vaches une fois par semaine! ;-) ), qui ne me semble pas être géniale car ce n’est pas une intelligence mais un outil informatique dont la mémoire est nourrie par des humains qui peuvent être idéologues, j’approuve nombre de ces possibilités de restaurer un peu l’administration de notre pays.

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