[TRIBUNE] Immigration en Méditerranée : si nous voulons vraiment que ça change
Bien que les tensions Est-Ouest réapparaissent avec la guerre en Ukraine, ce sont incontestablement les rapports Nord-Sud qui impactent, pour le long terme, l’avenir de la France, celui de l’Europe et du monde occidental. Dans ce contexte, la Méditerranée, berceau de nos civilisations et point de convergence de trois grandes religions du Livre (christianisme, islam et judaïsme), est devenue la charnière de toutes les tensions qui menacent nos sociétés. Elle est également le point de convergence des continents qu’elle relie. Nous ne pourrons dire fermement non à l’immigration incontrôlée qui nous submerge et que nous subissons qu’en proposant une grande démarche de coopération avec les pays riverains de la Méditerranée.
Élu en charge de l’économie, nouvelles technologies, recherche au conseil régional PACA de 1986 à 1998, j’ai été confronté aux problématiques méditerranéennes. D’une part en raison du grand nombre d’entreprises régionales dont les activités se développaient sur la rive sud, d’autre part du fait de la prise de conscience, naissante à cette époque, de la nécessité de s’engager sur la voie d’un codéveloppement euro-méditerranéen pour assurer la stabilité de cette zone géographique. Dans le contexte géopolitique actuel, cela semble improbable ; c’est pourtant une impérieuse nécessité pour ne pas faire avec la rive sud les mêmes erreurs stratégiques que celles que nous avons faites avec la Russie.
L’initiation d’une démarche méditerranéenne
Le préalable à l’action étant de disposer d’un état des lieux, et conscients que l’analyse de Fernand Braudel avait quelque peu vieilli, c’est au Centre d’économie et de finance internationale à Aix-en-Provence et à son directeur Jean-Louis Reiffers que la région PACA avait confié la réalisation d’un premier rapport, La Méditerranée économique. Produit en 1992 avec le concours de 24 équipes d’économistes de pays riverains, ce rapport fut actualisé les années suivantes jusqu’à ce que la région, devenue PS, décide d’en arrêter la publication dans les années 2000. Surtout ne pas continuer ce que les prédécesseurs avaient commencé…
Après ce diagnostic, il y eut la création, avec la participation du conseil régional PACA et de quelques-unes des équipes d’économistes, de l’Institut économique de la Méditerranée, dont le siège était à Marseille. Sous forme associative, cet institut avait pour vocation d’assurer le suivi du premier rapport et de perpétuer une collaboration entre les économistes des pays riverains.
Une stratégie européenne qui a échoué
Parallèlement, l’Europe prenait alors l’initiative avec, en 1996, la déclaration de Barcelone, suivie du processus éponyme qui donnait naissance, sous le mandat de Sarkozy, et en partie à son initiative, à l’Union pour la Méditerranée (UpM), organisme intergouvernemental composé de 42 pays européens et méditerranéens, dont le siège était à Barcelone, financé par l’Union européenne.
L’UpM est un échec. La plupart des pays d’Europe, éloignés de la Mare Nostrum, veulent que les financements européens aillent prioritairement à l’Est et non au profit de politique en Europe du Sud. En 2007, Franco Marini, ancien président du Sénat Italien, exprimait cet échec : « Le processus de Barcelone est une déception… »
De fait, vingt-cinq ans après, le constat est cinglant : des dizaines de milliards d’euros dépensés pour une lubie d’intégration à l’européenne fondée sur une conception de l’État de droit de moins en moins acceptée par les pays non européens de la Méditerranée : droits de l’homme, des libertés fondamentales, de l’égalité (notamment hommes/femmes), de la démocratie et de tous les principes qui vont avec.
Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus rien !
Il faut donc une nouvelle approche
Pendant que nos pays, entravés par l’Europe, perdaient de précieuses décennies, dans quasiment toutes les régions du monde se mettaient en place des systèmes de coopération et de codéveloppement : en Amérique latine, en Asie avec l’ASEAN, aux États-Unis avec leurs voisins et, plus récemment et inquiétant, les BRICS. Pour ce qui est de la Méditerranée, celle-ci se trouvait représentée dans plusieurs organisations politiques aux dimensions territoriales limitées, comme l’Union du Maghreb arabe (UMA), ou aux orientations clairement idéologiques telles que l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et la Ligue arabe.
Aujourd’hui, l’organisation la plus importante pour ce qui nous intéresse, le MENA (Middle Est and North Africa), qui regroupe 30 pays de l’Afrique du Nord au Moyen-Orient, compte 340 millions d’habitants et 60 % des réserves mondiales de pétrole et de gaz. Le MENA est largement piloté par la Banque mondiale, lieu d’influence américaine.
Nous y sommes, évidemment, marginalisés.
La leçon à tirer de cet échec est que nous devons cesser de vouloir imposer notre système de pensée à des pays qui, ayant une culture totalement différente de la nôtre, ne veulent plus entendre les leçons que l’Europe a voulu leur donner sans succès pendant des décennies. Le modèle d’intégration « à l’européenne » n’est manifestement pas adapté à la situation.
Une méthode fondée sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux plutôt que sur la référence constante à une intégration à l’européenne.
Que pourrions-nous faire ?
En tout premier lieu, décider d’aborder ces enjeux avec les pays d’Europe méditerranéenne en oubliant, dans un premier temps, l’UE dont il est clair qu’elle ne participe qu’à compliquer les choses en imposant sa vision technocratique, intégrationniste et immigrationniste.
Quelques initiatives se font jour de créer un « Forum des régions méditerranéennes ». Il ne semble pas opportun d’adhérer à cette idée, tant ce type de coopération doit, de toute évidence, être porté par les États.
Un accord pourrait être proposé dans un premier temps à l’Italie, l’Espagne et la Grèce pour lancer ensemble une grande démarche méditerranéenne.
Sa première étape devrait être d’actualiser, avec un certain nombre de pays cibles choisis pour leur réceptivité à une telle démarche ou leur intérêt stratégique, les données économiques et sociales permettant de concevoir un certain nombre d’actions de coopération.
Dans un second temps, il s’agirait de proposer des actions de coopération économique dont l’un des axes principaux devrait être le transfert de technologies appuyé sur la coopération entre nos grands centres de recherche et nos écoles et universités avec ceux des pays méditerranéens partenaires. Nous avions lancé une telle initiative en 1994 lorsque je créai, avec la région, le premier Groupement européen d’intérêt économique qui regroupait six régions d’Europe du Sud (Espagne, France et Italie) avec, pour ambition, de porter une démarche de transfert de technologies. S’il est clair que rien n’est reproductible, les volontés exprimées à cette époque, de part et d’autre de la Méditerranée et certainement persistantes dans les milieux universitaires et économiques, devraient permettre le lancement de collaborations pour le renforcement des chaînes de valeur méditerranéennes aujourd’hui fragilisées par l’entrisme chinois.
De tels partenariats entraîneraient inévitablement des mouvements d’entreprises de part et d’autre.
Il ne s’agit évidemment pas de susciter des délocalisations de nos entreprises vers la rive sud de la Méditerranée mais bien d’encourager un co-développement économique visant à créer dans ces pays une activité permettant de mieux garder leurs ressortissants en leur offrant un avenir dans leurs pays.
Nous pourrons proposer aux pays euro-méditerranéens partenaires, qui tous subissent les mêmes problèmes migratoires, un accord de coopération pour le développement du bassin méditerranéen. N’oublions pas que le bassin méditerranéen est fort de 340 millions d’habitants, qu’il reçoit chaque année 300 millions de touristes, qu’il concentre 30 % du commerce maritime mondial, alors que sa surface maritime n’est que de 0,8 % de la surface maritime mondiale et qu’il est un véritable hot spot de la biodiversité.
Le bassin méditerranéen est un enjeu stratégique majeur pour la France. Ne laissons pas libre champ à la Chine, la Russie et les États Unis.
Jusqu’à présent, les politiques méditerranéennes conduites par l’Europe et la France ont incontestablement été autant d’échecs.
C’est aux politiques de lancer une grande démarche qui seule serait de nature à retrouver des rapports apaisés dans le cadre desquels pourrait alors être sérieusement mises en place de véritables mesures coordonnées de lutte contre l’immigration, de retour dans leurs pays des immigrés indésirables dans les nôtres dont nous voyons bien qu’elles ne peuvent s’inscrire que dans le cadre d’une coopération plus vaste.
Jusqu’à présent nous n’avons fait que palabrer dans un stupide esprit de repentance en subissant les politiques absurdes de technocrates européens méconnaissant les réalités historiques, sociologiques et politiques du bassin méditerranéen. Reprenons l’initiative avant qu’il ne soit trop tard et que la France et l’Europe ne soient chassées des pays de la Méditerranée comme nous le sommes des pays d’Afrique.
Le chantier est vaste. Il est encore temps de l’ouvrir.
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28 commentaires
si un accord de rapatriement avec les pays originels sont impossibles, alors il faut faire un barrage législatif : 1) – instaurer un délit de franchissement de frontière et de non respect d’obligation de quitter le territoire, avec peine plancher exécutoire – 2) – priver de tous droits sociaux et de santé les clandestins
En réalité, l’UpM n’aurait-elle pas échoué en raison des arrières-pensées immigrationnistes mondialistes pilotées par l’UE ? Au lieu de chercher de véritables coopérations entre partenaires respectueux les uns des autres dans leurs différences politiques et culturelles ? Mais çà, c’est incompréhensible pour nos pseudo-élites.