[TRIBUNE] Justice : redonner au peuple la place qui lui revient

Alors que les décisions de justice touchant à des enjeux de société provoquent de plus en plus souvent des débats enflammés, une question revient avec insistance : la justice est-elle encore neutre ? Dans cette tribune, l’auteur plaide pour une réforme ambitieuse du système judiciaire, inspirée du modèle anglo-saxon, en confiant les verdicts les plus sensibles à des jurys populaires. Une manière, selon lui, de renforcer la légitimité de la justice et de limiter les effets des biais idéologiques des magistrats.
À chaque décision judiciaire à forte résonance politique ou sociétale, une même suspicion revient : celle de l’idéologie. Celle, plus ou moins consciente, qui imprègne les motivations des juges et colore leurs interprétations du droit. Que ce soit dans les tribunaux judiciaires, les cours administratives ou encore les plus hautes juridictions, la neutralité proclamée du juge vacille sous le poids de ses convictions, de son parcours, de son environnement social, culturel ou militant.
La justice est rendue « au nom du peuple français », mais force est de constater qu’elle l’est souvent sans lui, voire malgré lui. Car un juge, aussi compétent soit-il, reste un être humain. Il n’est ni un ordinateur ni un oracle du droit. Il est traversé par les courants de son époque, par ses lectures, ses fréquentations, ses engagements passés, parfois même par sa foi ou sa vision philosophique de l’homme et de la société. On peut l’interdire de syndicalisation, le sommer d’être impartial ou menacer de sanctions disciplinaires les comportements jugés partisans, mais rien n’empêchera jamais les biais cognitifs et idéologiques de s’infiltrer dans ses raisonnements. Le juge ne s’extrait pas de la société ; il en est un produit.
Le mythe du juge robot
L’idée d’un juge pur, parfaitement rationnel, imperméable aux idéologies, est un fantasme. Et ce fantasme entretient un malentendu démocratique majeur. Car dès lors que les décisions de justice échappent à la compréhension, au contrôle ou au sentiment d’adhésion des citoyens, c’est toute la légitimité du système qui vacille. D’autant plus lorsque ces décisions touchent des questions aussi sensibles que les libertés publiques, les grandes orientations sociétales ou les intérêts politiques.
La multiplication des recours devant les juridictions suprêmes - y compris le Conseil constitutionnel ou la Cour de cassation - a déplacé le centre de gravité du pouvoir. Le droit devient une forme déguisée de gouvernement dans ce que l’on appelle, parfois, la « gouvernementalité judiciaire ». Mais qui contrôle les juges ? À qui rendent-ils des comptes ? Et, surtout : de quel droit leur confie-t-on, à eux seuls, le pouvoir de trancher ce qui divise profondément la nation ?
Le retour au peuple souverain : le jury populaire comme contre-pouvoir
C’est ici qu’une solution s’impose, à la fois radicale et profondément démocratique : redonner au peuple une place centrale dans la délibération judiciaire. À l’image du système anglo-saxon, il est temps d’élargir le recours au jury populaire, composé de citoyens tirés au sort, instruits du dossier et chargés de rendre un verdict.
Loin d’être une lubie populiste, cette proposition s’inscrit dans une tradition de défiance saine envers toute concentration du pouvoir. Le jury, par sa diversité, sa représentativité et son caractère éphémère, constitue un rempart naturel contre l’idéologie. Là où le juge professionnel raisonne dans des schémas parfois enfermés, le citoyen-juré apporte son bon sens, sa pluralité d’expérience et, surtout, sa légitimité démocratique.
Certes, dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, aucun individu - qu’il soit juge ou citoyen - n’est totalement à l’abri des biais. Mais c’est, précisément, cette imperfection individuelle qui justifie le recours au jugement collectif. Un jury de douze membres ne garantit pas l’impartialité absolue, mais il réduit considérablement le risque de biais idéologique partagé. Ce raisonnement n’élude pas les enjeux sociologiques, mais il démontre que la diversité aléatoire protège mieux la justice que l’homogénéité culturelle de la magistrature. Là où un corps professionnel peut inconsciemment reconduire des schémas mentaux dominants, un groupe aléatoire de citoyens agit comme un filtre démocratique.

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40 commentaires
il est très facile d’obtenir des décisions non partisanes. Il faut rétablir les responsabilté civile professionnelle des juges pour leurs fautes lourdes et les faire juger par trois citoyens (cinq en appel) tirés au sort assisté d’un prof de droit de la spécialité du litige , tiré au sort et sans droit de vote. Aussitôt 90% des problèmes disparaitront si des fautes lourdessont prévues.
80% des citoyens sont favorables à cette réforme, nous l’aurions avec le RIC CONSTITUANT!!!
il faut retomber du piédestal « juré » populaire indépendant et neutre: petite expérience de juré à une cour d’assise durant toute une session, quatre fois tiré au sort sur 60 potentiels pour 10 retenus dont deux suppléants: la manière plus ou moins insistante du magistrat président d’influencer les jurés, et surtout de développer des arguments contradictoires pour deux dossiers différents quand je le lui fis la remarque en aparté , d’autant qu’au moment du vote la voix du magistrat est prépondérante; au bout du compte la justice humaine demeure critiquable , seule la justice divine sera et est sans appel depuis la nuit des temps
Votre dernière phrase est pleine de vérité vraie…
Un raisonnement parfaitement construit. Nous pouvons malheureusement compter sur l’influence de la gauche bienpensante, quasi souveraine en particulier dans le monde de la justice, pour que jamais une telle évolution ne soit possible chez nous.
Il ne devrait pas y avoir de syndicats dans la magistrature ;comme dans l’armée. Les deux institutions sont tenues à une parfaite neutralité.
Or les décisions de justice sont souvent empreintes d’idéologie.
C’est ce qui vient de se passer avec le jugement de MLP.
Une juge décide que son élection à la présidentielle serait de nature à troubler l’ordre public… Elle la met donc en situation de ne pas pouvoir se présenter.
C’est tout simple… à vos ordres chef.
C’est un déni de justice ;un procès politique.
Excellente suggestion, MERCI Monsieur Abitbol.
Pour savoir et comprendre ce qu’est une bonne partie de notre justice aujourd’hui, et en particulier les membres du syndicat de la magistrature, il suffit de lire quelques extraits de la « harangue du juge Oswald Baudot » faite en 1968 aux élèves de l’ENM à Bordeaux :
« Soyez partiaux (…) Examinez toujours où sont le fort et le faible qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurance de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. »
« Si la répression était efficace, il y a longtemps qu’elle aurait réussi. Si elle est inutile comme je le crois, n’entreprenez pas de faire carrière en vous payant la tête des autres. Ne comptez pas la prison par années ni par mois mais par minutes et par secondes, tout comme si vous deviez la subir vous-mêmes. »
« Dans vos fonctions, ne faites pas un cas exagéré de la loi et méprisez généralement les coutumes, les circulaires, les décrets et la jurisprudence. Il vous appartient d’être plus sages que la Cour de cassation, si l’occasion s’en présente (…) Consultez le bon sens, l’équité, l’amour du prochain plutôt que l’autorité ou la tradition. La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. Sans y changer un iota, on peut, avec les plus solides « attendus » du monde, donner raison à l’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la peine. Par conséquent, que la loi ne vous serve pas d’alibi. D’ailleurs vous constaterez qu’au rebours des principes qu’elle affiche, la justice applique extensiblement les lois répressives et restrictivement les lois libérales. Agissez tout au contraire. »
Hélas c’est la tendance inverse qui progresse ! Depuis quelques années, les « cours criminelles » jugent les crimes qui peuvent être punis de quinze à vingt ans de réclusion (viols, violences mortelles, actes de barbarie…) avec uniquement cinq magistrats professionnels ! Exit les jurés populaires pour environ 57 % des affaires antérieurement jugées par des cours d’assises. Le peuple, c’est gênant, on est si bien entre soi… Et c’est partout la tendance. Kouchner ministre de la Santé a fait chapeauter le justice déontologique (morale) des médecins par un magistrat administratif, histoire que « le système » ait plus de chance de punir les médecins qui s’expriment trop…
Jurys populaire on a dans notre république un exemple concret les prud’hommes…. Un truc qui ne marche pas car l’argent est roi et tout s’achète
Il ne devrait pas y avoir de syndicats dans la magistrature ;comme dans l’armée. Les deux institutions ne sont elles pas tenues à une parfaite neutralité.
Or les juges font souvent fi de cette disposition et rendent des décisions davantage axée sur une idéologie que sur la loi ou le droit. Le jugement concernant
MLP en est le parfait exemple.
Pour les histoires drôles de la semaine, il y a celle avec le macron qui nous assurre de l’indépendance de la Justice. Une « synthèse »…
Le seul.moyen de ramener les magistrats vers l’impartialité est de les rendre individuellement responsables comme tout professionnel independant
Entièrement d’accord avec vous. Ce sont des fonctionnaires comme les autres et ils doivent répondre de leurs erreurs devant un tribunal constitué de gens du peuple!!!!
On finit par oublier que l’argent public ne peut être appréhendé par les partis politiques, quels qu’ils soient. Il faut des règles et les partis qui ne les respectent pas doivent être sanctionnés. C’est une question de bon sens, même pour ceux qui se sentent une sensibilité nationaliste comme moi.
Exact, mais à une seule et même condition, c’est que l’Etat octroie à chaque parti en fonction de ses caractéristiques propres, effectifs, adhérents, localisation, etc…, un seul et même type de subvention lui permettant, aux coûts actuels, de vivre et de prospérer normalement; ce qui n’est pas le cas aujourd’hui !
Que ce soit en matière de justice, de politique ou de finances, le peuple n’est plus consulté depuis 2005. Date qui doit rester dans les annales du mépris du peuple, car non seulement le même peuple a été trahi, mais il n’a plus été consulté. Décidément, ce pays doit être peuplé d’abrutis qui ne comprendraient pas la question, il est donc prudent de l’écarter des sujets qui le concerne.
La justice est-elle encore neutre ? La justice n’a jamais été neutre que ce soit en civil pour les divorce notamment, en pénal en fonction des prévenus sauf qu’avant c’était plus discret, il y avait moins de moyens d’information et en politique tout le monde ayant quelque chose à se reprocher plus ou moins on ne se faisait pas remarquer.