[TRIBUNE] La justice refuse d’expulser le violeur marocain d’une handicapée

Capture écran Moselle TV
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À Metz, en mars 2021, un ressortissant marocain de 35 ans violait une jeune femme handicapée. Trisomique et plus jeune que son agresseur, le parquet a estimé qu’elle n’était pas en capacité de refuser les avances du violeur.

Lors du procès qui a eu lieu ce mardi 8 octobre, le procureur a requis une peine de 12 ans de réclusion (pour rappel, la peine encourue pour viol est de 15 ans de prison et de 20 ans lorsque commis sur une personne vulnérable). Le parquet estimait également – à raison – que ce crime justifiait une interdiction du territoire, à savoir une expulsion.

Néanmoins, le tribunal de Metz n’a pas choisi de suivre ces réquisitions. Le tribunal, composé exclusivement de magistrats, a bien reconnu l’homme coupable, mais ne l’a condamné qu’à 6 ans de réclusion criminelle. Encore plus difficile à justifier, il a refusé de prononcer une peinte d’interdiction du territoire français.

L’ITF, une peine puissante

L’Interdiction du territoire français n’est pas une obligation de quitter le territoire (OQTF). Alors que l’OQTF est une mesure « administrative » et qui se fonde sur le volontariat de la personne qui la reçoit (on a dès lors du mal à comprendre l’utilisation du vocable « obligation »), l’ITF est une peine pénale. Elle est prononcée par un tribunal, le plus souvent à titre complémentaire à une peine de prison. Elle peut d’ailleurs être temporaire, voire définitive.

Autre différence majeure avec l’OQTF, l’ITF est beaucoup plus efficace. Alors que le taux d’exécution des OQTF varie entre 5 et 10 %, le taux d’exécution des ITF est beaucoup plus élevé. En 2019, 100 % des ITF étaient exécutées selon le ministère de l’Intérieur. Si le chiffre peut être relativisé, notamment en raison du décalage entre le prononcé de la peine et son exécution, il est toutefois indiscutable que le taux est beaucoup plus satisfaisant que pour les OQTF.

Mais trop peu prononcée

Mais il y avait, en 2021, 124 111 OQTF prononcées par les préfectures contre seulement 5 844 ITF prononcées par les tribunaux.

Un chiffre en augmentation sur les dernières années (il a doublé entre 2017 et 2021), ce dont il faut se féliciter certes, mais qui reste largement minoritaire dans les décisions judiciaires. Selon un rapport sénatorial, en 2019, seules 23,5 % des possibilités de prononcer des ITF étaient saisies par les tribunaux. Ce qui veut dire que plus de 3 étrangers sur 4 ayant commis des crimes ou de lourds délits demeurent en France.

Une explication (à défaut d’une circonstance atténuante) réside dans le nombre très important de protections que la loi confère aux étrangers. En effet, depuis 1981, diverses lois ont progressivement étendu le nombre d’étrangers contre lesquels il est impossible pour le juge de prononcer une ITF. Citons pêle-mêle les étrangers résidant en France depuis 10 ans et mariés à un conjoint français, ceux vivant en France depuis l’âge de 13 ans ou moins, ou qui nécessitent des soins de santé indisponibles dans leur pays d’origine, etc.

Revenir (partiellement) sur ces protections était précisément le sens de la loi immigration dans sa version remaniée par le Sénat, en son article 9, puis 17. Sans surprise, ces dispositions font partie des articles censurés par le Conseil constitutionnel car considérés comme n’ayant pas un « lien même indirect » avec le reste du projet de loi.

Alors qu’en 2010, le peuple suisse a accepté à la double majorité du peuple et des cantons que les étrangers condamnés se voient priver de tout droit de se maintenir sur le territoire (initiative populaire de 2010 « Pour le renvoi des étrangers criminels »), on comprend que le Conseil constitutionnel balaye d’un revers de main la possibilité de faire appliquer la démocratie par référendum… Le risque d’expulser les criminels étrangers serait trop grand.

Pierre-Marie Sève
Pierre-Marie Sève
Directeur de l'Institut pour la Justice

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