[TRIBUNE] L’intelligence artificielle : fantasmes, illusions et réalité

L’IA n’est ni une menace existentielle ni une baguette magique.
© Michel Royon / Wikimedia Commons
© Michel Royon / Wikimedia Commons

On la croit omnisciente, bientôt consciente et autonome. Certains prophétisent qu'elle nous supplantera, d'autres y voient une révolution salvatrice. Présentée comme un oracle infaillible, l'intelligence artificielle (IA) bouleverserait le destin de l’humanité.
Ses prouesses sont réelles : traduction instantanée, diagnostics médicaux, génération d'images, rédaction de discours qui trompent même les experts. Mais cela signifie-t-il qu’elle comprend et invente mieux que nous ? Rien n'est plus faux.

Un algorithme de recrutement d'Amazon a discriminé les femmes, reproduisant les biais de ses données d’apprentissage ; une voiture autonome a révélé, en situation réelle, des lacunes critiques. L’IA n’est pas infaillible. Si elle surpasse parfois les capacités cognitives d’un individu, elle reste totalement dépendante de ses concepteurs.

L’idée de réduire la pensée à des mécanismes n’est pas nouvelle. Descartes imaginait des automates si perfectionnés qu’ils pourraient, en apparence, se confondre avec les humains, mais estimait qu’aucune machine ne pourrait véritablement parler et penser comme nous. Alan Turing a relancé le débat en 1950 avec une question provocante : « Une machine peut-elle penser ? » Des modèles comme ChatGPT font illusion, mais cette imitation est un jeu uniquement statistique et non une compréhension du monde.

N’attribuons pas aux machines des facultés qu’elles n’ont pas. L’IA n’est ni une conscience alternative ni une intelligence supérieure. C’est un outil puissant, excellent pour l’analyse de données massives, l’automatisation et l’optimisation. L’IA n’invente rien. Derrière ses performances se cachent des algorithmes sophistiqués qui n’opèrent que dans des cadres rigoureusement définis. Nous confondons souvent performance et conscience, apparence et réalité.

L’IA : Une révolution du travail, pas de l’esprit

L’IA transforme profondément le travail, bouleverse des secteurs entiers et pose de redoutables questions éthiques qu’il faut aborder sans naïveté ni panique. Elle n’est ni une menace existentielle ni un salut. L’IA est ce que nous en ferons. À nous de l’encadrer et de la maîtriser.
À chaque grande innovation, l’ordre social vacille. L’imprimerie de Gutenberg a déstabilisé l’Église et démocratisé le savoir. La machine à vapeur a fait basculer le monde dans l’ère industrielle. Hier, les machines remplaçaient les bras. Aujourd’hui, l’IA s’attaque aux cerveaux : rédaction de contrats, médecine, conception artistique… l’IA empiète sur ce qui était, jusqu’ici, le domaine réservé des humains.
L’innovation ne tue pas le travail, elle le transforme. L’industrialisation a supprimé des emplois mais en a créé d’autres. L’IA suit le même chemin : elle automatise certaines tâches mais en fait émerger de nouvelles. Elle ne remplace pas l’humain, elle redéfinit son rôle.

Le piège du mythe prométhéen

La fascination pour l’IA renvoie à un mythe ancien : celui de Prométhée et de la créature façonnée par l’homme. Depuis la légende du Golem jusqu’à Frankenstein, nous imaginons la machine qui nous échappe, dotée d’une volonté propre et qui se retourne contre son créateur. Ce danger est illusoire. Les IA les plus avancées sont incapables de comprendre le monde. Elles reproduisent des modèles, sans intuition, sans conscience, sans sentiment.

L’enjeu, ce n’est pas une révolte des machines mais notre propre rapport à elles. Leur confierons-nous des décisions cruciales sans contrôle ? Allons-nous les ériger en oracles incontestés pour embaucher, soigner ou juger ?

Miroir de notre société, L’IA n’est pas un être pensant : elle amplifie les logiques humaines. Si elle discrimine, c’est parce qu’elle apprend sur des données biaisées. Si elle désinforme, c’est parce qu’elle s’alimente de nos excès. Elle n’est pas neutre, elle reflète nos contradictions.

Que faire ? L’encadrer, mais surtout ne pas nous laisser hypnotiser. L’IA n’est ni une menace existentielle ni une baguette magique. Elle est un outil qui ne dictera pas notre avenir. C’est notre usage de cette technologie qui déterminera ce qu’elle deviendra. L’intelligence, la vraie, restera toujours du côté de ceux qui savent l’utiliser avec discernement.

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Les Horaces
Les Horaces sont un cercle de hauts fonctionnaires, hommes politiques, universitaires, entrepreneurs et intellectuels apportant leur expertise à Marine Le Pen, fondé et présidé par André Rougé, député français au Parlement européen.

Vos commentaires

23 commentaires

  1. Cet article relève de la méthode Coué. Bien entendu qu’au delà des effets pervers de cette technologie encore balbutiante, son impact sociétal, économique voire culturel sera déterminant. Et lorsque l’on voit la capacité humaine à maîtriser la technologie, le postulat émis par les Horaces est d’ores et déjà caduc.

  2. Ce que je crains n’est pas le fait que les machines puissent contrôler l’humanité, mais que les hommes se mettent à penser comme des machines. Et là, on y arrive, c’est très profond et insidieux.

  3. L’IA, un simple outil, tout dépendrait de l’usage ? Ce n’est pas si simple. L’exposition aux IA peut réduire nos capacités à apprendre, à réfléchir ; elle peut dégrader nos liens sociaux. Lire à ce sujet le livre de Marius Bertolucci : L’homme diminué par l’IA, Editions Hermann.

  4. Pauvre Homme, qui s’accroche pathétiquement à l’idée que rien ne remplacera son intelligence. Que rien ne lui sera supérieur. Quand on voit, dans l’Histoire, ce qu’il a fait de cette supériorité, on rêve que l’IA se substitue à la Justice, déjà. On vient encore de s’en apercevoir avec ce pouvoir des juges.

  5. Selon les Horaces, l’IA reste totalement dépendante de ses concepteurs….. mais il faut l’encadrer. Ne percevez-vous pas un hiatus dans ce double raisonnement ? Pourquoi encadrer si aucune crainte à venir, totalement maîtrisée par ses concepteurs ? L’IA actuelle en est à ses balbutiements. Le moteur thermique à explosions a pris naissance il y a environ 150 ans. Les ingénieurs travaillent toujours à le perfectionner. Avec les nouvelles machines numériques, quantiques à venir qui peut prédire l’avenir , la puissance de l’IA et le devenir de l’humain ? Ce qui est certain, c’est que si elle n’est pas jugulée par une éthique, elle dominera l’Homme rendu esclave de sa machine. A toute petite échelle, nous avons déjà le robot classique, tout à fait ordinaire qui nous prend nos emplois. Les bien-pensants vous diront « oui mais de nouveaux emplois sont créés ». Oui mais nous pouvons répondre « pas en mêmes quantités et dans l’avenir, de moins en moins nobles car pris en charge par l’IA ». Observez dans le médical. L’habileté manuelle du chirurgien est supplantée par celle du robot aidé de l’IA. Dans l’avenir IA, l’humain se contentera d’observer le bon déroulement de l’opération, sans aucune intervention. Et dans l’avenir plus lointain, l’IA autonome détectera le mal et organisera elle-même tout le processus, les protocoles des soins nécessaires. Vous n’y croyez pas. Nos petits enfants le vivront.

  6. IA : les progrès sont exponentiels; nouvelles puces (Willow), nouveaux ordinateurs quantiques ( puissance x Milliards de Mds..). Ça donne le vertige.

  7. « L’IA n’est ni une conscience alternative ni une intelligence supérieure. C’est un outil puissant, excellent pour l’analyse de données massives, l’automatisation et l’optimisation. L’IA n’invente rien.  » = vrai . Elle ne fait que ressortir ce que DES humains lui ont entrer dans sa mémoire.
    ET c’est là le problème si ces humains veulent nous manipuler!

  8. Ne rêvons pas : un simple stylo Bic peut faire autant de dégâts que l’IA. Il suffit de mal l’utiliser, en faire un mauvais objet au service du vice. L’IA, c’est cela aussi : l’usage que l’on en fait.

  9. « Les IA les plus avancées sont incapables de comprendre le monde » ; plus le temps passe , plus il y a de données disponibles , qu’elles soient écrite, audio, vidéo ; l’interconnexion entre les machines , les moyens de captation de données vidéos (caméras de rue, de transport en commun, de vidéo-sécurité extérieur comme intérieur), audio (micro permettant l’étude de bruits extérieur comme donnant la possibilité de verbalisation pour bruits excessifs ), assistants personnel de type Alexa ; permettent un apprentissage de plus en plus performant pour l’IA, sans parler des avancés dans les technologies de programmation, en reconnaissance audio, vocal, vidéo, font que dans le futur l’IA est un danger pour l’humanité si des barrières technologiques infranchissable ne sont pas installer dés le départ ; sinon la créature dépassera le Maitre et finira par détruire le Maitre.
    Toutes les civilisations depuis la création de ce monde ont fini un jour par connaitre cette fin .

    • Malheureusement l’IA laissera sur le côté tous ceux qui n’auront pas le discernement suffisant pour en saisir toutes les subtilités. Pour y remédier il faudrait une école apte à enseigner ce libre arbitre tant évoqué mais bafoué par le système médiatico-politique de la pensée unique.

  10. Comme d’habitude notre Grand Chef Jupiter parle de l’ IA, mais comme d’habitude il ne connaît pas la définition du A, qui veut dire Artificielle, c’est à dire QUI N’EXISTE PAS.

  11. Des livres ont été écrits au sujet des risques de l’IA. Par exemple celui où un « Sylphe » prend l’initiative de dévoiler les secrets de messageries électroniques entre membres du personnel, après avoir cassé les codes de cryptage.

  12. Entièrement d’accord avec les Horaces, perso je n’utiliserai jamais l’I.A. pour moi ce n’est qu’une machine comme mon ordinateur. Je ne vois pas comment une machine pourrait pensé par elle même.

    • Non ces machines ne peuvent pas penser par elles mêmes , ce ne sont que des mémoires et des calculateurs qui travaillent tes vite en fonction des données et des programmes que l’on y a introduits . Le terme  » d’intelligence artificielle  » est totalement dénué de sens .

      • Mauvaise traduction de l’américain. « Intelligence » en américain veut dire : information, renseignement mais sûrement pas Intelligence ! Comme dans CIA : Central Intelligence Agency : agence centrale de renseignements…

  13. Chaque innovation peut être bénéfique et maléfique en même temps, c’est vieux comme l’humanité. Lorsque l’homme a su tailler des outils, il pouvait s’en servir à bon escient ou trucider celui qui courtisait sa femme.
    L’IA n’aura jamais les capacités émotives ou oniriques des humains.

    • C’est tout le problème de l’initiative ou de l’intention. Et en matière criminelle on parle de « préméditation ». C’est en principe impensable en IA.

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