[TRIBUNE] Nouvelle mandature européenne : hungarophobie tous azimuts !
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Cette nouvelle mandature de l’Union européenne, dont le lancement coïncide avec la présidence hongroise, commence de bien étrange et inquiétante manière, comme l'explique pour BV Georges Károlyi, ancien ambassadeur de Hongrie en France.
La poussée des formations de droite franche, qui était attendue, n’a pas bouleversé la majorité parlementaire de centre-gauche, dont la candidate a été réélue avec un score supérieur à celui de 2019. Stabilité certes, mais accompagnée de nouveautés inquiétantes.
La minorité excommuniée
La majorité parlementaire à peine constituée s’est empressée d’excommunier sa minorité, accusée de « faire obstacle à la marche en avant de l’Europe » : pas de vice-présidences, pas de présidences de commission, une invisibilisation assumée, en contravention caractérisée avec toutes les règles écrites et non-écrites de la démocratie parlementaire moderne. Un bien mauvais exemple donné en modèle aux États-membres. La France vient de s’en laisser inspirer. C’est très mauvais signe.
Mais si l’opposition fait obstacle à la marche en avant de l’Europe, pourquoi s’arrêter en si bon chemin et laisser ses représentants encombrer des travées entières ? Il n’est pas agréable d’entendre pendant cinq ans des voix discordantes. Ne serait-il pas plus simple, politiquement plus tranquille et surtout plus économique de diminuer, à chaque mandature, le nombre des sièges au Parlement européen à hauteur du nombre des élus de l’opposition ? Si déjà ils sont invisibles, à quoi bon les faire siéger ? Une telle réforme des traités serait à coup sûr adoptée à l’unanimité (des membres de la majorité bien sûr, puisque c’est la seule qui fait avancer l’Europe).
A la lumière de cette lamentable approche, il est cocasse d’entendre la présidente de la Commission, brillamment réélue, entonner une nouvelle fois l’hymne à l’État de droit en ordonnant le boycott par les fonctionnaires européens des réunions de la présidence hongroise, sous le prétexte que le premier ministre hongrois a eu le toupet de faire une tournée des capitales mondiales concernées par le conflit ukrainien dans le but de rechercher un moyen d’y mettre fin, ce qui est tout à son honneur et restera comme un des gestes les plus forts d’une présidence tournante depuis l’institution de ce mécanisme. Il n’avait pas reçu mandat ? La belle affaire ! Il se l’est donné, le mandat, et il a eu bien raison. La présidente de la Commission avait-elle reçu mandat pour commander des dizaines de millions de doses de vaccin pour compte commun ? Bien sûr que non, puisque la politique de santé est de la compétence des États. Et pourtant, on nous dit qu’elle a « bien fait », qu’elle a « sauvé des vies », que par son activisme elle a « fait avancer l’Europe ». Les présidents Sarkozy et Macron ont eu beau déclarer que M. Orbán avait bien fait, leur voix, si respectée autrefois dans les milieux européens, ne compte hélas plus guère. Eux aussi sont invisibilisés. Je suis très inquiet de ce suprémacisme affiché sans complexe par la Commission, cela risque de mal finir.
Une autre adepte inattendue de la hungarophobie ambiante est la présidente du groupe dénommé Renew, une Française qui ne connaît la Hongrie ni d’Eve ni d’Adam, à laquelle la Hongrie n’a fait aucun mal mais qui croit bon d’appeler sur elle à tout bout de champ le déclenchement des foudres de Jupiter (article 7 etc., refrain connu). Pour qui roule-t-elle donc ? On a dû lui dire de dire ce qu’elle dit. Quelle tristesse.
La Hongrie privée de réunion des ministres des Affaires étrangères
Quant au Haut Représentant pour la Politique étrangère et de sécurité, il n’est pas en reste : vexé comme un pou parce que le ministre des Affaires étrangères hongrois a osé affirmer qu’il était « du parti de la guerre », il s’est mis très très en colère et a décidé de priver Budapest de réunion des ministres des Affaires étrangères. Il a pourtant passé l’âge des réactions enfantines. Arrêtons de nous cacher derrière les mots. Ne cesser de bourrer d’armes de tout calibre l’un des belligérants pour lui permettre de poursuivre une guerre dont il est certes la victime, mais dont on ne voit pas l’issue, et même si l’instrument dédié à cet effet, par une belle antiphrase, est la « facilité européenne pour la paix », mérite a minima une réflexion sérieuse sur les termes et un peu d’honnêteté intellectuelle.
Invisibilisation de l’opposition parlementaire, une présidente de Commission qui invoque l’État de droit au moment même où ceux qui l’ont élue s’en affranchissent allègrement, répétition des rengaines hungarophobes mille fois ressassées sans aucun résultat autre que celui de ridiculiser leurs auteurs, jalousies d’écoliers incapables de faire leurs devoirs et ne supportant pas que leur petit camarade se montre plus malin qu’eux, un Haut Représentant dangereusement émotif et puérilement rancunier, une politisation croissante de l’Union au détriment de la règle de droit et du respect des traités, ces quelques indices de début de mandature ne sont pas de bon augure.
Les 7 priorités de la présidence hongroise ont été unanimement approuvées par tous les États. Il serait bon de s’y concentrer au lieu de chercher par tous les moyens à saboter cette présidence et de se gausser de son slogan. C’est l’intérêt de tous de viser une Europe plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui, elle en a bien besoin. Quand le président Macron avait détourné le « Make America Great Again » en « Make our Planet Great Again », tout le monde avait trouvé cela génial. Aujourd’hui, « Make Europe Great Again » est plus d’actualité que jamais. L’Europe sera-t-elle la seule à ne pas s’en rendre compte ?