[Tribune] Policiers et gendarmes, des démissions qui interrogent

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Le profond malaise qui sévit au sein des forces de l’ordre depuis de nombreuses années se traduit actuellement par une vague de démissions sans précédent parmi les policiers et les gendarmes. C’est ce que nous apprend, en toute discrétion, un rapport publié par la Cour des comptes le 13 avril dernier.

Selon les constatations des magistrats de la rue Cambon, le record de départs au sein de la police et de la gendarmerie a été battu en 2021, puis de nouveau dépassé en 2022. Ainsi, en 2021, la police nationale a connu 10.840 départs (+33 % en 4 ans) et la gendarmerie 15.078 départs (+25 %). Et, toujours selon les juges financiers, il s’agit bien d’un phénomène de fond dont rien n’indique qu’il cessera rapidement. Par ailleurs, ils signalent également que ces départs n’ont rien à voir avec les admissions à la retraite qui connaissent, pour leur part, une relative stabilité.

Les raisons de ces départs évoquées dans le rapport sont évidemment multiples. Concurrence des polices municipales qui offriraient un meilleur accueil et de meilleures perspectives de carrière. Hausse des abandons en cours de scolarité. Ou, encore, augmentation des détachements dans d’autres administrations. Si ces motifs sont vraisemblablement à prendre en considération, il en existe d’autres auxquels les juges ne font pas allusion et qui sont pourtant bien réels.

Les promesses de recrutements effectuées par les gouvernements qui se sont succédé au cours de ces dernières années n’ont pu être tenues que grâce à une forte diminution des exigences qualitatives des candidats. Ainsi, le taux d’admission dans la police nationale est-il passé de 2 %, en 2014, à 18 %, en 2020. Ce même taux était alors de 20 % pour la gendarmerie nationale. C’est donc au seul prix de concessions fortes sur la qualité des recrutements que l’objectif de 10.000 policiers et gendarmes supplémentaires sur la période 2017-2022 a pu être tenu.

Dans ces conditions, ce sont des éléments souvent peu motivés qui se sont retrouvés en école ou dans les services et qui, découvrant les contraintes fortes de métiers difficiles et exposés, ont préféré démissionner avant même la fin de leur formation ou au tout début de leur carrière.

En réalité, ces vagues de départs massifs démontrent plusieurs choses. La première d’entre elles est de prouver que l’argent ne constitue plus une réponse suffisante au manque de personnels. Ainsi, les revalorisations importantes qui ont profité aux forces de l’ordre depuis 2016 (+730 millions d’euros de 2016 à 2022 et +1.473 millions d’euros programmés sur la période 2023 à 2027) ne permettront pas d’atteindre les objectifs en matière de recrutement.

Ces éléments d’analyse prouvent ainsi, si besoin en était, que le malaise qui touche les policiers et les gendarmes devra être résolu autrement.

D’abord, en révisant de fond en comble l’organisation et les conditions de travail des policiers et des gendarmes. Suremployés et surexposés depuis plusieurs années, les limites de l’exercice ont été atteintes et l’épuisement physique et psychologique qui sévit désormais de manière chronique au sein des forces de l’ordre devient un véritable enjeu en termes d’emploi des forces.

En second lieu, les risques physiques, mais aussi administratifs et juridiques, pris par les policiers et les gendarmes au cours de leurs missions deviennent disproportionnés. Mal soutenus par leurs hiérarchies respectives, les effectifs de terrain finissent par baisser les bras.

Enfin, conscients pour nombre d’entre eux de n’être plus qu’au service d’un pouvoir et non au service de la nation, c’est tout un idéal qui s’envole et finit par désespérer les plus motivés.

Face à une criminalité de plus en plus violente et à une contestation sociale qui, faute de dialogue, se radicalise, de nombreux policiers et gendarmes sont aujourd’hui en perte de repères. C’est donc tout un travail de reconstruction de l’édifice sécuritaire qu’il faut entreprendre, en replaçant la nation et le citoyen au centre des préoccupations. C’est aussi à ce seul prix que nos forces de l’ordre pourront redonner du sens à leurs missions et opérer la grande réconciliation que les Français attendent.

Olivier Damien
Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

Vos commentaires

26 commentaires

  1. Rien de surprenant , comment être motivé quand celui que vous arrêté à juste raison est relâché presque aussitôt.
    Quand vous subissez des caillassages sans pouvoir répliqué, si vous répliqué vous risqué de vous retrouvé face à l’IGPN . Quand un simple contrôle routier se transforme en mission à haut risque, etc ,etc…

  2. Vous oubliez de mentionner une chose essentielle mr le commissaire divisionnaire honoraire, la gestion lamentable des RH, les petits et grands chefs, qui pour mener à bien leurs carrières gèrent leur hommes non pas pour leur bien vivre mais pour plaire au pouvoir, les services qui ne permettent aucune, ou très peu, de vie familiale et sociale, les repos qui sautent pour un oui ou un non, et je ne listerais pas tout, il y a trop de choses à dire. Bien sûr, lorsqu on s engagé, on sait tout cela, enfin pas tout, mais la disproportion entre la société civile et les FO est devenue trop importante.

  3. Se rendre compte du mutisme de celui qui est en charge de notre nation est une évidence criante de la soumission de notre pays à l’union Européenne et dont certains autre pays non Européen se frottent les mains tel les états unis et les pays du Maghreb en passant par la Turquie d’Erdogan. Vont ils s’entendent sur la dépouille de la bête, pas sure.

  4. Comment ce fait il que l’on nous parle plus des fdo suicidé ou est ce peut être que la dictature de micron a verrouillé les informations à ce sujet

  5. Rien d’étonnant. La contribution des FDO dépasse l’entendement. Les personnels de terrain ne sont pas soutenus réellement par leur hiérarchie ainsi que la magistrature qui ne suit plus. Comment concevoir qu un être humain à l’occasion de son travail doit se laisser insulter, cracher dessus, recevoir des projectiles qui peuvent être mortels, sans broncher, juste canaliser des rues pour empêcher des fous, des racailles, des tueurs en puissance ? Comment concevoir que dès lors qu’il réagit violemment et pour cause qu’il se retrouve poursuivi par la justice ? Il n’y a plus de reconnaissance de l’autorité des FDO qui sont le dernier rempart de la République avant l’anarchie. Ne nous étonnons plus de ces démissions. Les soutiens verbaux du gouvernement sont devenus du ridicule. La France est devenue une république bananiere.

  6. Désormais le recrutement devra se faire, comme pour l’E.N., = Savoir lire et écrire (?) suffiront .

  7. Les motifs de départ les plus connus sont les suivants :
    – refus de devoir assurer des missions devenues inutiles au regard du laxisme judiciaire.
    – refus d’assurer certaines missions de répression sur le peuple.
    – danger réel des missions face aux éléments les plus incontrôlables.
    – pour d’autres regret ne pas pouvoir taper librement et plus fort sur les populations.

  8. C’est beau d’espérer et non rêver. Mais rien ne changera et la démission et le manque de courage de beaucoup amène la chute, puis la disparition d’une nation.

  9. Quand je suis « entré » dans la carrière, nous étions choisis par le concours, séduits par une formation et un métier qui s’annonçait valorisant. Nous venions du monde ouvrier et notre carrière dans la police était la promesse d’une élévation significative de notre niveau social. Nous arrivions au sein d’une sorte de confrérie où l’humain avait quant même sa place. Au fil du temps j’ai vu tout cela se déliter à grande vitesse (je suis arrivé à la période « Mitterrand »…). L’orientation de notre emploi est devenu versatile et nos conditions de travail se sont rapidement dégradées. Entre manque d’effectif chronique et fausses bonnes idées faisant de nous des pions à la solde de l’air du temps et du politique, l’institution s’est dégradée. La RGPP est venue donner le coup de grâce au malade ; les « techno » sont entrés dans la place… Ce qui m’a fait le plus de mal est la dégradation de l’image de l’institution auprès la populations que nous servions. Pendant 40 ans, j’ai travaillé avec des gens qui se donnaient sans compter (du Gardien à l’Officier) et à qui on infligeait des tâches allant tour à tour de l’utile à l’absurde, à qui on imposait des procédures toujours plus complexes avec des formations pour le moins légères et surtout sans aucun retour. Partant de là, comment voulez vous que les personnels s’impliquent ? Quant au recrutement, allez donc faire rêver des jeunes (qui sortent bien souvent d’un environnement universitaire) avec un bas salaire, une affectation en région parisienne pour 8 ans mini, des conditions de travail que l’on connait en banlieue. En clair, il vaut mieux rester chez soi au SMIC que de « monter » à Paris pour un salaire qui ne permet pas de vivre dans des condition décentes et avec la crainte permanente d’avoir mal fait… J’ai quitté le métier avec une vision pessimiste en l’avenir et un peu d’amertume. Au final, les Français auront la police qu’ils méritent…

    • Je ne suis pas d’accord avec votre dernière phrase, ce ne sont pas les français qui sont responsables du délitement de la police, de l’éducation nationale, des hôpitaux et de l’ensemble des divers services de l’état. Ce sont tous les hommes politiques de gauche depuis 1981 qui sont responsables de notre chute ainsi que les abstentionnistes qui ne se sont pas dérangés pour aller voter et montrer leur mécontentement. La réélection de macron, destructeur de notre nation et traître à la France et aux français, en est l’exemple exact.

  10. Pas étonnant qu’après on ait des « zombies » qui tirent au LBD sur les honnètes gens ! Mais tout cela n’est-il pas voulu pour mieux destabiliser ce qu’il reste de ce pays ?

  11. A leur lace moi aussi je démissionnerais ils en ont marre de risquer leurs vies ,ils ont le droit de se faire blessés ou tuer mais eux ils n’ont pas le droit de se défendre et d’employer la manière forte pour maintenir l’ordre .

  12. Quand les forces de l’ordre sont utilisées comme des milices privées, aux frais des contribuables, il y a de quoi se poser des questions…

    • Oui, mais la milice pourrait aussi arrêter de défendre leur « donneurs d’ordre », le statut de la fonction publique l’autorise: « quand un ordre est manifestement illégal …. »

  13. « C’est donc tout un travail de reconstruction de l’édifice sécuritaire qu’il faut entreprendre, en replaçant la nation et le citoyen au centre des préoccupations. » : c’est vrai et ce n’est pas macron et sa glorieuse équipe qui sont susceptibles ni d’aileurs simplement capables, et encore moins désireux d’accomplir ce travail indispensable.

  14. Nos pseudo-dirigeants (qui en fait ne dirigent rien mais exécutent) sont tellement hors-sols avec un « S » qu’ils n’ont toujours pas compris que l’exaspération ressentie parmi nos gendarmes, nos policiers et l’armée en général va entraîner à cours terme un manque de vocations voire de démissions, j’attends avec une certaine impatience la confrontation avec la réalité de la rue et de ce que vivent les français ! Leur problème actuellement est l’occupation des résidences secondaires pas de l’invasion migratoire qui elle ne paiera jamais leurs retraites dorées !

    • Non seulement ces migrants ne cotiseront pas pour les retraites mais il faudra leur en payer une…

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