[TRIBUNE] Règlements de comptes à Sevran : des trafics de stup XXL

Gérald Darmanin croit-il vraiment pouvoir gagner la partie qu’il semble vouloir jouer contre les narco-trafiquants avec ses « opérations Place nette XXL » ? L’actualité de ces derniers jours vient de lui apporter un puissant démenti. À 48 heures d’intervalle, dans ce quartier de Sevran qui avait fait l’objet, il y a à peine quelques semaines (le 25 mars dernier), d’une opération anti-drogue, deux règlements de comptes, peut-être liés, viennent de se jouer entre criminels. Le premier, vendredi dernier, a fait un mort et six blessés. Le second, ce dimanche, a provoqué la mort de deux individus âgés de 33 et 35 ans, lesquels étaient déjà connus pour violences et trafics de stupéfiants.

Tenter de rassurer

Comme il fallait s’y attendre, les « opérations Place nette » du ministre de l’Intérieur, en dehors de leur portée médiatique, ne résolvent rien sur le fond. Quelques interpellations, dont on ignore le plus souvent les suites judiciaires, de maigres saisies au moment de leurs mises en œuvre et une forte communication destinée à tenter de rassurer les habitants de ces quartiers qui n’en peuvent plus de l’insécurité vécue au quotidien. C’est à peu près le seul résultat que l’on peut attendre de ce qui relève plus de la gesticulation sécuritaire que du travail de fond qui s’imposerait en de telles circonstances.

En revanche, « le coup de pied dans la fourmilière » revendiqué par nos autorités s’avère extrêmement intéressant pour certaines bandes, qui n’en n’espéraient pas tant de la part de la police. La perturbation indéniable du trafic local de stupéfiants occasionnée par ces opérations coup de poing a pour effet direct de provoquer une redistribution des cartes. Profitant de l’affaiblissement momentané des tenants du marché, d’autres trafiquants y voient une occasion rêvée pour reprendre la main dans des quartiers d’où, bien souvent, ils avaient été préalablement évincés par la concurrence. Ces opérations « XXL » dont se rengorge Gérald Darmanin ne font donc que réactiver la violence et les tueries, avec tous les risques de dommages collatéraux que cela implique. Sans pour autant, malheureusement, mettre un terme définitif à des trafics qui restent de plus en plus nombreux et de plus en plus lucratifs.

Amateurisme, et rodomontades

Pour ne pas être en reste de communication, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti vient d’annoncer qu’il voulait mettre en place un « parquet national anticriminalité organisée » (PNACO). Si l’on ne peut que se réjouir d’une telle initiative venant d’un homme qui, jusque-là, n’a pas fait grand-chose de positif pour améliorer la sécurité dans notre pays, on peut s’étonner qu’elle intervienne quelques semaines seulement après la réforme catastrophique qui a touché la police judiciaire. Cette réforme, voulue par Gérald Darmanin mais dénoncée par de très nombreux policiers spécialisés et magistrats, devait permettre d’améliorer la lutte contre la délinquance et d’augmenter les taux d’élucidations en matière judiciaire. Bien entendu, non seulement ces derniers ne s’améliorent pas, mais ils s’effondrent ! Plus encore, cette réforme a créé un vrai malaise au sein de la police judiciaire, qui a vu un grand nombre d’enquêteurs chevronnés demander leur mutation. Dès lors, quel intérêt de créer ce nouveau parquet national anticriminalité organisée, alors que la police judiciaire est, pour sa part, totalement désorganisée ? Une fois encore, ce sont les criminels et trafiquants de tous poils qui tireront parti de ces initiatives gouvernementales irréfléchies, ineptes et contre productives.

La lutte contre le spectre haut de la criminalité demande des moyens humains, financiers et matériels importants. Elle demande également du temps, notamment parce que le cadre procédural, qu’il faudra bien changer un jour, est extrêmement contraignant, voire paralysant, pour les services de police et de gendarmerie. Pour ce qui est de la lutte contre le trafic de stupéfiants, il faut également une étroite coopération entres les États, coopération qui n’existe pas, ou pas suffisamment aujourd’hui. Tout le reste n’est qu’amateurisme et rodomontades !

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