[Tribune] Retraites : pour Emmanuel Macron, une victoire à la Pyrrhus

MACRON 220323

Rarement intervention présidentielle aura été aussi inadaptée à la situation politique et sociale que celle d’Emmanuel Macron, le 22 mars. Après la reculade devant le risque de voir le projet de loi sur les retraites rejeté par le Parlement, le recours à l’article 49.3 de la Constitution avait soulevé l’indignation, la colère ou l’incompréhension. L’échec des motions de censure déposées contre le gouvernement Borne a effectivement permis d’entériner la réforme de façon parfaitement constitutionnelle. Mais rien dans les propos présidentiels ne sonnait juste. Ni le ton, ni les mots, ni l’expression. Présenter cette manœuvre politique comme un succès ne pouvait qu’exaspérer le ressentiment et prétendre ouvrir des négociations sociales sur le travail apparaissait comme une provocation. À cet égard, l’attitude des élus de la majorité et de Mme Borne fut tout aussi maladroite. Plutôt que de s’autocongratuler et de s’applaudir, il eût été plus sage de faire preuve de modestie après une victoire s’inscrivant certes dans le cadre constitutionnel, mais assez peu glorieuse.

Il est une règle d’or en politique : il ne faut jamais humilier l’adversaire. Or, tout dans l’attitude de M. Macron semblait fait pour humilier ceux qui avaient combattu la réforme des retraites. Il en ressortait la désagréable impression d’un pouvoir technocratique muré dans son isolement et à la limite d’un mépris sarcastique. Ce qui n’est pas la meilleure voie pour renouer le dialogue.

De cette confrontation entre le pouvoir, l’opposition, notamment de gauche et d’extrême gauche, et les syndicats, la France ressort cabossée. Il est surprenant de constater combien la question des retraites hystérise les rapports sociaux. Un système fondé sur la répartition suppose un ratio entre les actifs et les inactifs qui permette de soutenir ce système dans la durée. Deux données sont essentielles : la démographie et le taux d’emploi de la population active, en particulier celui des seniors. Donc la politique familiale et la question du travail et de la formation au long de la vie professionnelle. Or, ces deux sujets ont été à peine abordés, ou de façon superficielle. Ils impliquent une vision large et d’avenir, ce qui, à l’évidence, n’est pas la caractéristique des politiques technocratiques et idéologiques que nous subissons depuis des décennies.

Une réforme était inévitable en raison des données démographiques. Mais elle a été mal menée politiquement et mal conçue. De surcroît avec des absurdités pour un système par répartition telles que le traitement défavorable des femmes qui ont été mères de famille et dont la carrière a pu être interrompue.

Mais elle a aussi révélé la frustration croissante de la population française qui n’en peut plus des conséquences des politiques technocratiques menées depuis des décennies pour se conformer aux oukases de Bruxelles, aux impératifs de la mondialisation, et pour pallier l’endettement déraisonnable du pays. Le tout sur fond d’idéologies de la déconstruction qui ruinent petit à petit tous les cadres qui permettent à une société de vivre en harmonie.

Cette frustration, aggravée par l’attitude, les paroles et les comportements du président de la République, qui a cristallisé une forme de détestation sur sa personne alors qu’il vient d’être largement réélu, a fait le lit d’une extrême gauche révolutionnaire. Celle-ci incite quasiment à l’insurrection et se grise de discours d’inspiration marxiste-léniniste ou trotskiste. Ce qui ne fait que confirmer que l’expérience des autres ne sert à rien puisque l’échec effroyable, sur tous les plans et notamment humain, des régimes inspirés par ces idéologies ne sert pas de leçons à nos apprentis révolutionnaires.

Face à ces poussées révolutionnaires, la République est évidemment mal à l’aise. Comment, en effet, désapprouver la révolution quand on en est la fille ? Il demeure que l’on sent que la lassitude et la résignation ont fait place à une sourde colère qui peut aisément dégénérer. Triste signe, la République française n’est même plus capable d’accueillir le roi d’Angleterre qui lui réservait pourtant sa première visite d’État hors du royaume. Ce sera donc l’Allemagne. Symbole révélateur de qui dirige, en fait, l’Union européenne. En attendant, le palais de Buckingham communique : « Leurs Majestés se réjouissent de l’occasion de se rendre en France dès que des dates pourront être trouvées. » Flegme et humour britanniques tout autant que charme discret de la monarchie. Une fois encore, la République fait pâle figure.

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

18 commentaires

  1. Voilà le résultat : Les Français ont pris l’habitude de voter avec les pieds…. qu’ils ne se plaignent pas maintenant !
    Quand on pense que le L.F.I. a voté MACRON …….. il reçoit l’effet boomerang …… en pleine poire !

  2. Je m’étonne que vous puissiez écrire que monsieur Macron a été  » largement réélu « … Un viel adage dit :  » Au premier tour on choisit, au deuxième on élimine. « … Or au premier tour monsieur Macron à fait 27% des voix, soit moins d’1/3 des exprimés et 20% des inscrits. Au 2è tour, il n’est passé que parce que la gauche voulait éliminer MLP. C’est une élection par défaut… Et les législatives qui ne lui ont pas donné de majorité le prouvent. Il devrait faire  » profil bas  » et au lieu de cela il toise les Français comme s’il avait reçu un plebiscite.

  3. Bien sûr tout est juste dans votre article , avant d’en venir à augmenter l’âge de la retraite, il eut fallu regarder pourquoi peu de gens travaillent et donc de continuer à faire porter sur les épaules de ceux qui travaillent, le poids du financement des caisses de retraite , et mettre au jour toutes les injustices qui émaillent notre société, comme les soins gratuits et les retraites à ceux qui ne cotisent pas ! Il me vient une réflexion, qui date d’un certain temps, la gauche a mis en place les 35 h, et ce fut critiqué ! pour autant, quand la Droite est revenue au pouvoir, elle n’a rien changé ! et donc nous revoilà à travailler plus longtemps, dans le temps ! Une autre réflexion, et vous n’en parlez pas, c’est Mme Touraine , de gauche, qui avait initié cette augmentation du travail dans le temps ! difficile d’y retrouver ses petits ! . Il y a un tel mécontentement, que nous allons revenir sur cette loi dans le prochain quinquénnat ! quand allons nous observer un compromis stable ?

  4. Il ne changera jamais ce pitoyable pantin ! Il a maintenant gagné à juste titre la haine d’une bonne partie des français !
    Je ne supporte plus de voir sa gueule sur un écran de télévision ! J’espère que surviendra un évènement qui lui fera quitter cette responsabilité qu’il n’est plus digne d’assumer. On n’avait jamais vu une telle arrogance, un tel mépris, un narcissisme, un ego aussi boursouflé, un cynisme doublé de lâcheté ! Hélas 4 années à devoir le supporter, c’est trop long !

  5. Sur les retraites on entend des contre-vérités même de la part d’économistes médiatiques.
    1 – la retraite par répartition n’est pas un système de Ponzi , ce système consiste à capter de l’épargne et de la rémunérer en partie en puisant sur cette épargne. La retraite par répartition n’est pas une épargne.
    2 – La retraite par répartition les cotisants paient la retraite des retraités , quand le nombre de cotisants baisse et le nombre de retraités augmente , il faut allonger la durée de cotisation ou baisser le montant des retraites.
    3 – La retraite par capitalistation , les actifs achètent des produits financiers , les retraités vendent leurs produits financiers , si le nombre d’acheteurs baisse et le nombre de vendeurs augmente , loi de l’offre et de la demande , le montant des retraites baisse.
    4 – La retraite par capitalisation , les produits financiers sont soumis aux aléas des marchés , et peuvent subir des pertes. Ne pas oublier qu’après guerre on a mis en place un sytème par répartition car le système par capitalisation avait ruiné de nombreux retraités.

  6. Macron l’incendiaire attise les flammes de la colère nationale en jetant de l’huile pour sur le feu. Serait ce une manière de se saborder, de provoquer ou alors pure folie ? Il met volontairement le pays en danger en affichant un mépris jamais vu de la part d’un président de la République. Il n’est plus à sa place.

  7. La cerise sur le gâteau : le coup de la montre (d’une valeur de 80.000€, semble-t-il) discrètement retirée du poignet gauche alors qu’il évoquait la nécessité d’un nouvel effort financier des Français.
    La prochaine fois, il s’achètera une Kelton chez Carrefour.

  8. Je suis, à titre personnel, un « retraité actif », autant dire que je ne partage pas forcément l’avis d’une majorité de Français…Mais l’on sent bien, tout de même, que le pouvoir macronien, qui méprise tant le peuple qu’il est censé diriger, n’a plus de réelle légitimité.

  9. Pourquoi voudriez-vous que cet individu méprisant, arrogant et tellement imbu de « sa haute grandeur » fasse usage de la politesse des rois et condescende à reconnaître son échec patent dans le maintient de la sécurité des biens et des personnes sur le territoire de la République française ? Non, il est trop cuistre pour cela !

  10. Emmanuel Macron a réussi l’exploit de faire passer sa retraite contre presque quatre Français sur cinq et sans à ce jour un seul mort. C’est une brillante victoire politique pour ceux qui l’on fait roi et nous avons encore quatre années devant nous, et elles vont être longues, pour qu’il puisse faire encore mieux.

  11. Macron a ainsi montré à Charles III qui était le maître de l’Europe – à ne pas confondre avec l’UE -, qui méritait l’honneur d’une première visite.

  12. … « C’est une révolte ? – Non, Sire, c’est une révolution »*
    Il est complètement à côté de la plaque Macron, jamais un président ; même Hollande roi de la bourde ; ne s’est adressé aux français comme Macron le fait, aidé de son légendaire vocabulaire woke, décalé, mais se voulant volontairement insultant.
    Macron se dit apaisant, mais du haut de son olympe il ne fait que souffler sur les braises qu’il a lui-même allumées.
    70%+ des français en on ras-le-bol de ce petit mec prétentieux et méprisant.
    L’atmosphère française est explosive, mais Macron refuse de le voir, ou feint de.
    Jusqu’au jour où, poubelles parisiennes ou pas, l’explosion se traduira en révolution, nous y sommes presque.
    Même Charles III et sa Reine Consort tenant à leur tête, refuse de fouler le sol français…
    Ou est donc passée l’Entente Cordiale
    * Duc de La Rochefoucauld-Liancourt, 1789.

    • il souffle sur les brises depuis 2017, on n’y a pas prêté attention : les français étaient tournés vers le Covid et masqués, n’ont pas senti la poudre.
      Depuis 2017 il ne manque aucune occasion de montrer ou de dire son mépris aux Français, mais beaucoup n’ont pas vu ni entendu car hypnotisés par les messages de peur liés au covid pendant 2 ans,
      Depuis 2017 il continue à souffler sur les braises et la Maison France risque de brûler, ce n’est pas son souci.
      Cela ne sera jamais son souci.

  13. Ahhh il est beau le conquérant et l’ambitieux . Il ferait pas mal de de remettre en accord avec lui-même !

  14. La royale visite est annulée, le prochain marathon de Paris pourrait être reporté…
    Devant le spectacle en mondovision de Paris en feu, sous les ordures et infesté de rats, il n’est pas impossible que le CIO décide de nous retirer les JO 2024.
    Comme disait Veran à propos de la « baignabilité » de la Seine : nous ne sommes pas à l’abri d’un exploit !

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