[TRIBUNE] Robert Ménard est-il contre l’amour ?

Capture écran AFP
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Ainsi Robert Ménard a-t-il refusé de marier un étranger, visé par une obligation de quitter le territoire français, au motif que le futur marié était censé ne pas être dans la salle des mariages ce jour-là.

Et voilà le maire de Béziers traduit devant les tribunaux pour avoir refusé d’officier. Le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a même pu dire que le droit donnait peut-être – éventuellement, allez savoir, hein, après tout - raison à Robert Ménard, mais qu’il ne voyait pas de raison de ne pas donner droit à l’amour de futurs époux. De sorte que la question qui se pose n’est pas, comme on pourrait le croire rapidement, « Robert Ménard est-il un hors-la-loi ? » mais plutôt « Robert Ménard est-il contre l’amour ? » Autrement dit, est-il seulement un délinquant ou bien un élu local hargneux et de mauvaise humeur ?

Le mariage civil est un acte de droit, pas d'amour

Pour commencer, il faut rappeler ce qu’est un mariage civil. L’amour n’y tient aucune place. L’officier d'état civil, en l’occurrence le maire, est là pour enregistrer le consentement des deux époux à respecter les engagements qui leur sont imposés par le droit : la vie commune, la prise en charge réciproque, l’éducation des enfants. Le sujet est celui-ci : les mariés récupèrent, en se mariant, des droits et des devoirs auprès de la nation. Pour cette raison, le corps social représenté par le maire et les témoins s’assure du fait que le consentement des mariés à ces devoirs est clair et formel. C’est sec. Sans poésie. Sans adjectif. Sans romance. Mais c’est du droit. Que les mariés s’aiment ou pas n’est pas l’affaire du maire. Les témoins des mariés ne sont pas non plus présents pour certifier que les mariés s’aiment. Le mariage civil est un acte public, un contrat, dont l’officier d’état civil ne mesure que la formalité. L’amour ne fait partie ni de sa compétence, ni de son champ d’action, ni de son périmètre de surveillance – et heureusement ! L’amour se joue (tant mieux pour les mariés) ailleurs. Du reste, a-t-on jamais vu quelqu’un aller demander la main de sa promise, un manuel de droit sous le bras et déclamant : « Au nom des articles tant, tant et tant du Code civil, j’ai l’honneur de te demander en mariage » ? Arrêtons cette pantalonnade : le maire de Béziers n’est pas contre l’amour, il joue son rôle, celui que lui confère la loi. Il est lunaire qu’on lui en fasse le reproche !

Et puis, Robert Ménard doit avoir à l’esprit cette idée que les principes du droit s’appliquent encore – après tout, pourquoi pas ? En particulier, celui-ci : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. » Autrement dit, on ne peut pas demander à bénéficier d’un droit découlant d’une situation qu’on a créée en commettant une faute. Typiquement, vous ne pourrez pas réclamer la pension de réversion après le décès de votre conjoint si c’est vous qui l’avez tué. Ou, encore, vous ne serez pas dédommagé si on vous a volé la voiture que vous aviez vous-même, auparavant, volée à quelqu’un d’autre. Ici, une personne qui n’a pas le droit de se tenir sur le territoire français demande malgré tout à y être mariée. Cela veut bien dire « tirer avantage ou droit d’une situation qu’on a créée par sa propre faute », laquelle faute a été sanctionnée par l’obligation de quitter le territoire. Il n’y a donc pas lieu de marier cet homme – qui a par ailleurs toute liberté d’aller se marier dans un autre pays. Ça peut paraître rude, mais les règles sont rudes pour tout le monde. Point final.

Gentilles et méchantes OQTF ?

Enfin, on reproche à Robert Ménard d’avoir méconnu qu’il y aurait, en fait, diverses catégories d’OQTF. Et que ces diverses catégories devraient être traitées en fonction de la situation des personnes. Ainsi, par exemple, on ne pourrait jamais marier un individu dangereux, criminel, récidiviste, frappé d’une OQTF en raison de sa dangerosité. Mais Robert Ménard devait marier celui qui s’est présenté devant lui, voleur de bicyclette repenti, et sur le point de convoler sincèrement, au motif qu’il serait inoffensif et inséré. Et on demanderait aux maires d’apprécier eux-mêmes ce genre de circonstances et de « trier » entre les OQTF « hard » et les « soft ». Mais le droit ne connaît qu’une catégorie d’OQTF : celle qui oblige à quitter le territoire national. Autrement dit, il reviendrait au maire d’appliquer la loi de manière variable, en fonction de son appréciation subjective et, pourquoi pas, de son humeur…

Mais rien de tout cela n’est en son pouvoir. La loi est la loi. Les décisions de l’État s’appliquent au maire, et les OQTF retirent tout droit à ceux qui en sont l’objet, à part celui d’être traité dignement. Il n’y a pas en l’espèce de pouvoir d’appréciation du maire, et il ne peut pas y en avoir. Imagine-t-on entendre les mêmes arguments en matière de droit de l’urbanisme ou de fiscalité ? Et, pendant qu’on y est, pourquoi pas autoriser les maires à couper les crédits aux écoles primaires dans lesquelles on fait la publicité de la transition de genre ? Ceci est absurde : le maire est non seulement dans son droit et dans son devoir, chaque fois qu'il fait respecter les décisions de l’État et leurs conséquences. C’est même sa première obligation.

Et l’amour, dans tout ça ? C’est comme d’habitude. Le maire de Béziers rappelle qu’aucun désir individuel ne doit l’emporter sur la force de l’institution. Et que l’amour, comme la foi ou la liberté de conscience, n’est pas une raison qui justifie de troubler l’ordre public, c'est-à-dire d'être hors la loi. Et c’est, au fond, pour cela que le maire de Béziers est traité comme un affreux salopard – il a du caractère, certes, mais c’est tout de même très exagéré ! Contre lui, on fait dans le sentiment. On donne droit à la guimauve dégoulinante qui fait tant de mal à notre société. On ferait bien mieux d’écouter non pas les experts d’un jour ou les amateurs de romans de gare, mais plutôt les élus locaux qui accomplissent leur devoir et qui aiment... le respect de la loi !

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Jean-Frédéric Poisson
Ancien député des Yvelines, président de VIA - La Voie du Peuple

Vos commentaires

64 commentaires

  1. Quand on est capable de juger sans procès par le truchement du « mur des c… », on serait bien capable de condamner le courage exemplaire d’un Robert Ménard. Tenez bon Monsieur Ménard. Votre mésaventure risquera bien de faire lever beaucoup beaucoup de boucliers.

  2. L’amour n’a rien à voir dans cette affaire, c’est complètement stupide. Le sujet, c’est le DROIT et cet OQTF est hors la loi, donc ce mariage est impossible et si le Maire avait validé cette union, il aurait été lui aussi hors la loi.

  3. Robert Ménard : un homme (un vrai) qui ne recul pas ! Bravo à lui qui a décidé, à juste titre, de confronter l’administration et la justice à leurs propres contradictions !
    Voilà un homme qui aurait mérité de conduire un gouvernement…

    Et l’amour dans tout ça ? La pôvre femme qui a dit tout et son contraire devant la caméra semblait bien téléguidée par son avocate…

    Pourquoi pas élire un maire sous OQTF ?

  4. Mr. Ménard est maire de sa commune et qui dit maire , dit commissaire de police . Ceci étant , un OQTF doit à ce moment être arrêté par la police, donc le maire peut l’arrêter et le mettre en centre de rétention et de ce fait aucune obligation de marier ce migrant . Bravo Mr. Ménard

  5. Robert MENARD n’est certainement pas contre l’amour mais, pour la cohérence et le respect de la loi. Comment peut-on marier une personne qui ne doit – à priori – pas être sur notre territoire. Il n’y a que des imbéciles pour adhérer à de telles aberrations.

  6. Dès lors que la décision d’expulsion est antérieure à la date retenue pour le mariage, un maire n’est pas tenu de marier un étranger à fortiori repris de justice.
    qui ne devrait plus être en France.
    Si la « fiancée » tient absolument à ce mariage, qu’elle aille concrétiser dans le pays de son futur époux.

  7. Si cette femme aime cet OQTF délinquant autant qu’elle le prétend pourquoi ne l’a t’elle pas rejoint en Algerie pour s’y marier avec bien sûr ses trois enfants qu’il aime déjà comme les siens. On parle d’amour bien sûr pas de papiers ou d’allocations sociales.

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