[TRIBUNE] : Stratégie agricole de Bruxelles : où va l’Europe ?

AGRICULTURE

Approuvée en octobre dernier par le Parlement européen, la stratégie « De la ferme à la fourchette » (Farm to Fork) de la Commission européenne continue d’alimenter la littérature tant agricole qu’économique. Déclinaison agricole du Pacte vert, elle se donne pour objectif de parvenir à une alimentation « saine, équitable et respectueuse de l’environnement », participant ainsi à l’objectif général « zéro pollution » à l’horizon 2050.

Cette stratégie, qui n’est qu’une déclaration sans valeur juridique, devra être mise en œuvre au moyen d’une impressionnante série de règlements et de directives. Pas moins de 27 textes seront ainsi nécessaires pour mettre en mouvement cette feuille de route, véritable marathon législatif qui nécessitera plusieurs années pour aboutir.

Derrière un voile de bonnes intentions aussi variées que l’action climatique ou les efforts en faveur du bien-être animal, les objectifs qu’elle impose à l’horizon 2030 n’ont pas manqué de faire réagir. Parmi ces ambitions, certaines inquiètent le monde agricole : diminution de 50 % de l’utilisation de pesticides, de 50 % d’antimicrobiens pour les animaux d’élevage, de 20 % des engrais, objectif de consacrer 25 % des terres agricoles à l’agriculture biologique (alors qu’elle n’en représente que 8 % aujourd’hui)... De telles exigences sont de nature à diminuer la production agricole européenne. Dans un contexte mondial marqué par la hausse démographique et la sous-nutrition endémique d’une partie de la planète, elles ont de quoi interroger.

Pas moins de quatre études différentes, dont la dernière provenant de l’université de Wageningen aux Pays-Bas, prévoient des conséquences désastreuses pour la sécurité alimentaire européenne. Toutes annoncent des baisses irrémédiables de production. Pour la France, cela revient, entre autres, à sacrifier 10 % de nos betteraves, 11 % de notre blé, 28 % de notre vin et 30 % de nos pommes. Cerise sur le gâteau : le gain serait quasiment nul pour l’environnement, car la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne résultant de ce sacrifice serait largement compensée par leur augmentation dans le reste du monde du fait de la hausse des importations consécutive à ces baisses de production.

Symbole de son embarras, la Commission a sciemment dissimulé sa propre étude qui confirme ce constat accablant de chute de la production agricole européenne. Les deux colégislateurs - Parlement européen et Conseil - n’ont pu y avoir accès que sept mois après son achèvement, alors que leur travail de négociation de la nouvelle Politique agricole commune était déjà quasiment terminé !

À Strasbourg, en dépit de ce scandale, les eurodéputés macronistes ont approuvé cette politique délétère et voté en faveur de cette stratégie Farm to Fork. Les élus RN, dont je fais partie, ont, à l’inverse, dénoncé cette stratégie funeste. Non seulement pour s’opposer à ses effets destructeurs pour notre agriculture, mais aussi et surtout afin d’éviter qu’elle ne vienne influencer la mise en œuvre de la nouvelle Politique agricole commune.

Il est, en effet, important de dissocier cette stratégie de la nouvelle Politique agricole commune (PAC), dont l’entrée en vigueur est prévue pour janvier 2023. Si la première est assurément catastrophique pour notre autonomie alimentaire, la seconde permet paradoxalement de rendre aux États membres la compétence de fixer eux-mêmes leurs priorités agricoles dans le cadre de « plans stratégiques nationaux », dont la création est la nouveauté la plus marquante de la nouvelle PAC par rapport à l’ancienne.

Ces plans stratégiques nationaux sont la preuve tangible d’une « renationalisation » de la PAC. Actuellement en cours de négociation avec la Commission, ils apportent l’immense espoir d’une meilleure adaptation de la politique agricole européenne aux besoins des États membres et de leurs agriculteurs. C’est pourquoi la délégation RN a voté en faveur de cette nouvelle PAC.

Mais pour que cet espoir se réalise, chaque État membre devra âprement se battre et résister à la tentative de la Commission de profiter de la négociation de son plan stratégique national pour y instiller ses folles idées.

 

Gilles Lebreton
Gilles Lebreton
Député RN au Parlement européen, membre de la commission Agriculture

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Je ne rejoins pas complètement votre opinion, les français sont les champions des pesticides, quand on voit l’explosion des cancers en particulier chez les agriculteurs et dans la population, il serait bon d’inverser la vapeur. De même pour le bio, sa naissance n’est pas d’hier … je crois sincèrement que la FNSEA freine des 4 fers mais pas pour de bonnes raisons

  2. Les propositions de l Europe sont suicidaires pour la France elle-même et les autres pays qui composent l Europe .
    L europe veut notre PERTE et notre SOUMISSION , c est désespérant …

  3. Désinformation quand tu nous tiens!! ces pourcentages de diminution de production sont probables pendant la période de passage au bio; mais après non! De plus ils sont loin en dessous des 40% de gaspillage de nourriture en Europe: alors, commençons par ne plus gaspiller, ne plus trop manger, et nous ne serons pas en sous production, loin de là: nos besoins seront largement satisfaits!

  4. Contre quoi bataillez-vous exactement ? Les directives de la PAC, conjuguées aux injonctions de la FNSEA, sont un désastre depuis leur existence, tant pour le monde agricole que pour les consommateurs: démembrement des cultures, agriculture intensive, avec perte avérée de la biodiversité : terres mortes, pollution des sols, des nappes phréatiques, pour des décennies, etc… En quoi un changement peut-il être pire ?

    • La FNSEA ne donne aucune injonction à ses adhérents concernant leur façon de travailler chez eux. Il y a un moyen de résoudre ce problème de ZNT: c’est de pulvériser la nuit, ce qui permet de profiter de l’absence de vent et d’une bonne hygrométrie. C’est un problème d’organisation du travail.

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