[Tribune] Syndicat de la magistrature : 40 ans de scandale mais toujours débout

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Le Syndicat de la magistrature, qui représente environ un tiers des magistrats, sera présent à la Fête de l’Humanité, ce weekend, pour débattre des violences policières « en présence de députés et représentants de la NUPES », précise-t-il sur son tract.

Cette présence fait scandale à juste titre, mais n’est qu’un épisode de plus sur la longue liste des « affaires » du Syndicat de la magistrature, qui flirte depuis quarante ans avec la politique.

Des juges partiaux ?

« Soyez partiaux […] Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, l’ouvrier contre le patron, le voleur contre la police. » Ce sont ces mots, que l’on aurait pu retrouver dans la bouche de tout militant d’extrême gauche, qui ont accueilli les jeunes recrues de la magistrature en 1974. Leur auteur, Oswald Baudot, est substitut du procureur à Marseille et, surtout, membre du Syndicat de la magistrature. Cette exhortation est restée célèbre sous le nom de « harangue de Baudot » et résume tous les reproches qui sont faits au syndicat depuis ses débuts.

Sa création même, en juin 1968, posait déjà débat. Les juges peuvent-ils être syndiqués ? Jusqu’à présent, le consensus répondait « non ». Jusqu’à cette date, en effet, les juges ne se syndiquaient pas. Seule existait une « Union fédérale des magistrats », agissant à la manière des amicales de gendarmes.

En 1974, la même année qu’Oswald Baudot, un autre membre du Syndicat de la magistrature, Hubert Dujardin, passe sous le feu des projecteurs. Littéralement, puisque celui-ci, juge d’instruction à Lille, invite les journalistes du Nouvel Observateur dans son bureau, en violation totale du secret de l’instruction. Il donne des détails, des noms, mais malgré ce manquement déontologique avéré, il sera toujours soutenu par le déjà puissant syndicat.

Les quatorze années Mitterrand qui suivront seront des années fastes pour l’organisation. Omniprésente dans les cabinets ministériels, élue parmi les rangs de la majorité de gauche, écoutée et respectée par un garde des Sceaux comme Robert Badinter, son influence idéologique est claire dans le Code pénal de 1994, celui-ci étant d’ailleurs toujours en vigueur...

Mais les scandales ne font que commencer.

Scandales

En 2001, le syndicat publie un autre ouvrage idéologique, Vos papiers !. Le but de l’ouvrage ? Donner des astuces pour faire annuler les procédures des contrôles d’identité. L’objectif même de ce guide pratique pose d’abord évidemment des problèmes de déontologie, mais l’opinion est habituée aux excès d’un syndicat qui recueille tout de même 20 à 35 % des voix à chaque élection professionnelle. En revanche, un élément retient l’attention, c’est la couverture de ce guide. Celle-ci représente un policier menaçant, à l’allure agressive et, surtout, grimé en porc. Les policiers s’insurgent, naturellement, et le ministre de l’Intérieur, socialiste, porte même plainte contre le syndicat. Malgré ce tapage, le jugement se conclura en relaxe générale des prévenus…

L’impunité encourage bien la récidive…

Mais, contrairement aux thèses que soutient le syndicat en matière pénale, le comportement de ce dernier constitue la preuve même que le sentiment d’impunité entraîne la récidive. En effet, jamais sanctionné, le syndicat se sent tout-puissant… et persiste dans cet étrange mélange des genres, entre justice et politique.

Ce sentiment d’invulnérabilité atteindra son acmé en 2013. Le site Atlantico publie alors une vidéo choc. Celle-ci a été tournée par le journaliste de France 3, Clément Weill-Raynal (conspué, depuis, par l’ensemble de la profession). Sur les images, la France découvre le « mur des cons ». Des dizaines de personnalités publiques, politiques, ainsi que le père d’une victime, sont épinglées sur une immense pancarte. Ce qui s’apparenterait à de l’humour potache et de mauvais goût, pour un syndicat lambda, scandalise à juste titre l’opinion. Car il s’agit bien ici de juges, censés être indépendants… et donc impartiaux !

Mais, là encore, malgré plusieurs mois de scandales, qui auront entraîné une baisse - toute temporaire - des voix du Syndicat de la magistrature aux élections professionnelles, le syndicat finit par retomber sur ses pattes. Sa présidente n’est ainsi condamnée qu’à une amende de 500 €… avec sursis. Autrement dit, l’impunité continue. Plusieurs voix se sont élevées, en 2013, pour demander la dissolution du Syndicat de la magistrature. Mais, son influence aura été trop forte, surtout au sein des réseaux socialistes au pouvoir, pour l’exposer à des sanctions…

Le plus étonnant, dans le parcours du Syndicat de la magistrature, n’est pas l’incroyable impunité dont il a bénéficié, due à un copinage politique et médiatique classique (et que le syndicat disait, justement, dénoncer lors de sa création). Le plus étonnant est que sa politisation, rémanente et assumée sans la moindre honte, n’ait jamais engendré de réactions publiques à la hauteur de l’immense danger qu’elle fait courir à tous les citoyens.

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Pierre-Marie Sève
Directeur de l'Institut pour la Justice

Vos commentaires

32 commentaires

  1. Jean de la Fontaine ainsi que d’autre moins connus avait déjà une bonne idée de la justice en ces temps là. Le « Selon que vous serez puissant ou misérable…  » La Fontaine de notre génération pourrait écrire dans sa constatation, selon que vous serez délinquant ou policier les jugements de cour vous rendrons blanc ou noir. Nous sommes malade d’une peste et c’est pas fini.

  2. 50 ans de travail de sape de notre « justice » par des juges soixante-huitards aussi rouges que le PC !
    Hallucinant qu’il faille cet evènement pour parler de ce syndicat, qui a pu éclore grâce à cette pseudo-révolution de 1968, derrière laquelle se profile l’ombre de la CIA, comme lors de la création du syndicat FO !

  3. Les militaires ne sont pas syndiqués en France . Ce qui semble normal à la majorité des français devrait l’être aussi pour des juges sensés faire appliquer les lois

  4. « Soyez partiaux » cette injonction justifie de récuser systématiquement les magistrats membre de ce syndicat de la part des justiciables. Une telle stratégie est le moyen pour les Citoyens pour obliger le gouvernement à faire son travail.

  5. Il ne devrait pas y avoir de syndicats dans la magistrature. Comme l’armée, l’institution devrait être parfaitement neutre, et politiquement invisible.

  6. Indéboulonnables ces gauchistes ! Je me souviens que dans les années 94, Jean Marie le Pen, avait demandé la dissolution de ce syndicat !

    • Si nous ne pouvions pas accepter certaines déclaration de J M Le Pen toute fois il faut se rendre à l’évidence, il avait prévus, voir même sous évaluer de quelque peut la réalité présente.

  7. Les juges sont assermentés mais leur serment est très évasif : » Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat « . Aussi en 2002 le Sénat a proposé de l’améliorer ainsi : » Je jure de me comporter en tout comme un digne et loyal magistrat intègre, libre, impartial, respectueux de la loi, des droits de toutes les parties et du secret professionnel.  » Évidemment le  »mur des cons », les prises de positions politisées (d’extrême gauche) et les jugements à charge (contre des  »ennemis de classe ») auraient dû, depuis longtemps, entraîner des révocations pour parjure.

  8. Quelle honte ! Les juges devraient rendre publiquement des comptes de leurs actions ET de leurs jugements. Sinon, c’est une dérive tyrannique, anti-démocratique, telle que celle que nous vivons actuellement.

  9. Si le Syndicat de la magistrature ne représente qu’un tiers des magistrats, on peut se demander qui sont ces deux tiers qui se laissent manipuler par cette minorité… La même question se pose dans bien d’autres domaines ou l’on constate que des minorités malfaisantes sont également protégées. Cette situation est absurde dans un pays comme la France où la liberté d’expression devrait permettre à la majorité de s’exprimer. Alors, si cette majorité ne peut plus s’exprimer, c’est bien que nos élites se chargent de l’en empêcher… Qui peut encore croire en la démocratie en France ?

  10. L’injustice a supplanté la justice, la formule « je fais confiance à la justice » est périmée depuis plusieurs années à cause de juges politisés qui appliquent leur droit mais pas le droit.

  11. Tout est pourri dans ce pays , comme disait l’autre un bon coup de karcher s’impose partout , à tous les niveaux .

  12. Faisons tomber le masque. La soi-disant « indépendance de la Justice » est un leurre. A partir du moment où les Procureurs sont sanctionnés et au besoin révoqués par le Garde des Sceaux. Et à partir du moment où les juges du Siège n’ont de l’avancement que s’il sont bien notés par ce même Garde des Sceaux, c’est à dire finalement s’ils en passent par ses volontés.

    • L’indépendance de la Justice, c’est celle des juges du siège dans l’élaboration de leurs décisions. Les magistrats du Parquet sont aux ordres.

      • Tout à fait ! Quant au GDS, il est lui-même poursuivi en justice. ! On assiste, impuissants, au détricotage de nos valeurs !

    • Sarkozy, à l’époque, voulait engager leur responsabilité mais n’a pas eu le courage d’aller jusqu’au bout ! J’espère que le prochain gouvernement aura ce courage car c’est la seule corporation qui bénéficie d’une totale impunité en cas de décision inique, partiale ou politique ! Il n’est pas normal qu’il y ait des syndicats dans cette profession vu que les décisions sont rendues au nom du peuple français !

  13. Faire confiance à la justice ? Mr le garde des sceaux , tant que vous ne ferez pas le ménage, la justice restera partiale bien qu’un juge de mes amis n’en soit pas, il est impensable de se rendre en confiance à un tribunal

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