[TRIBUNE] Trop haute la barre, pour Annie Genevard, ministre de l’Agriculture ?

© Samuel Martin
© Samuel Martin

Une fois le nouveau gouvernement choisi, tout citoyen français était en droit de s’interroger sur les raisons qui ont prévalu pour nommer tel candidat à tel poste ministériel. En se posant cette question : est-ce la compétence des promus ou l’équilibre politicien au sein de l’équipe appelée à gouverner le pays qui en a décidé ? Observons, d’abord, que le cérémonial d’annonce de la composition gouvernementale par le Secrétaire général de la Présidence sur le perron de l’Élysée a été abandonné. Cette perte de solennité a conduit à la banalisation de l’événement, déjà dévalorisé par la médiatisation outrancière des interminables marchandages qui ont conduit à la nomination d’un Premier ministre par défaut, lequel s’est imprudemment laissé imposer par Emmanuel Macron le binôme eau et feu Migaud-Retailleau. Voire l’inversion entre mesdames Genevard et Genetet de leurs affectations ministérielles souhaitées et - plus grave - du bon usage de leurs qualifications respectives. Annie Genevard, en raison de ses compétences, demandait l’Éducation nationale, qui revient à Anne Genetet, bien que celle-ci avoue ne maîtriser ni la complexité ni l'ultra-sensibilité politique du sujet. Mais qu’importe pour Macron, l’équilibre interne à une majorité qui n’existe pas est respecté : il a prévalu sur toute autre considération.

Héritière d'une incurie pluridécennale

Le défi accepté par Annie Genevard, qui ne connaît à peu près rien des problèmes agricoles, est énorme. A-t-elle bien conscience de l’étendue de son sujet qui couvre toutes les productions agricoles et leur commerce, le potentiel forestier, la pêche, leurs marchés intérieurs et extérieurs respectifs, la protection sociale des paysans, la religion écologique qui les harcèle, la gestion du foncier agricole convoité de toute part et, plus déterminante encore, la confrontation européenne entre des États membres aux intérêts divergents ? L’agriculture française s’effondre, conséquence de l’incurie pluridécennale de ses ministres successifs dont le bilan est aussi désastreux que le fut leur soumission aux diktats de Bruxelles. De cette situation dramatique et de ses causes, l’inventaire a d’ailleurs été dressé rigoureusement par le Sénat. Annie Genevard, vice-présidente de cette Assemblée, ne peut l’ignorer, pas plus qu’elle ne doit s’affranchir des impérieuses recommandations faites par les rapporteurs.

Discours de la méthode

Pour être efficace et, en premier lieu, stopper la chute avant d’espérer remonter la pente, et si le ministre a l’humilité qui convient à une débutante, c’est « un discours de la méthode » qu’il lui faut entendre.

Le plus urgent, qui ne sera pas forcément le plus facile, est de faire le ménage chez soi. La dépendance d’un ministre à son administration est, hélas, chose courante. Sous l’avantage de son statut sécurisé, elle saisira l’occasion du changement d’équipe ministérielle pour imposer adroitement ses projets, sans donner garantie de neutralité ni d’efficacité. Pour s’en protéger, n’est pas garanti le recours aux membres du cabinet qu’il doit choisir librement en écartant les jeunes sachants que leur ambitieuse carrière motive plus que le service de l’État. Le deuxième écueil à éviter est l’ascendant que chercheront à prendre les ministres des Affaires européennes et de l’Écologie sur leur collègue. Ne tolérer aucune ingérence est le gage à obtenir du Premier ministre, sauf à accepter une tutelle de fait, sinon de droit. Enfin, il est temps de mettre un terme à la tentation de faire voter de nouvelles lois souvent plus contraignantes qu’utiles en dépit des bonnes intentions affichées. Les paysans ne veulent pas de littérature, ils veulent du concret.

Mais le cœur de la bataille reste à Bruxelles, là où il faut porter le fer contre la Commission européenne qui décide de tout, forte de ses légions de fonctionnaires apatrides (sauf quand ils sont allemands), de son armada de satellites, de ses drones et robots, qui surveillent, contrôlent et pénalisent les contrevenants aux lois européennes. L’administration française n’en est elle pas le meilleur complice et agent ?

Certes, il ne sera pas facile de regagner le terrain perdu à douze États membres autrefois, quand on en compte 27 aujourd’hui. Mais le converti à la résistance Michel Barnier, ancien commissaire européen, devrait savoir défaire aujourd’hui ce qu’il a fait hier. Ah, Madame le Ministre, quel défi à relever que celui de la souveraineté alimentaire ! Je crains pour vous : « Gardez -vous à droite, gardez-vous à gauche… »

François Guillaume
François Guillaume
Ancien ministre de l’Agriculture

Vos commentaires

26 commentaires

  1. Les européistes sont aux commandes, il n’y aura aucun changement si ce n’est une accélération vers moins de souveraineté, la fin de l’agriculture française et du nucléaire honni par l’Allemagne. Un renversement radical s’impose mais qui aura le courage.

  2. Comme je l’écrivais déjà précédemment, Macron a placé ses copains et copines. Et tant pis si ce sont des incapables, de toute façon machiavel a compris qu’en cas d’échec de ce gouvernement la faute en incombera aux LR et non pas aux macronistes….

  3. « Gardez -vous à droite, gardez-vous à gauche… »
    Et surtout, Madame, gardez vous …. au centre !!

  4. L’Europe étant l’autorité qui décide de tout, la ministre exécutera ou passera. Et ce ne sont ni le président ni le premier ministre, européistes chevronnés pour ne pas dire maladifs, qui soutiendront une éventuelle tentative d’émancipation vis à vis de Bruxelles, surtout si ça devait servir les intérêts de la France et de ses paysans.

  5. Pourquoi veut elle donc vacciner tous les animaux ? il reste des stocks ? quelle est leur composition ? la viande est elle consommable pour les humains ? les éleveurs ont leur mot à dire ?

  6. Nous sommes très loin de l’époque où « labourage et pâturage étaient les 2 mamelles de la France ».
    Aujourd’hui, mensonges et enfumage sont les 2 mamelles de la macronie.

  7. Si elle sait conduire un tracteur, c’est tout ce qu’on lui demande si elle veut pouvoir faire partie de la prochaine manifestation des cultivateurs.

  8. Annie Genevard n’est certes pas une spécialiste de l’agriculture mais c’est une personne compétente et issue d’une circonscription rurale; il me semble qu’elle ne doit pas être tout à fait hors sol en la matière, pas plus en tout cas que d’autres ministres là où ils ont été nommés. Ce qui est en revanche beaucoup plus gênant est la nomination à la place qui aurait dû lui revenir, à savoir l’Education Nationale d’Anne Genetet, totalement étrangère à ce domaine. En quelques jours elle a déjà enchaîné les couacs au même rythme qu’Amélie Oudéa-Castera. Cette affectation après celles de Pap N’Diaye, d’AOC donc puis de Nicole Belloubet montre en quel mépris Emmanuel Macron tient ce domaine pourtant essentiel à l’avenir de la Nation, déjà en état de mort cérébrale.

  9. Tout ça vient prouver que ce gouvernement n’est qu’une équipe intérimaire.
    Car, que se soit par la volonté de Jupiter, celle des patriciens, ou celle de la plèbe, nous sommes appelés à retourner aux urnes dans moins d’un an.
    Le Sieur Barnier (praticien) partira avec tous les avantages dus à son rang, Macron-Jupiter s’accrochera à l’Élysée, et la plèbe sera dans la rue.
    Les LR se seront bien fait rouler dans la farine, c’est tout ce qu’ils méritent…
    Et la France aura à nouveau 100 jours pour se (re)trouver un premier ministre et un gouvernement normalement dévolu au parti qui a réuni 11 millions d’électeurs le 7 juillet 2024, et qui seront encore plus nombreux alors !
    Macron se fiche de l’efficacité de ceux qu’il daigne nommer, leur seule compétence consistant à ne pas lui faire d’ombre, de la France, et des français en général et même en particulier !

  10. Comment peut-on accepter d’être ministre dans un domaine dont on ignore tout ?? C’est de la folie furieuse mais on est chez les fous!
    Une mesure importante à prendre et qui ne nécessite aucune compétence en agriculture serait de délocaliser tout le ministère de l’agriculture à Bourges en plein centre de la France. Ancienne capitale à l’époque de Charles VII Bourges est à proximité de presque toutes les cultures et élevages. Bourges sans TGV ni aéroport n’intéresserait aucun des fonctionnaires écolo-bobos qui ont ruiné la France rurale. Ces fonctionnaires devraient démissionner de leur plein gré et rester à Paris pour conseiller Hidalgo dans le développement des jardins urbains. Point de licenciement que des démissions pour raisons personnelles ! Le pieds ! Et vive la France rurale.

  11. C’est bien. Une macron-LR. Elle débute bien. Elle ne connait rien à l’agriculture dont elle est chargé. Soyons attentif, en se trompant, elle pourrait, par erreur, faire de bonnes choses.

  12. En Matière d’immigration comme en Agriculture c’est l’Europe qui va décider les enjeux sont importants et complexes tout comme la sécurité c’est 3 institutions restent le bastion de la Macronie jusqu’en 2027 . Barnier Macron et Von der Leyen sont des Européistes convaincus tout était mis en place en 2022 . Les ministres vont pouvoir se reposer.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois