[TRIBUNE] Tueurs à gages mineurs à Marseille : les mineurs dans impunité totale

@Robert Valette/Wikimedia Commons
@Robert Valette/Wikimedia Commons

Les drames se suivent et se ressemblent à Marseille où, dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, un chauffeur VTC sans histoire a été tué d’une balle dans la tête. Le suspect ? Un tueur à gages de 14 ans qui visait une autre personne…

Cette affaire dramatique faisait elle-même suite à une opération ratée dans laquelle deux adolescents avaient pour cible le membre d’un clan adverse. Démasqué par sa cible, un des adolescents a été lardé de cinquante coups de couteau puis brûlé vif, tandis que son complice est parvenu à s’enfuir.

Quelques jours après ces faits, le procureur de la République à Marseille, Nicolas Bessone, pointait donc logiquement du doigt un phénomène inquiétant, « l’ultra-rajeunissement » des recrues.

Un trafic où l’argent coule à flots

Alors que Marseille a battu un record d’homicides en 2023, le trafic de drogue semble prendre de court l’ensemble des autorités de la ville. En effet, ce sont les magistrats marseillais qui ont déclaré, devant la commission d’enquête du Sénat, qu’ils sont « en train de perdre la guerre contre les narcotrafiquants ». Selon ceux-ci, une centaine de cités compteraient un ou plusieurs points de deal.

Si les autorités judiciaires et policières sont dépassées, c’est parce que l’ampleur du trafic augmente : la production de cocaïne atteint des sommets et les consommateurs de toutes drogues sont toujours plus avides. Cette augmentation de l’offre et de la demande entraîne de facto une augmentation des revenus pour les trafiquants, qui ont les moyens de promettre des salaires indécents à de jeunes hommes sans repère, dans une des villes les plus pauvres de France.

Un régime juridique trop rigide

Il faut dire, aussi, que ces jeunes hommes n’ont absolument pas peur de la Justice. En effet, depuis au moins l’ordonnance de 1945, les moins de 18 ans encourent un régime juridique très favorable : ils sont jugés par des tribunaux pour enfants, ils n’encourent en principe que la moitié de la peine encourue par les majeurs, sans compter certaines peines qui ne leur sont pas applicables, comme les peines d’interdiction du territoire.

Si l’ordonnance de 1945 a été remaniée, notamment en 2021, lorsque Éric Dupond-Moretti a fait voter le nouveau Code de la justice pénale des mineurs, l’essentiel de la philosophie n’a pas changé : l’éducatif prime complètement sur le punitif.

Des mesures diverses et variées sont proposées, notamment par le gouvernement Barnier, qui a remis sur la table l’inutile atténuation de l’excuse de minorité (alors que même sa suppression ne changerait rien). Mais la mesure majeure (c’est le cas de le dire) qui doit se poser est l’âge de la majorité pénale.

Jusqu’à quel âge doit-on être considéré comme un mineur et, donc, voir sa responsabilité pénale atténue ? Fixée à 18 ans depuis 1906, et totalement décorrélée de la majorité civile (qui était de 21 ans jusqu’en 1974), il est techniquement tout à fait possible d’imaginer l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans. En Pologne, par exemple, elle est fixée à 17 ans sans que cela ne pose de problème à la Cour européenne des droits de l’homme.

Une solution intermédiaire pourrait être la solution britannique où l’âge de la majorité pénale est toujours de 18 ans mais où il est possible de poursuivre un mineur devant un tribunal pour adulte (la Crown’s Court) pour les crimes les plus graves, principalement l’homicide, où ils sont jugés quasiment comme des majeurs. Sous réserve, évidemment, que le laxisme appliqué aux adultes ne s'applique pas aussi à ces jeunes criminels...

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 12/10/2024 à 18:29.

Pierre-Marie Sève
Pierre-Marie Sève
Directeur de l'Institut pour la Justice

Vos commentaires

25 commentaires

  1.  » Le suspect ? Un tueur à gages de 14 ans qui visait une autre personne. » D’après d’autres, il n’avait pas voulu sropper. Sanction immédiate.

  2. Déjà il y a une vingtaine d’années je voyais à Marseille des mineurs fumer du shit devant la préfecture sans que cela n’émeuve les policiers présents. Dès lors on ne doit pas s’étonner que l’ampleur du trafic augmente : elle a été encouragée par lâcheté. Et peut être aussi par intérêt.

  3. Ça me fait penser à un parallèle qui n’a à priori rien à voir avec le sujet, celui de la polémique sur le CNC qui a classé le film d’horreur Terrifier 3 comme interdit aux mineurs. En effet, on s’étonne toujours de la violence des mineurs mais en même temps on les autorise à voir des films d’horreur au cinéma quand ils ont 16 ans. Celui de Marseille avait certes 14 ans et son horreur n’était pas un film malheureusement, mais fort à parier qu’il en a déjà vus depuis longtemps.

  4. Nous sommes à présent très loin de « La guerre des boutons ». Mais s’il n’y avait pas de consommateurs, il n’y aurait pas de dealers. Et lorsqu’un automobiliste blesse quelqu’un avec sa voiture, on ne demande pas des comptes au vendeur ou au constructeur du véhicule. Les consommateurs sont aussi fautifs que les dealers.

    • Juste..
      Mais les consommateurs bénéficient, eux, de l’injonction thérapeutique. C’est à dire aucune sanction sauf de rencontrer un psy qui va lui poser quelques questions, et basta.. même pas une amende!!!

      • Je ne suis pas tout à fait d’accord! Bon…cela arrive et on en discute. Au niveau de la santé, l’alcool est considéré comme une drogue car il rend dépendant. L’orsque un automobiliste est controlé conduisant sous l’amprise de l’alcool, il a son permis de conduire suspendu ou annulé s’il est recidiviste. (Rien à dire!).
        Il est condamné à une amende + une peine de prison pouvant aller à de la prison ferme sous bracelt électronique et ce qui est normal: une obligation de soins. Si la dépendance à l’alcool qui est une drogue dure est considérée comme une maladie: pourquoi le condamner ? Est ce que l’on condamne un malade? En France: OUI!

    • la demande et l’offre marchent main dans la main. Mais pourquoi autant de demande ? Le pays va-t-il si mal ? La politique menée ne crée-t-elle pas le climat anxiogènes qui génère la demande ? N’est-il pas temps de changer de politiqueS.

      • On pourrait se poser une autre question: Pourquoi le gouvernement n’arrive pas à enrayer le trafic de drogues ??? Pourquoi la poursuite des consommateurs n’est pas inscrite dans la Loi??? Moi je répondrai tout simplement: Cherchez à qui profite le crime!

  5. messieurs les juges faites votre travail les crimes perpétrés par ces gamins doivent être suivis de sanction exemplaire afin de protéger les citoyens Français .

  6. Pour luter contre le trafic de stupéfiants ne faudrait-il pas s’intéresser au premier chef aux « consommateurs » ? Ah, oui, mais non ! Dans le lot il y a des chefs d’entreprises, des cadres, des journalistes, le plus gros des gens du show biz et du cinéma, des politiciens, des …, des …. !! La lutte est perdue d’avance.

  7. Il sera suivi, après condamnation, par les services de protection judiciaire de la jeunesse pour sa future réinsertion, peut-être aura t-il une chance de sortir de cet engrenage ?
    Pas d’excuse de minorité, à son âge on sait très bien faire la différence entre le bien et le. Mal.
    Il serait temps de remanier de fond en comble l’ordonnance des mineurs de 1945

  8. Il est bien capable de tuer alors il doit assumer et être puni comme il se doit . De plus ces gangs emploient de plus en plus de mineurs pour le sale boulot parce que la justice les protège et ne les puni pas . Et les parents sont responsables de l’enfant il faut donc s’en prendre aux parents en les privant des allocations et autres droits . Si l’on ne fait rien c’est cautionner et être complices .

    • Apparemment. Les services de l’ase sont donc ici responsables. Va t il y avoir une enquête pour déterminer la responsabilité des adultes qui avaient en charge cet adolescent ?

  9. Pour ce qui est du « télétravail » en prison, il n’est qu’une solution possible: 1/ Retour des fouilles après parloir. Les modalités de cette fouille pouvant très bien être adaptées: puisqu’on ne peut plus « toucher » le prévenu, il suffit de faire ce qu’on fait à tout le monde dans les aéroports: cabine mains en l’air, scanner à poil corps entier. Si c’est acceptable pour le public, il n’y a forcément rien de contraire aux droits humains. 2/ Nettoyage des cellules: fin des portables, des ordinateurs, de l’internet. La taule c’est la taule. Il s’agit de protéger les agents pénitentiaires: rappelons que les communications avec l’extérieur ont permis l’évasion sanglante lors d’un transfert.

    • Il existe des brouilleurs dans certains endroits; des systemes qui interdfisent toutes communications dans un périmètre donné. Pourquoi donc au sein de l’Administrations Pénitenciaire, les locaux: Maison d’arrèts, tribunaux, et autres on n’instale pas de tels dispositifs de brouillage?

  10. 14 ans, et il a choisi la voie du grand banditisme, en étant connu des services et en n’étant capable que de tuer (ici le chauffeur de taxi qui ne voulait pas attendre). L’excuse de minorité ne devrait pas s’appliquer à ce mineur perdu pour la société. Seules de longues années d’enfermement pourront nous protéger.

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