[Tribune] Un concours pour des « vitraux contemporains » à Notre-Dame ?

Les vitraux ont toujours été le catéchisme des pauvres jusqu’au XIXe siècle, puis l’abstraction est arrivée...
Notre-Dame de Paris

En visite de chantier à Notre-Dame de Paris le 8 décembre, Emmanuel Macron a annoncé (contrairement à l'avis de Roselyne Bachelot, il y a trois ans) le lancement d'un concours pour la création de six vitraux contemporains. Ces futures verrières caractériseront, selon lui, « la marque du XXIe siècle ». Quant aux anciens vitraux de Viollet-le-Duc qui ont été déposés, ils seront présentés dans un musée. Marc Alibert, architecte honoraire des Bâtiments de France, réagit pour BV à cette déclaration.

Notre-Dame est un lieu sacré, ce n’est pas un terrain de jeu pour artistes avides de reconnaissance dont le seul juge est leur cote sur le marché. L’État, avec notre argent, se doit de respecter ce chef-d’œuvre qui a façonné notre culture et que beaucoup de nos concitoyens, catholiques ou non, veulent préserver.

Devant les richesses des œuvres du passé, l’artiste aujourd’hui est pris d’angoisse et se pose la question : comment créer après de tels sommets ? Ne sachant plus dépasser la tradition, il la nie.

Catéchisme des pauvres

Les verrières de Conques et de Nevers ne laissent pas transparaître les vérités de la foi, alors que les rosaces de Notre-Dame, « ces grandes fleurs de deuil éblouissantes et tristes » nous disait Émile Mâle, ont miraculeusement résisté à l’incendie de 2019 et sont peut-être les plus belles œuvres sorties de la main de l’homme. L’ensemble des verrières au Moyen Âge, depuis le narthex, devait ressembler à une exposition de tapis d’Orient.

Les vitraux ont toujours été le catéchisme des pauvres jusqu’au XIXe siècle, puis l’abstraction est arrivée, avec une perte progressive de la foi.

« L’artiste qui ne professe pas les vérités de la foi ou qui vit éloigné de Dieu ne doit en aucune manière toucher à l’art religieux, il lui manque cet œil intérieur capable de lui montrer ce qui est requis par la majesté du créateur », écrivait Pie XII (encyclique Musicæ sacræ disciplina).

Le thème des verrières créées entre les deux guerres pour Notre-Dame, et qui n’ont pas été mises en place, peut servir de modèle, car l’iconographie choisie était celle des saintes et saints qui ont marqué l’Histoire de France.

Le concours pour la restauration des vitraux de la cathédrale ne peut être ouvert qu’à des artistes chrétiens et non à des coteries cherchant à satisfaire leur ego et incapables de transcendance. Comme l'écrivait très justement Laurent Dandrieu, « ce qui frappe le plus dans l’art contemporain, c’est le décalage permanent entre la pauvreté du geste et la suffisance du discours ».

Purifier et recentrer son imaginaire

Le bleu est la lumière dans le vitrail, c’est la base de leur coloration, et la première condition pour l’artiste verrier est de savoir régler le bleu, couleur irradiante, le rouge étant la couleur filtrante. Regardez le fameux bleu de Chartres ! C’est comme peindre avec la lumière. Mais la technique du maître verrier ne peut modifier les lois de la lumière, de la perspective, de l’optique et de l’orientation (ici, les futurs vitraux seront orientés au sud).

Jusqu’au XIVe siècle, il n’existe pratiquement que ces deux couleurs ; ainsi, en composant son carton, l’artiste doit penser à la mise en plomb pour une lecture souple et non rigide.

L’ensemble de ces six verrières ne doit pas faire une tache criarde mais se fondre avec humilité, à l’image de la Vierge. L’artiste doit confier son travail à Marie, elle est là pour purifier et recentrer son imaginaire. Ainsi, sous la protection de Notre-Dame, les œuvres seront belles car débordantes d’un cœur possédé par la grâce.

Picture of Marc Alibert
Marc Alibert
Architecte du patrimoine

Vos commentaires

44 commentaires

  1. Je signale à toutes fins utiles qu’une pétition a été lancée le 11 décembre par la Tribune de l’Art , destinée à Emmanuel Macron, pour s’opposer à une décision aussi absurde qu’ intolérable.

  2. On peut craindre le pire, si l’on se réfère aux nombreuses « églises » contemporaines, qui ressemblent à des hangars ou des halls de gare ! L’orgueil abyssal et le narcissisme absolu qui caractérise notre époque et ses artistes contemporains marquent déjà notre bien aimée Notre-Dame par le choix du mobilier qui entoure « l’autel » !

  3. Les vitraux de Notre-Dame font partie de Notre-Dame et appartiennent à Notre-Dame. Ils n’ont rien à faire dans un musée sinon on appel cela du vol.

  4. Macron, c’est le petit représentant de commerce qui, chassé par la porte, tente de revenir par la fenêtre. Il avait proposé un concours concernant la reconstruction de la toiture, mais le tollé généré à l’époque l’avait obligé à renoncer. Et maintenant, rebelote, il veut faire la même chose pour les vitraux. Alors il faut recommencer, signer la pétition qui va à nouveau l’obliger à renoncer. Je l’ai signée sur change.org.

  5. ça promet, pas loin de chez moi il y a un « créateur de vitraux », soit disant au talent incomparable. Son hall d’exposition n’attire plus, depuis de nombreuses années, que les suicidaires en phase terminale. Que les dieux nous protègent des ravages potentiels sur Notre Dame de ce genre d’illuminés.

  6. Tellement vrai!
    « L’artiste qui ne professe pas les vérités de la foi ou qui vit éloigné de Dieu ne doit en aucune manière toucher à l’art religieux, il lui manque cet œil intérieur capable de lui montrer ce qui est requis par la majesté du créateur », écrivait Pie XII  » = c’est pourquoi un athée comme le locataire de l’Elysée ne peut pas s’occuper de cela, même au travers d’un concours, d’autant que ce concours doit s’appuyer sur l’art con temporain!
    Ceci même si j’ai été surprise de constater combien les vitraux de La Basilica Sagrada De Famila , très contemporains, reflètent une atmosphère propre à al prière, avec ses camaïeux de couleurs différents suivant les points cardinaux. Il est vrai que gaudi avait choisi des croyants (le seul non croyant ayant travaillé à la Basilique a été touché par la grâce et s’est converti. Mais cette basilique est moderne et non, comme Notre dame, qui elle , est ancienne

  7. Je croyais que l’on devait construire à l’identique, mais c’était s’en penser à notre petit président qui voulait marquer son passage dans l’histoire.

  8. Excellent récit et analyse juste et humble. De l’art et de la passion seuls, émerge le beau, l’insaisissable, le fantastique mais, le sublime ne vient que du religieux, du mystique.

  9. Peut être que le projet de nouveaux vitraux représentaient un être interdit de représentations. Ça aurait été cocasse.

  10. Non. reconstruire ce qui a été détruit ne veux pas dire transformer ou modifier.En reconstruisant la flèche à l’identique de celle édifié par ce génie qui était Eugène Viollet-le-Duc fut une merveilleuse nouvelle, nous ne sommes passé pas loin d’une décisions autre catastrophique. A présent c’est de remplacer par de certains nouveaux vitraux. Décidément il y en a qui ne reculent devant rien pour détruire notre culture peut être auraient ils échoués dans une précédente.

  11. C’est une honte. Ce président se croit tout permis et agit comme un roitelet, avec le droit divin de vie ou de mort, même sur des œuvres sacrées qui ne lui appartiennent pas. Et qui va payer cette nouvelle lubie ?
    Votre article, Monsieur Alibert est plein de bon sens. Il faut restaurer Noter Dame de Paris dans son état premier avant l’incendie et ne pas chercher à l’enlaidir avec des créations qui n’ont rien à voir avec le sacré et qui ne seraient là que pour sanctifier le roi de cette république !

  12. Personnellement, je trouve ce débat oiseux. A l’origine, la flèche de Notre-Dame Dame n’existait pas. C’etait un simple clocher demoli vers 1760. C’est Violet Leduc qui a pris sur lui en 1860, de la « greffer » à l’existant et cela avait déclenché une grande bataille avec les « puristes » qui n’en voulaient pas. Or, aujourd’hui personne n’aurait imaginé la reconstruction de la basilique du 12è siècle sans cet appendice rajouté à 19è. Quand Eiffel a construit sa tour en 1887, ça a été un tollé et il ne s’en est fallu que d’une voix pour qu’elle ne soit pas démolie après l’exposition de 1889. Qui aujourd’hui pourrait imaginer Paris sans elle ?
    Que l’on profite de cette reconstruction pour remplacer des vitraux abîmés, par quelqu’un chose de simple mais d’actuel ne me choque pas à condition de ne pas rentrer dans des délires. Dans cent ans, les Parisiens ne jureront plus que par eux.

    •  » à condition de ne pas rentrer dans des délires » question délires (ou foutage de g…le?), les exemples ne manquent pas, tout est question de limites.

    • Effectivement, dans les temps anciens, on abattait la nef romane pour la remplacer par du gothique et s’il fallait abattre une église genre ND de Paris pour dégager une perspective vers un monument contemporain de l’époque, ça se serait sans doute fait. Je ne suis pas contre le contemporain, en musique j’aime le baroque de Händel et le contemporain me convient aussi, Hindemith, Strauss, Vaugn-Williams, etc. Les musiques de films sont souvent fabuleuses, mais je ne supporte pas le bruitage d’ambiance actuel ! Ce qui fait peur c’est le foutage de g…., le geste pauvre avec beaucoup de bla bla de présentation comme dit dans l’article. Carré blanc sur fond blanc…ça existe.

  13. j’espère que Jupiter ne va pas encore tout gâcher pour son égo , que ne ferait-il pas pour laisser son nom dans l’histoire, je crois qu’il restera le pire des président de la 5ème République !

  14. Honte a ce président de pacotille qui salit même le sacré. Non nous ne pouvons pas accepter ce sacrilège.

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