Triple viol sur l’école moderne

Selon une enquête annuelle d’Ipsos pour la Fondation du judaïsme français, relayée par Le Point, ce sont plus d’un tiers des enseignants qui minorent ou éludent complètement certains sujets au programme, notamment pour éviter des confrontations avec les élèves. Dans ces situations, les attitudes peuvent aller de la simple remise en question du contenu (74 %) en passant par la perturbation du cours (42 %) jusqu’au refus pur et simple de suivre le cours (16 %). Sans surprise, en zones appelées pudiquement « sensibles », les statistiques grimpent. Un enseignant sur quatre y élude ou abrège le contenu, et le refus de suivre les cours dans ces situations s’élève à 27 %.

Derrière les chiffres (qui ne nous surprennent même plus), les enseignants peinent eux-mêmes à comprendre comment l’école dite « de la République » a pu s’embourber dans une telle impasse. Pourtant, tout ceci s’explique par un triptyque destructeur qui vient violer l’enceinte sacrée de la transmission du savoir : la perte d’autorité, l’idéologisation de l’enseignement et l’exaltation multiculturelle.

L’autorité, d’abord, façonnée directement par les lubies post-soixante-huitardes n’aura cessé de péricliter. Interdire d’interdire passe par la glorification de « l’apprenant » et la dévalorisation de son maître, qui ne serait guère plus que le révélateur d’un savoir déjà là, bien qu’il peine souvent à se manifester. Souffrant d’un pédagogisme hors-sol, l’école moderne ne reconnaît plus au professeur la détention d’un savoir qu’il transmet, et par là même lui sape la légitimité et l’autorité qui en découlent. Puisque le maître n’est désormais qu’un élève un peu plus vieux que les autres, rien ne justifie qu’il les gouverne. Les années suivantes détruisirent progressivement les sanctions et disciplines précieuses à l’enseignant. L’enceinte s’est fracturée, pour ne pas dire effondrée.

Non contents de triturer le contenant, l’idéologue forcené n’aura pas résisté à toucher au contenu. L’école devient, par couches successives, le fer de lance des névroses idéologiques, grâce à une population d’enseignants acquis à la cause. Ils s’asseyent alors largement sur toute prise de distance et objectivité, même feintes, dans les matières stratégiques. L’histoire n’a plus de chronologie ; la science de la vie et de la terre promeut la pilule. On étudie Vian (c’est un gentil) et on piétine de Maistre (c’est un méchant). La brève philosophie démolit la thèse, déballe son antithèse, étale sa synthèse. On assomme l’élève de devoirs citoyens : il plante des arbres ; il combat le racisme ; il porte des jupes ; il se syndique ; il glande, si c’est pour une bonne cause. On démolit l’intelligence de la main tout en valorisant les bêtises de l’esprit. On sensibilise aux MST ; on exalte la culture « plastique ». Le collège est unique mais les idéologues sont nombreux. Mais dans une école qui éduque et n’instruit plus, tout devient plus critique et plus contestable.

Pénétrer l’enceinte de l’école et la souiller : on aurait pu s’arrêter là. N’être plus capable de rien était suffisamment grave. Cependant, il y manquait la violence. Dans une société qui se veut mille visages, mille origines, mille cultures, la France découvre progressivement mille confrontations. Si des professeurs se trouvent aujourd’hui dans l’obligation d’éviter certains sujets, c’est encore suite aux incantations égalitaristes des mêmes destructeurs. Exalter toutes les cultures, c’est, bien sûr, renoncer à la sienne et accepter que nos enseignements ne soient pas les leurs. Si l’élève prévaut sur le maître, si l’idéologie prévaut sur le savoir, alors comment ne pas se résigner à ce que l’individu prévale sur l’école.

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