Où trouver vingt milliards pour compenser la taxe d’habitation ?

Le Conseil constitutionnel ayant estimé que faire payer une taxe d’habitation à 20 % de la population serait contraire au principe de l’égalité devant l’impôt, le gouvernement vient d’annoncer la suppression pour tous de cet impôt local. Or, il rapportait dix-huit milliards d’euros, que l’État doit compenser intégralement. Les dix milliards correspondant à la suppression de cette taxe pour 80 % de la population ont déjà été budgétés et seraient, paraît-il, financés par des économies draconiennes dans les dépenses de l’État. Toutefois, le gouvernement va diminuer la dotation annuelle des collectivités locales pour les obliger à compresser leur personnel ; il reprendra d’une main une partie de ce qu’il donnera.

Reste huit milliards à trouver. Or, le gouvernement jure qu’il n’augmentera pas les impôts et qu’il ne créera pas de nouvelles taxes locales. Une partie de cet argent (2,8 milliards) proviendra d’une surtaxe foncière sur les résidences secondaires et sur les logements vacants. Pour le reste, le pouvoir envisage de donner aux communes la part de la taxe foncière qui va actuellement aux départements et de rétrocéder à ces derniers, pour compenser, une part de la TVA ou de la CSG. Les villages et les petites villes seraient gagnants lors de ce transfert, mais pas les grandes villes. Il faudrait prévoir un fonds pour dédommager les perdants. Cela coûterait six cents millions d’euros, ce qui est acceptable, mais serait complexe à mettre en place. Autre solution : rétrocéder une fraction de la TVA aux communes, mais alors on se heurterait au principe de l’autonomie des collectivités locales, car le pourcentage de leurs ressources dont elles décident librement le taux doit être supérieur à 60 %.

Néanmoins, l’État se retrouve avec un trou de plus de cinq milliards à combler. Faire de nouvelles économies est impossible. Celles qui sont prévues relèvent parfois du vœu pieux et risquent fort de ne jamais être faites. La logique macronienne voudrait que les nouveaux exemptés (les classes supérieures) règlent la facture, car le Président ne leur a fait aucune promesse. On pourrait ainsi raboter plusieurs niches fiscales, parmi celles-ci qui profitent aux contribuables les plus aisés. M. Darmanin, craignant le ras-le-bol fiscal, a pris position contre cette solution, mais elle sera probablement mise en œuvre d’une façon ou d'une autre. On peut aussi augmenter subrepticement les taxes sur l’essence (sous prétexte de lutter contre le réchauffement climatique).

Le gouvernement compte aussi sur la révision (et l’augmentation qui s'ensuivra) de la taxe foncière, car cette dernière se base, pour les logements anciens, sur des déclarations faites en 1970. Depuis, des travaux ont pu augmenter le confort de ces logements. La moitié d’entre eux auraient ainsi une taxe foncière sous-évaluée. Cependant, augmenter les impôts d’une partie des contribuables est toujours politiquement délicat.

Au final, en jouant sur plusieurs tableaux, le gouvernement trouvera les milliards manquants, mais une chose est sûre : les Français paieront la note.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 10/09/2024 à 9:33.
Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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