Trump et l’Iran, ou l’illisible stratégie

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Donald Trump a donné l’ordre d’attaquer l’Iran et puis s’est ravisé quelques minutes avant le début des bombardements. Ce que le New York Times avait révélé quelques heures auparavant a été confirmé par le président américain lui-même : dix minutes avant les frappes américaines contre trois sites iraniens, il a donné l’ordre à ses avions de faire demi-tour.

Il donne des détails dans ses tweets (son mode de communication international) et fait référence à un dialogue avec un des ses généraux : « J’ai demandé combien de personnes allaient mourir. 150 personnes, Monsieur, a répondu un général. Ce n’était pas proportionné à une attaque contre un drone. » »

On peut être sceptique sur la tenue réelle de ce dialogue, dix minutes avant un bombardement, et l’on peut plutôt supposer qu’il s’agit d’une démonstration de force sur le thème : « La prochaine fois, je le fais vraiment. »

Cette simili-attaque fait suite à la destruction d’un drone américain par des batteries iraniennes. Les Américains affirment que leur drone volait au-dessus des eaux internationales, tandis que les Iraniens soutiennent qu’il était dans leur espace aérien. Difficile de trancher pour le moment, mais on voit mal pourquoi les Iraniens prendraient le risque de déclencher une guerre qui risquerait d’être ravageuse pour leur pays.

Quelques jours auparavant, deux tankers avaient été attaqués dans le détroit d’Ormuz et avaient subi quelques dégâts sans faire de victimes. Les Américains ont diffusé une vidéo affirmant qu’elle était la preuve de l’implication iranienne. Un scepticisme général a accompagné cette affirmation. D’abord, cette vidéo de mauvaise qualité ne démontre pas grand-chose, et puis le monde s’est habitué aux manipulations américaines qui précèdent les conflits qu’ils choisissent de déclencher. Que ce soit au Kosovo, en Irak ou en Libye, les désinformations qui avaient accompagné ces guerres catastrophiques ont ensuite été avérées. On cherche encore les armes de destruction massive de Saddam Hussein…

Mais au-delà de la méthode utilisée, la vraie question, aujourd’hui, est de savoir ce que veut Donald Trump : veut-il attaquer l’Iran ou simplement le menacer ? Mais dans ce cas, pour l’obliger à quoi ? C’est lui qui a choisi de sortir de l’accord nucléaire qui avait pris des années de négociation alors que cet accord était respecté, comme l’ont souligné l’ensemble des dirigeants européens.

Ce qui est sûr, c’est que la situation est maintenant explosive et peut dégénérer à tout moment. Or, une guerre avec l’Iran embraserait toute la région et personne ne peut mesurer les conséquences d’un tel conflit. L’inquiétude monte, y compris chez les plus fidèles alliés des Américains. Les Émirats arabes unis, bras armé des Saoudiens au Yémen, ont ainsi clairement fait savoir qu’une guerre avec l’Iran était inenvisageable. En fait, deux pays seulement appuieraient une attaque américaine : Israël et l’Arabie saoudite. Cette fois, c’est vraiment insuffisant : même les Britanniques et les Allemands sont plus que réticents. Et puis les Russes et les Chinois, dont l’avis ne comptait pas à l’époque du Kosovo ou de l’Irak, ont maintenant leur mot à dire.

Trump peut-il déclencher sa première guerre alors qu’il commence sa campagne électorale ? Cela paraît hautement improbable, mais il a, en tout cas, fabriqué une poudrière.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:12.
Antoine de Lacoste
Antoine de Lacoste
Conférencier spécialiste du Moyen-Orient

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